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TITRE III

DE L'USUFRUIT, DE L'USAGE ET DE L'HABITATION

(Décrété le 30 janvier 1804. Promulgué le 9 février.)

CHAPITRE PREMIER

De l'Usufruit

578. L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.-N. 587. s. 1568. 579. L'usufruit est établi par la loi, ou par la volonté de l'homme. 1405. 1422. 1428. 1549.

- N. 384. 917.

580. L'usufruit peut être établi ou purement, ou à certain jour, ou à condition. 581. Il peut être établi sur toute espèce de biens, meubles ou immeubles.

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582. L'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit.

583. Les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croit des animaux sont aussi des fruits naturels. Les fruits industriels d'un fonds - N. 1802. 1811. sont ceux qu'on obtient par la culture.

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584. Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les N. 529. 488. arrérages des rentes. Les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils.-N. 686. 688. 1521. 1714. s. 1905. 1909. 1980. 585. Les fruits naturels et industriels pendants par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert, appartiennent à l'usufruitier. Ceux qui sont dans le même êtat au moment où finit l'usufruit appartiennent au propriétaire, sans récompense de part ni d'autre des labours et des semences, mais aussi sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au colon partiaire, s'il en existait un au commencement ou à la cessation de l'usufruit. - N. 1571.

586. Les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour, et appartiennent à l'usufruitier, à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s'applique aux prix des baux à ferme, comme aux loyers des maisons et autres fruits civils. N. 584. 585. 588. 1153. 1571. 1714. 1905. 1909.

590. Si l'usufruit comprend des bois taillis, l'usufruitier est tenu d'observer l'ordre et la quotité des coupes, conformément à l'aménagement ou à l'usage constant des propriétaires, sans indemnité toutefois en faveur de l'usufruitier ou de ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux, soit de futaie, qu'il n'aurait pas faites pendant sa jouissance. Les arbres qu'on peut tirer d'une pépinière sans la dégrader, ne font aussi partie de l'usufruit qu'à la charge par l'usufruitier de se conformer aux usages des lieux pour le remplacement.

594. Les arbres fruitiers qui meurent, ceux même qui sont arrachés ou brisés par accident, appartiennent à l'usufruitier, à la charge de les remplacer par d'autres.

597. Il jouit des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le propriétaire peut jouir, et il en jouit comme le propriétaire lui-même. N. 578. 649.

599. Le propriétaire ne peut, par son fait ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier. De son côté l'usufruitier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. Il peut cependant, ou ses héritiers, enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu'il aurait fait placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. — N. 2236.

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600. L'usufruitier prend les choses dans l'état où elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l'usufruit. - N. 585. 626. 950. 1533. 1562, 1580. Pr. 942. s.

601. Il donne caution de jouir en bon père de famille, s'il n'en est dispensé par l'acte constitutif de l'usufruit; cependant, les père et mère ayant l'usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d'usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. - N. 384. 949. 2018. 2040. Pr. 317. s.

602. Si l'usufruitier ne trouve pas de caution, les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre ; les sommes comprises dans l'usufruit sont placées; les denrées sont vendues, et le prix en provenant est pareillement placé ; — les intérêts de ces sommes et le prix des fermes appartiennent, dans ce cas, à l'usufruitier. — N. 796. 805. 826. 1954. 2041. - P. 945. s.

603. A défaut d'une caution de la part de l'usufruitier, le propriétaire peut exiger que les meubles qui dépérissent par l'usage soient vendus, pour le prix en être placé comme celui des denrées, et alors l'usufruitier jouit de l'intérêt pendant son usufruit; cependant l'usufruitier pourra demander, et les juges pourront ordonner, suivant les circonstances, qu'une partie des meubles nécessaires pour son usage lui soit délaissée, sous sa simple caution juratoire, et à la charge de les représenter à l'extinction de l'usufruit.

604. Le retard de donner caution ne prive pas l'usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où l'usufruit a été ouvert.

605. L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est tenu. N. 608. 635. 1409.

606. Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières; — celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. - Toutes les autres réparations sont d'entretien.

607. Ni le propriétaire ni l'usufruitier ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. - N. 855. 1158. 1733.

608. L'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage, telles que les contributions et autres qui, dans l'usage, sont censées charges de fruits.

609. A l'égard des charges qui peuvent être imposées sur la propriété pendant la durée de l'usufruit, l'usufruitier et le propriétaire y contribuent ainsi qu'il suit: Le propriétaire est obligé de les payer, l'usufruitier doit lui tenir compte des intérêts. Si elles sont avancées par l'usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l'usufruit. 614. Si, pendant la durée de l'usufruit, un tiers commet quelque usurpation sur le fonds, ou attente autrement aux droits du propriétaire, l'usufruitier est tenu de le dénoncer à celui-ci : faute de ce, il est responsable de tout le dommage qui peut en résulter pour le propriétaire, comme il le serait des dégradations commises par lui-même. N. 1768.

Des réparations. La question des réparations se présente ici pour la première fois; elle se présentera encore à propos des maisons à loyer.

On entend par réparation l'acte qui consiste à maintenir une chose en bon état, de manière à ce qu'elle soit toujours en état de remplir la fonction à laquelle elle est destinée.

Refaire une chose complétement détruite n'est point réparer, mais reconstruire.

La réparation ne s'entend pas non plus de tout acte qui modifie en mieux l'état de la chose dont il s'agit; cet acte est une amélioration.

Qui dit réparer dit maintenir constamment en l'état primitif, ni plus ni moins. En fait d'usufruit, les grosses réparations sont à la charge du propriétaire et les réparations d'entretien à la charge de l'usufruitier.

Grosses réparations à la charge du propriétaire. Les grosses réparations s'entendent de la réfection d'une partie importante d'un édifice, partie nécessaire à l'existence de cet édifice.

C'est à l'usufruitier qu'il appartient de dénoncer au propriétaire le mauvais état de telle ou telle partie.

La grosse réparation reste à la charge de l'usufruitier si elle est de son fait, qu'elle provienne d'un défaut d'entretien ou d'un abus de jouissance.

Pour les grosses réparations, le propriétaire a le droit de prendre les matériaux qui se trouvent dans ou sur le fonds.

L'usufruitier est tenu de souffrir les grosses réparations, quelques inconvénients qu'il en résulte pour lui et quelle qu'en soit la durée, pourvu que cette durée ne dépasse pas un delai raisonnable que l'usufruitier peut faire déter'miner en justice.

Les grosses réparations, a dit le Code, demeurent à la charge du propriétaire. Mais, ce dernier peut-il être contraint par l'usufruitier à les exécuter? C'est une question qui a donné lieu à des interprétations diverses; cependant, la solution généralement adoptée est la négative.

Le Code n'a pas dit : le nu-propriétaire est tenu de faire les grosses réparations, il a dit simplement : « les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire; » le propriétaire est simplement tenu de laisser jouir l'usufruitier, mais il n'est pas tenu d'assurer cette jouissance.

L'usufruitier a évidemment le droit de faire lui-même les grosses réparations, qui demeurent à la charge du nu-propriétaire, lequel devra en tenir compte lors de son entrée en jouissance, la valeur de ces grosses réparations étant constatée par expert lors de l'entrée du nu-propriétaire en jouissance.

Les héritiers de l'usufruitier ont, à la fin de l'usufruit, le droit de retenir l'immeuble jusqu'à ce qu'ils soient indemnisés des dépenses de grosses réparations.

En cas de ruine du bâtiment par défaut de grosses réparations, l'usufruitier, qui a laissé périr la chose, ne peut réclamer d'indemnité au propriétaire, mais celui-ci aurait à sa charge les indemnités qui pourraient être dues pour dégâts causés aux propriétés voisines.

Lorsque l'usufruitier exécute à ses frais de grosses réparations, il doit, pour sauvegarder l'avenir, en faire constater la nécessité et l'importance en présence du propriétaire ou lui légalement appelé.

Le nu-propriétaire peut toujours se décharger des grosses réparations en abandonnant son droit de propriété.

En tête des grosses réparations mises à la charge du nu-propriétaire, l'article 606 place les gros murs qui sont tous les murs de face et de pignons, tous les refends et d'une manière générale tous les murs portant plancher, quelle que soit la matière dont ils sont construits.

Si un mur de clôture vient à s'écrouler complétement sur tout ou partie de sa longueur, c'est une grosse réparation; s'il ne se forme qu'une brèche, la fondation restant intacte, c'est une réparation d'entretien. Il y à là une appréciation réservée aux hommes de l'art.

Toutes les poutres principales, formant l'ossature des planchers, rentrent dans les grosses réparations.

Réparations d'entretien à la charge de l'usufruitier. — L'usufruitier doit entretenir les choses en l'état où il les a prises, état qu'il doit faire soigneusement constater avant son entrée en jouissance. En l'absence d'état de lieux, il est présumé avoir pris tout en bon état.

Il a droit de se servir des matériaux que renferme la propriété et les vieux matériaux remplacés sont à lui.

Le propriétaire a le droit absolu de contraindre l'usufruitier à exécuter les réparations d'entretien, car l'absence de ces menues réparations entraîneraient plus tard de grosses réparations qui tomberaient injustement à la charge du nupropriétaire.

Est considéré comme réparation d'entretien tout ce qui n'est pas grosse réparation. Exemples: le recrépissement d'un mur, la réfection d'une brèche, la réfection d'un enduit quelconque, d'un chaperon, la réfection des cloisons légères purement séparatives; le rétablissement des sablières posées sur le sol, des lambourdes pour plafonds, des solives de remplissage qui supportent le plancher, la réfection des parquets et carrelages sont des réparations d'entretien. L'entretien des couvertures, mais non leur réfection complète, est à la charge de l'usufruitier.

On considère comme grosses réparations la reconstruction des cheminées renversées par le vent.

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617. L'usufruit s'éteint: par la mort naturelle et par la mort civile de l'usufruitier; par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé; par la consolidation ou la réunion sur la même tête des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ; par le nonusage du droit pendant trente ans ; par la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi. - N. 22. 25. 611. 619. 623. 624. 1209. 1500. 1982, 2236. 2262. — P. 18. 618. L'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien. Les créanciers de l'usufruitier peuvent intervenir dans leurs contestations pour la conservation de leurs droits; ils peuvent offrir la réparation des dégradations commises, et des garanties pour l'avenir. Les juges peuvent, suivant la gravité des circonstances, ou prononcer l'extinction absolue de l'usufruit, ou n'ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l'objet qui en est grevé, que sous la charge de payer annuellement à l'usufruitier, ou à ses ayant-cause, une somme déterminée jusqu'à l'instant où l'usufruit aurait dû cesser. N. 622. 1167. 2166.

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621. La vente de la chose sujette à usufruit ne fait aucun changement dans le droit de l'usufruitier; il continue de jouir de son usufruit s'il n'y a pas formellement renoncé. 622. Les créanciers de l'usufruitier peuvent faire annuler la renonciation qu'il aurait faite à leur préjudice. . 1167.

623. Si une partie seulement de la chose soumise à l'usufruit est détruite, l'usufruit se conserve sur ce qui reste.

624. Si l'usufruit n'est établi que sur un bâtiment, et que ce bâtiment soit détruit par un incendie ou autre accident, ou qu'il s'écroule de vétusté, l'usufruitier n'aura le droit de jouir ni du sol ni des matériaux. Si l'usufruit était établi sur un domaine dont le bâ

timent faisait partie, l'usufruitier jouirait du sol et des matériaux.

TITRE IV

DES SERVITUDES OU SERVICES FONCIERS

(Décrété le 31 janvier 1804. Promulgué le 10 février.)

637. Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. - N. 2117.

638. La servitude n'établit aucune prééminence d'un héritage sur l'autre.

639. Elle dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires.

CHAPITRE PREMIER

Des servitudes qui dérivent de la situation des lieux 1

640. Les fonds inférieurs sont assujettis, envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. N. 681. 701. 704. - Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude

du fonds inférieur.

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1 Tout propriétaire qui voudra se servir, pour l'irrigation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artificielles dont il a le droit de disposer, pourra obtenir le passage de ces eaux sur les fonds intermé diaires, à la charge d'une juste et préalable indemnité. Sont exceptés de cette servitude les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations.

2. Les propriétaires des fonds inférieurs devront recevoir les eaux qui s'écoulent des terrains ainsi arrosés, sauf l'indemnité qui pourra leur être due. Seront également exceptés de cette servitude les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations.

3. La même faculté de passage sur les fonds intermédiaires pourra être accordée au propriétaire d'un terrain submergé en tout ou en partie, à l'effet de procurer aux eaux nuisibles leur écoulement.

4. Les contestations auxquelles pourront donner lieu l'établissement de la servitude, la fixation da parcours de la conduite d'eau, de ses dimensions et de sa forme, et les indemnités dues, soit au propriétaire du fonds traversé, soit à celui du fonds qui recevra l'écoulement des eaux, seront portées devant les tribunaux, qui, en prononçant, devront concilier l'intérêt de l'opération avec le respect dû à la propriété. Il sera procédé devant les tribunaux comme en matière sommaire, et, s'il y a lieu à expertise, il pourra n'être nommé qu'un seul expert.

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5. Il n'est aucunement dérogé par les présentes dispositions aux lois qui règlent la police des eaux.

2° Loi du 11-15 juillet 1847.

1 Tout propriétaire qui voudra se servir, pour l'irrigation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artificielles dont il a le droit de disposer, pourra obtenir la faculté d'appuyer sur la propriété du riverain opposé les ouvrages d'art nécessaires à sa prise d'eau, à la charge d'une juste et préalable indemnité. Sont exceptés de cette servitude les bâtiments cours et jardins attenant aux habitations.

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2. Le riverain sur le fonds duquel l'appui sera réclamé pourra toujours demander l'usage commun du barrage, en contribuant pour moitié aux frais d'établissement et d'entretien; aucune indemnité ne sera respectivement due dans ce cas, et celle qui aurait été payée devra être rendue. Lorsque cet usage commun ne sera réclamé qu'après le commencement ou la confection des travaux, celui qui le demandera devra supporter seul l'excédant de dépense auquel donneront lieu les changements à faire au barrage pour le rendre propre à l'irrigation des deux rives.

3. Les contestations auxquelles pourra donner lieu l'application des deux articles ci-dessus seront portées devant les tribunaux. - Il sera procédé comme en matière sommaire, et, s'il y a lieu à expertise, le tribunal pourra ne nommer qu'un seul expert. 4. Il n'est aucunement dérogé par les présentes dispositions aux lois qui règlent la police des eaux.

3° Loi du 10-15 juin 1854.

1. Tout propriétaire qui veut assainir son fonds par le drainage ou un autre mode d'asséchement, peut, moyennant une juste et préalable indemnité, en conduire les eaux souterrainement ou à ciel ouvert, à travers les propriétés qui séparent ce fonds d'un cours d'eau ou de toute autre voie d'écoulement. Sont exceptés de cette servitude les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations.

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