dès lors signer tous les décrets sans résistance, ne se regardant plus responsable d'approbations imposées par la force, s'abandonnant avec la reine à une sorte de pessimisme qui attendait le bien de l'excès du mal, comptant enfin sur l'intervention de l'étranger pour sa délivrance et pour la ruine d'une constitution détestée.
La résistance du clergé était autrement grave que celle du roi, parce qu'il était suivi par la France catholique. Dans ces conditions, l'assemblée nationale n'avait que deux partis à prendre ou retirer le décret sur la constitution civile, ou se lancer en pleine persécution. Elle était trop fière, trop confiante en sa force, et aussi trop passionnée, pour revenir sur ses pas. Restait la voie de la persécution. « Telle est, disait l'évêque d'Alais, la conséquence nécessaire d'une fausse démarche. Les esprits des hommes sont en attente de ce qu'on fera » et semblent prévoir quelque chose de tragique. Le feu est allumé devant nous, et nous y courons 1. » Oui, on courait au feu, à la guerre civile, aux haines fratricides qu'inspirent toujours les querelles religieuses. La constitution civile du clergé a creusé un abime sous les pas de la Constituante et des assemblées qui lui succèdent ; elle a ouvert la voie aux plus grands crimes de la Révolution.
1. Baussel, loc. cit. p. 80-83.
VALEUR MORALE DE L'ÉPISCOPAT
CHAPITRE Ier. Choix des évêques et des cardinaux.
Une épreuve terrible attend l'épiscopat.- Comment il était pré- paré à l'affronter. Ses qualités morales. - I. Le choix des évêques est meilleur, durant les 150 ans qui précèdent la Révolution, que ne pourraient le faire craindre les ambitions de famille et les in- trigues de cour. Le pouvoir qui nomme a conscience de sa res- ponsabilité. II. Grands abus légués par le XVIe siècle. Evêchés donnés à des laïcs, à des enfants. - Appétits des maisons de Bourbon et de Lorraine. Evêques qui ne sont pas dans les ordres. Evêchés héréditaires. belliqueuse de tels évêques.
Habitudes séculières et humeur Les « prélats de l'Eglise militante >> sous Richelieu. III. Le concile de Trente veut réformer. - Les nominations épiscopales de Richelieu. Vincent de Paul au con- Les choix peu scrupuleux de Mazarin. — Ils sont meilleurs avec Louis XIV. Tenue ecclésiastique. tomba la barbe, la moustache ? - Les Jésuites confesseurs du roi, transformés en ministres. Les pères La Chaise et Le Tellier chargés de la feuille. Les nominations du régent. - IV. Liberté d'allures laissée aux cardinaux qui sont princes moitié ecclésiasti- ques, moitié civils. Maisons princières qui poussent les enfants à la pourpre pour leur faire une grande situation. Un cardinal de Guise, non engagé dans les ordres, qui se marie pour sauver le duché de Lorraine. Les cardinaux sous Louis XIV et Louis XV. Impression qu'ils font sur Rome par leur pouvoir et leur opu- ⚫lence. Les derniers cardinaux d'ancien régime. V. Les ministres de la feuille au XVIII° siècle. Bons choix faits par le cardinal Fleury, aidé du supérieur de Saint-Sulpice. Son successeur à
la feuille, Boyer, évêque de Mirepoix, continue ces traditions avec plus de raideur. Après Boyer vient le cardinal de la Rochefou cauld, plus conciliant, mais très digne. La feuille passe ensuite aux mains indignes de Jarente, évêque d'Orléans. Ses succes- seurs, le cardinal de la Roche-Aymon, Marbeuf, évêque d'Autun, sont bons, quoique très attaqués. Excellents choix de Mgr de
Pompignan, dernier ministre de la feuille. VI. Les ministres de la feuille depuis 150 ans, ont fait généralement les nominations épiscopales avec conscience. Mais des exceptions regrettables,
des scandales partiels provoquent des attaques contre la feuille en 1789..
CHAPITRE II. Mauvais évêques.
I. Les évêques divisés en trois groupes par Talleyrand. tête des mauvais évêques plaçons les quatre futurs prélats constitu- tionnels. Talleyrand. Son impatience d'être évêque. Com- ment Louis XVI se laissa forcer la main. Le Sulpicien chargé de préparer Talleyrand à l'épiscopat. Comment Rome confirmait de tels choix. Portraits de Loménie de Brienne, de Jarente, évêque d'Orléans, de Lafont de Savine, évêque de Viviers. — A ces prélats plus ou moins scandaleux, il faut joindre Dillon, ar- chevêque de Narbonne, le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, Grimaldi, évêque du Mans et de Noyon. II. Noms de quelques autres évêques dont la vie privée a été l'objet d'accusations peu établies. Que penser des attaques dirigées contre Breteuil, évê- que de Montauban, contre Maillé-La-Tour-Landry, évêque de Gap et de Saint-Papoul? Calomnie contre le cardinal de Montmo-
rency, évêque de Metz. Ne pas prendre tous les propos du temps comme articles de foi. Accepter comme vrai le chiffre donné par un contemporain, l'abbé Proyart dix évêques irréguliers sur cent trente. III. Comment l'existence un peu mondaine de plu- sieurs prélats fut une occasion de calomnie. Leurs fêtes. Egards de société qu'ont ces gentilshommes. Quète de charité par Belsunce dans un bal à Marseille. La séparation des deux sociétés moins tranchée que de nos jours. Réunions permises, exigées le plus souvent par leur entourage. - Des évêques plus sévères. Anecdote sur Beaumont. - La tenue ecclésiastique et le sentiment des convenances chez ces prélats. Clément XIV à cheval. Malgré quelques exceptions, cet épiscopat va apparaître bon dans son ensemble.
CHAPITRE III. Bons évêques.
deshérité au XVIIIe siècle.
I. Comment on peut constater que l'épiscopat était bon dans son ensemble, sans être en contradiction avec ce qui précède. - Grand ton, opulence,ne sont pas synonymes de vice. Nos appréciations basées sur les histoires locales. - II. Pas de diocèse complètement Bons évêques à côté des Lauvais ou des contestés. Exemples à Cambrai, Montauban, Le Mans, Viviers, Sens, Gap, etc. Un joli mot de Louis XVI: Le Saint- Esprit en Auvergne, le saint (Bonal) à Clermont, l'esprit (Bonte- ville) à Saint-Flour. III. Il suffit de jeter les yeux au hasard sur cet épiscopat pour y trouver des vertus. Exemples. IV. Des provinces entières comptent à la tête de leurs diocèses de bons évêques et parfois des saints. Exemples de la Bretagne, de la Gascogne. V. Diocèses qui ont de bons prélats dans tout le cours du XVIIIe siècle. Exemples de Paris, Amiens, Nimes, - VI. Des prélats de vieille roche et véritablement apostoli- ques M. de Durfort, M. de Pressy, Pompignan, La Rochefoucauld, M. de Fumel, M. du Tillet, du Lau, Reboul de Lambert, etc. Conclure que cet épiscopat était meilleur qu'on n'a dit. Témoi gnages de Burke, Sénac de Meilhan, Tocqueville, Taine. On peut pressentir que ces évêques vont être à la hauteur de l'épreuve durant la Révolution.
CHAPITRE IV. Que penser de l'ancien épiscopat.
I. Ce qui nous frappe tout d'abord dans l'ancien épiscopat c'est qu'il est partout. Les siècles l'ont malé à toutes les branches de l'organisation administrative et politique. Sa compétence et ses services en matière profane. Combien ces évêques sont français et portent à travers l'histoire l'empreinte de leur siècle. - Si l'action de l'Eglise est limitée au spirituel. A cette ubiquité des évèques s'allie un grand prestige. Grands noms, grand train de l'épiscopat. Inconvénients du choix exclusif des évêques dans la noblesse. Le bas clergé et le peuple s'en plaignent. Ces prélats trop au-dessus de leur clergé et de leurs fidèles. II. Ce qui se dégage de cette situation complexe, c'est que ces évèques avaient au plus haut degré les vertus sociales. Ils avaient aussi les vertus privees, malgré la tache imprimée à ce grand corps par la vie peu édifiante d'une dizaine de prélats. Quant aux vertus episcopales, on peut reprocher à la minorité le manque de résiden ce et la rareté des visites diocésaines. Difficulté de porter le poids de l'épiscopat au milieu d'une existence de grand seigneur. Attraction de la cour. — Cependant la majorité des prélats fidèle à ses devoirs épiscopaux. Causes de la défaite religieuse des évêques au XVIIIe siècle. L'enchevêtrement de l'Eglise dans l'Etat est pour elle une faiblesse. Les vieux cadres sont usés. Jeunesse et décrépitude du siècle. L'édifice va craquer. Séduction de ces évêques que nous quittons à regret. — Jugement de Burke, de Tocqueville. Ces prélats vont montrer dans
l'épreuve de la Révolution ce qu'ils avaient au fond de l'âme de vertus, de courage et de foi.
LA RUINE DE L'EGLISE ET DE LA MONARCHIE
CHAPITRE Ir. Etat d'esprit de l'épiscopat en 1789.
I. Terrible épreuve qui attend les évêques. Ils vont porter le deuil de l'Eglise et de la monarchie. Abime entre l'idéal mo- narchique de l'ancien régime et les principes de 1789. Marche en avant de l'épiscopat, pourtant si attaché au roi. Fier et libre langage de l'assemblée du clergé en 1788. Le ton des évêques s'accentue encore aux assemblées bailliagères.
Autun. Mot de Boisgelin Il ne faut pas se séparer de la nation. - II. Il y avait cependant deux tendances dans l'épiscopat. Mandements alarmés des archevêques de Paris (Juigné), de Lyon (Marbeuf), de l'évêque de Clermont (Bonal). Libéralisme de l'archevêque de Bordeaux. Lesquels avaient raison? Les évènements justifièrent les alarmés. Mais nécessité pour les Etats de transformer les institutions politiques avec les transfor- mations de l'esprit public. Avantages pour l'église d'ètre plus en contact avec la nation. Du reste, même les évêques timorés acceptaient, en 1789, les principes essentiels des gouvernements modernes.
CHAPITRE II. Chute du premier ordre de l'Etat.
I. La diversité d'idées dans l'épiscopat éclate dans la question des trois ordres. On n'est plus au moyen âge, ni en 1614. Le clergé menacé affirme ses droits séculaires. Ce qui est pour lui dans ce débat une grande cause de faiblesse, c'est qu'il est coupé en deux, en noblesse et en roture d'Eglise. La Luzerne, pour sauver la situation et organiser l'Etat, propose la création de deux chambres, dont la première réunirait le clergé et la noblesse. II. Energie de la majorité des évêques à défendre l'existence du premier ordre. Mais les curés, auxquels le règlement électoral de Necker a assuré une énorme majorité, et dont les sympathies sont pour le tiers, brûlent de s'unir à lui. Les évêques libéraux marchent à leur tête. Après deux mois de tiraillements, fusion des deux premiers ordres avec le tiers. Gravité de cet évènement. Désormais plus de corps, plus de barriè- res. Révolution lancée à toute vapeur. III. Quels vont être les orateurs du clergé. Les curés peu préparés aux débats de la tribune. Talent de l'abbé Grégoire. Parmi les évêques le principal rôle incombera à M. de Boisgelin. - Rôle de M. de Cicé. Les deux plus remarquables orateurs du clergé furent Maury et, après lui, l'abbé de Montesquiou, dont le charme était très grand. Le clergé, sans être à l'avant-garde, marche avec les évènements
CHAPITRE III. La spoliation.
I. La ruine financière de l'Eglise fut plus grave que sa ruine politique. Si les polémiques, les cahiers de 1789, laissaient pré- voir cette catastrophe. Le côté faible de la situation du clergé, c'est que ses richesses sont très jalousées et mal partagées. Les curés n'y sont pas intéressés. — II. Nuit du 4 août. - Grande part qu'y prennent les évêques. Te Deum. Tort de la sup- pression des dimes sans rachat. Sieyes montre ce qu'y perd I'Etat sans que le peuple y gagne. III. Confiscation des biens. Emotion que cette menace cause aux évêques. pas de grande situation sans propriété foncière. et contre la propriété ecclésiastique. 400 millions offerts par M. de Boisgelin. Cris arrachés par une telle spoliation. IV. La ruine financière se compliquait d'une question politique. Toute propriété enlevée à l'Eglise, pour bri- ser à jamais sa situation temporelle et lier les acquéreurs à la Révolution. Haines déchaînées. Sieyes et les antiprêtres. V. Noble attitude des évêques dans la catastrophe. — Dignité de leur silence après leur belle défense. Leur facilité à accepter la pauvreté. Elle leur rendra les sympathies que leur faste avait écartées. Leur conduite en cette grave conjoncture expliquée dans une belle lettre au pape. - Impressions de Burke. .
« PreviousContinue » |