Page images
PDF
EPUB

qu'il réduit de moitié la tendance à l'écartement sous une pression donnée. De ce qui précède, il résulte que la voie non chargée ne présente pas une résistance suffisante à la déformation; or il peut arriver que, par le jeu des ressorts et des oscillations, une roue d'un véhicule soit presque complétement déchargée, tout en exerçant une pression latérale considérable, et c'est là un phénomène qu'il faut sérieusement redouter.

Sous le passage, d'une locomotive, une voie en bon état fléchit de cinq à six millimètres, savoir :

[blocks in formation]

On conçoit qu'une pareille flexion absorbe à chaque instant un travail considérable et augmente beaucoup les frais de traction.

Nous empruntons littéralement à M. Michel les conclusions du travail de M. Weber :

« Depuis plus d'une génération d'hommes, la voie des chemins de fer est construite avec une flexibilité telle que chaque roue en passant y produit une sorte d'ondulation. Chaque oscillation des véhicules la déforme, et la stabilité de l'ensemble est tellement insuffisante, en comparaison des efforts qui lui sont imposés, que ces actions vont jusqu'aux limites extrêmes de la résistance. Elles détruiraient même infailliblement la voie, si la charge des wagons ne venait à temps rétablir l'équilibre, par suite du frottement auquel elle donne naissance. Mais que le frottement n'agisse pas au temps voulu, et la sécurité de l'exploitation, qui est basée sur la stabilité de la voie, s'évanouit.

« Si l'on compare les renseignements provenant de la variation de la charge des essieux avec les conditions connues de la stabilité des éléments de la voie, on a le sentiment d'un danger toujours imminent auquel on ne peut parer que de deux manières, savoir :

« Ou bien par un système de construction qui assure la roideur et la durée de la voie ;

« Ou par l'emploi d'un matériel roulant qui rende impossible ou du moins qui diminue les variations de la charge des essieux.

« Le système de la voie Hartwich répond à la première condition. Sa grande roideur verticale s'oppose à la flexion. Le patin du rail reposant directement et d'une manière continue sur le ballast, assure le maintien de la voie en place. Enfin la continuité du support rend pour ainsi dire la pression uniforme dans toute l'étendue du passage d'un véhicule, que la voie soit ou non déchargée en un point.

«La seconde condition sera satisfaite en employant les locomotives et les véhicules à quatre roues. Avec ce système, il est presque impossible que le chargement d'une roue soit réduit de manière à diminuer le frottement du rail sur la traverse d'une manière inquiétante pour la stabilité de la voie. »

Conclusions: Supériorité du rail à patin. De ce qui précède résulte clairement la supériorité du rail à patin sur le rail à double champignon. Celui-ci a surtout pour lui l'économie résultant du retournement, mais nous avons vu que cette opération devait être pratiquée avec prudence et ne donnait pas les résultats qu'on en pouvait attendre. Le rail à patin est à poids égal plus résistant

que son rival, il a une résistance transversale bien suffisante, se prête mieux à l'éclissage, a plus de roideur transversale, s'oppose mieux aux actes de malveillance car il ne peut être enlevé qu'après un certain travail et à l'aide de quelques outils, cependant l'enlèvement n'offre pas de difficultés sérieuses pour l'entretien lorsqu'on se sert de tire-fonds et non de crampons; le rail à patin ne pénètre pas plus les traverses que ne le fait le coussinet, cependant dans les traverses en bois tendre, il demande l'adjonction de plaques de joints; en rendant inutiles les coussinets et les coins, le rail à patin réalise une économie de 4000 à 7000 fr. par kilomètre de voie à construire. La plus grande somme d'avantages est donc du côté du rail à patin.

Cependant, plusieurs ingénieurs maintiennent leurs préférences pour le rail symétrique, auquel ils accordent plus de stabilité et plus de durée. En ce qui touche notamment les rails en acier, la forme à double champignon, permettant le retournement, serait sans doute avantageuse à conserver.

VOIES SUR LONGRINES.

La voie sur longrines est la plus ancienne, puisqu'elle a pris naissance avec les rails en bois, ou madriers posés à plat sous les roues des véhicules.

Lorsqu'on s'aperçut que la surface des madriers s'usait rapidement, on eut l'idée de la protéger par une feuille de fer, dont le rôle était de résister au frottement tandis que l'élasticité seule du bois se trouvait en jeu pour résister à la flexion. Le rail mixte était créé, et il devait venir à l'idée des constructeurs d'utiliser à la fois pour résister à la flexion le bois et le fer.

Ainsi la longrine a pour effet de renforcer le rail en le transformant en une sorte de poutre armée; mais ce système présente l'inconvénient de toutes les poutres armées, l'élasticité du bois n'est pas égale à l'élasticité du fer; lorsque le fer fléchit de manière à prendre une tension convenable, sa flexion n'est pas celle qui convient à un bon travail des fibres du bois.

La matière est donc mal utilisée; elle l'est d'autant plus qu'il est impossible d'établir et surtout de maintenir la liaison entre le bois et le fer; les différences de dilatation notamment donnent du jeu aux vis et aux crampons, la solidarité disparaît, et il faut adopter un rail aussi pesant avec des longrines qu'avec des traverses.

L'avantage des longrines est d'exiger moins de bois; en effet, une traverse de 2,50 correspond à 0,90 de voie, tandis que deux longrines de chacune 1 mètre correspondent à 1,00 de voie. Mais cet avantage n'est qu'apparent, car 1° les longrines doivent être parfaitement équarries et de largeur régulière, afin de présenter assez d'espace pour les attaches; 2° le déplacement des charges roulantes fait basculer les longrines dans le sens longitudinal, elles ne tardent pas à refouler le ballast et exigent un entretien coûteux; pour remédier à cet inconvénient, il faut donc poser les longrines sur des traverses; 3° les traverses sont nécessaires à un autre point de vue les longrines seules ne présentent pas une résistance suffisante aux efforts transversaux qui résultent de la pression des mentonnets ou de la circulation en courbe : il faut les entretoiser et la manière la plus simple de le faire c'est de les poser sur traverses.

Ces notions générales vont s'éclaircir par les exemples suivants :

Voies sur longrines en Hollande. Vers 1840, bien que les canaux de la

Hollande, sillonnés par des galiotes, parcourant 6 kilomètres à l'heure, fussent pour ce pays des voies de communication naturelles et commodes, les chemins de fer commencèrent à s'y développer.

La voie de la ligne d'Amsterdam à Harlem est représentée par les figures 9 à 11 de la planche II; sa largeur, d'axe en axe des rails, est de 2 mètres, et on s'est proposé surtout de répartir les pressions sur une plus grande surface d'un terrain marécageux et sans consistance.

Les rails en sont fixés aux longrines par des vis de 0,17 de hauteur sur 0,015 de diamètre, espacées de 0,82; aux abouts de chaque rail on trouve deux grands boulons qui traversent de part en part la longrine en sapin et qui la serrent en dessous par un fort écrou.

On reconnaissait bien déjà la nécessité d'encastrer les bouts des rails afin de maintenir une correspondance exacte entre les rails successifs et d'éviter des chocs funestes à la voie comme au matériel.

Les figures 10 et 11 montrent comment deux rails successifs sont assemblés au moyen d'un crampon engagé dans leur cavité et fixé à la longrine par deux crossettes barbelées ; ce crampon s'oppose à tout mouvement transversal du rail.

Le rail, de la forme préconisée par Brunel, pèse 30 kilogrammes au mètre courant; et la voie simple coûtait en 1840 près de 40 francs le mètre courant.

Voies du chemin de fer d'Auteuil. Le chemin de fer d'Auteuil, aujourd'hui incorporé au chemin de fer de Ceinture, fut construit en 1854 avec des rails Brunel, placés sur des longrines en sapin qui reposent elles-mêmes sur des traverses destinées à maintenir l'écartement.

« Les avantages du système, disait à cette époque M. l'ingénieur Leclerc, sont sa stabilité, la douceur de sa circulation et son heureuse influence sur la conservation du matériel. Le rail Brunel n'a pas, comme le rail à double champignon, les inconvénients de la mobilité des joints et d'une inégale résistance sur le sol. Enfin, la voie Brunel a été considérée comme plus économique. Les frais de son établissement sont moindres que ceux de la voie ordinaire, quand on y ajoute les éclisses qui paraissent indispensables à beaucoup d'ingénieurs. L'entretien de la voie Brunel est d'ailleurs moins considérable que celui de la voie ordinaire.

« On objecte que la voie sur longrines entraîne l'emploi du sapin, dont la durée est moindre que celle des traverses en chêne. Les moyens de conservation des bois atténuent fortement cette objection.

« On reproche encore à la voie Brunel la difficulté du remplacement des longrines. On a prévu cet inconvénient et on l'a évité au chemin de fer d'Auteuil, par l'addition d'une traverse sous les raccords des longrines et par la suppression des assemblages. Les longrines sont posées bout à bout et simplement fixées aux traverses par des boulons. »

Les figures 1, 2, 3, de la planche V représentent la voie du chemin de fer d'Auteuil.

Le rail est fixé sur la longrine au moyen de taquets en fonte, qui embrasse n la base du rail et qui sont attachés à la longrine par des vis à bois. On a évité ainsi d'affaiblir le rail par des trous de boulons. Ces taquets ou crampons sont distants de 0,50, en alternant de chaque côté du rail.

Les rails sont reliés les uns aux autres, à leurs extrémités, par des plaques de fer fixées par quatre rivets à chaque rail: ils pèsent 31 kilogrammes au mètre

courant.

L'écartement des longrines est maintenu par des traverses espacées de 2,40

en moyenne, et fixées par deux boulons de 15 millimètres de diamètre et de 0,52 de longueur.

Les longrines ont une longueur variant de 6 à 12 mètres avec un équarrissage de 15 sur 30; les traverses ont le même équarrisage avec une longueur de 2,20.

On a cru devoir, dans les courbes, consolider la voie par des tringles en fer plat de 0,01 d'épaisseur et de 0,06 de largeur, pesant 7 kilogrammes, et espacées de 2 à 3 mètres.

Le prix de revient du mètre courant de la voie a été de 37',15, laquelle somme se décompose comme il suit :

[blocks in formation]

Du rail Brunel.

La voie sur longrines, qui a pour ainsi dire disparu en France où elle avait reçu d'abord une sérieuse application sur la ligne de Bordeaux à Bayonne, est intimement liée au rail Brunel, ou rail en .

Ce rail a un avantage, c'est que le poids des véhicules qu'il supporte ne se trouve jamais en porte-à-faux, ce qui arrive presque toujours avec le rail à champignon; l'inclinaison du rail sur la verticale, le jeu de la conicité, l'usure irrégulière des bandages font que le roulement a lieu fréquemment sur les parties latérales du champignon, c'est-à-dire en porte-à-faux. Il est vrai que, dans une voie solide, il n'y a pas grand inconvénient à cela; cependant les rails peu résistants ne tardent pas à s'écraser et à se déformer sur les bords. Avec le rail Brunel, jamais le porte-à-faux ne se produit.

Mais le rail en Л, ayant même hauteur, même poids et même moment d'inertie qu'un rail à champignon, a nécessairement son âme dédoublée beaucoup plns mince, et il tend à s'ouvrir, c'est-à-dire à s'aplatir; pour combattre cette tendance, les traverses ne suffisent plus et le support continu ou longrine est nécessaire, avec tous les moyens de consolidation qu'il entraîne.

Il est vrai que le support continu permet de réduire le poids du rail; mais c'est là un avantage plus théorique que pratique, car la longrine suit toujours les mouvements de compression du ballast et la régularité de la résistance est impossible à obtenir. Les joints du rail Brunel, qu'on ne peut éclisser, détermi nent aussi une cause sérieuse d'infériorité, car l'éclissage est indispensable sur les voies actuelles.

Le rail Brunel présente une plus grande résistance que le rail à champignon au renversement, car il possède une base plus large; mais cet excès de résistance est inutile et celle qu'on obtient, soit avec le coussinet, soit avec le rail à patin est bien suffisante. En revanche, l'accroissement de largeur de la base constitue un grave inconvénient pour les supports continus; la largeur de ceux-ci augmente d'autant plus qu'il faut réserver un espace suffisant entre les vis ou crampons et les arêtes des longrines.

Le rail Brunel, pour résister à la pression aussi bien que le rail à champignon, doit présenter dans l'ensemble de ses deux branches verticales une épaisseur supérieure à celle de l'âme unique du rail à champignon, sans quoi il s'écraserait; ou bien, on est forcé de réduire la hauteur, ce qu'on fait d'ordinaire et ce qui entraîne une grande diminution de résistance.

[ocr errors]

Résumé sur les voies à longrines. En résumé, les voies à longrines, qui paraissent une solution naturelle et favorable à la résistance, exigent des rails presque aussi forts que les voies à traverses; l'emploi des longrines ne dispense pas des traverses si l'on veut maintenir l'écartement de la voie et lui donner une rigidité suffisante; il y a donc plutôt augmentation qu'économie dans le prix de premier établissement. Avec les longrines, une rupture de rail n'est pas dangereuse, mais les voies sur longrines présentent une grande instabilité; elles sont donc coûteuses d'entretien et défectueuses au point de vue de la sécurité; c'est leur plus grave défaut, et c'est lui surtout qui les a fait rejeter.

Après avoir été adoptée primitivement en Amérique et en Allemagne, où l'on rencontre facilement des pièces de bois de gros équarrissage, la voie sur longrines est tombée en défaveur même dans ces deux pays.

Elle a été employée au Sömmering sous une forme particulière : les rails reposent sur des traverses et celles-ci sont fixées à deux cours de longrines. On sait qu'au Sömmering les pentes sont considérables, et la disposition précédente a pour but de s'opposer à l'entraînement de la voie dans le sens de la pente. Sur la voie montante, les machines motrices très-pesantes transmettent aux rails un effort considérable en sens inverse du mouvement, elles tendent donc à rejeter en arrière du mouvement les rails et leurs supports; sur la voie descendante, le moteur ne fonctionne plus, c'est au contraire le frein qui agit, tous les véhicules transmettent aux rails une pression dans le sens du mouvement et cette pression déplace les rails et leurs supports dans le sens de la pente. L'adjonction des longrines avait donc dans ce cas des raisons d'être sérieuses et ne prête guère à la critique.

VOIES MÉTALLIQUES.

Utilité des voies métalliques. Leur classification. Dans les rapports du jury international à l'Exposition universelle de 1867, nous trouvons celui de MM. Flachat et de Goldschmidt, qui renferme beaucoup de remarques intéres santes sur la voie et le matériel fixe de la voie. Le but qu'on se propose en adoptant les voies métalliques y est clairement indiqué; aussi croyons-nous devoir emprunter à ce rapport les lignes suivantes :

«Les recherches les plus étendues sur la durée générale des rails et des traverses ont été faites en Allemagne. On s'accorde à donner aux rails, en pays plat, une durée de dix à vingt-cinq ans, moyenne de seize ans. En France, les termes extrêmes sont plus distants. D'excellents rails sont altérés en trois années de service sur des lignes très-fatiguées. Les ingénieurs allemands attribuent huit à douze ans de durée aux rails en pays de montagne. Ils ont l'expérience du Sömmering. Quant aux traverses, ils donnent au chêne naturel quatorze à seize ans de durée; au chêne préparé, vingt å vingt-cinq ans; au sapin préparé, douze à quatorze ans; au pin et au hêtre préparés, neuf à dix ans. Ces moyennes n'ont qu'une valeur approximative, et, par conséquent, une faible influence sur le parti à prendre pour la composition de la voie. L'ingénieur se guide d'après les ressources que les forêts et les usines mettent à sa portée. Mais ce qui appelle d'urgence l'attention, c'est que le défaut d'une voie ne se montre pas instantanément par l'altération des matériaux qui la composent. Cette altération n'est pas simultanée pour ses divers éléments: elle est progressive, et la conséquence, qui est la mobilité de la voie, se montre dès que commence la période

« PreviousContinue »