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draps de lit. C'est ce que prouve un inventaire d'effets mobiliers, rédigé en 1294, où l'on fait mention de draps de toile, que l'on appelait autrefois linceuls (1). Les linceuls étaient donc en usage dès le treizième siècle. Nous lisons, en effet, dans le poëme de Hue de Tabarie, compagnon d'armes de saint Louis, que, pressé par Saladin de le recevoir chevalier, il le fit mettre dans le bain, et ensuite coucher sur un lit garni de draps blancs de lin, suivant le cérémonial de la chevalerie (2).

Nous savons enfin, à n'en pouvoir douter, que le papier de chiffe ou de linge fut fabriqué en Europe dès le commencement du quatorzième siècle (3).

L'établissement des papeteries d'Italie remonte à l'an 1340 (4). Vers la même époque, on vit paraître en France les premiers moulins à papiers, dans les environs d'Essonne et de Troyes (5); et s'il faut en

(1) Linsolata de paleis (linteum lecti) recensetur in inventorio supellectilis, ann. 1294. (Du Cange, Gloss.)

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Sus le dresche, si l'a vestu

De dras blans qui erent de lin.

(L'Ordène de chevaleric, p. 118, édit. de Barbaz.) (3) Vide Mab., de Re diplom. Mabillon cite un passage de Pierre-le-Vénérable, qui fait remonter à une époque plus éloignée la première fabrication du papier, ex rasuris veterum pannorum compacti.

(4) J. Tiraboschi, Storia della letter. italiana.

(5) Ant. Delandine, Mémoires bibliog. et littér.

L'abbé de Longuerue rapporte aussi l'origine de l'usage

croire quelques bibliographes, les Allemands nous auraient devancés de cent ans dans ce genre de fabrication.

La toile avait donc cessé d'être rare dès le treizième siècle; il s'en consommait donc une quantité plus ou moins considérable en Allemagne, en Italie et en France; l'usage en était donc assez généralement répandu dans certaines classes, puisque les seuls débris de ce tissu pouvaient suffire à l'aliment d'importantes et nombreuses manufactures.

Mais à quoi bon raisonner par induction, quand l'objet de nos recherches est la conséquence de faits positifs? L'existence des manufactures de toile dans le treizième siècle est un fait qu'on ne peut révoquer en doute. Plusieurs villes de Flandre, telles que Gand et Bruges, jetaient déjà les fondemens de la haute réputation qu'elles se sont acquise dans cette branche d'industrie. Déjà des tisserands venus de Bruges élevaient en France de pareilles fabriques. Laval dut les siennes à la protection éclairée de Béatrix, comtesse de Flandre (1). Cambrai imita son exemple (2); et Reims fabriqua aussi des toiles d'une telle beauté, qu'en 1378 on les jugeait dignes d'ètre offertes en présent à des têtes couronnées (3). Sans

du papier de chiffe, en France, au règne de Philippe de Valois. (Longueruana.)

(1) Hist. de Lille, p. 311.

(2) Hist. de Cambrai et du Cambrésiș, t. 1, p. 291. Leyde. (3) L'empereur Charles de Luxembourg passant à Reims,

doute l'usage n'en était pas si commun qu'il l'est devenu depuis ; mais il est constant qu'on en faisait des chemises, et même en assez grand nombre, puisque de simples moines en portaient. Les religieux de Gisoing s'étant plaints, en 1266, que la toile dont on faisait leurs rochets et leurs chemises était trop grosse, on crut devoir fixer le prix de chaque espèce de toile. L'aune de toile pour rochets fut évaluée à 20 deniers tournois, et pour chemises à 16 deniers (1). Ces prix ne peuvent donner lieu de suppposer ni une excessive cherté, ni une grande rareté. Suivant le calcul de M. Cliquot de Blervache (2), 20 deniers du treizième siècle représentaient, valeur intrinsèque, environ 30 sous de notre temps, et 5 francs 4 sous, valeur relative, d'après l'ancien prix du blé comparé avec les mercuriales de 1789. Ainsi, le coût d'une aune de la plus belle toile, mesure de Flandre, n'était, pour les consommateurs du treizième siècle, dans l'ordre des valeurs relatives, que ce que serait pour nous une dépense de 5 francs 4 sous ou de 8 francs

la ville lui fit agréer des toiles de ses fabriques pour une valeur de mille florins. Oblata tela, seu manutergia Remis texta, valoris mille florenorum. (Hist. Rem., auct. Marlot, t. 2, p. 658.) Charles VII en reçut aussi un semblable présent. Si la reine, son épouse, n'avait que deux chemises, ce n'était assurément pas faute de toile.

(1) Hist. de Lille, p. 146, Paris.

(2) Mémoire sur l'état du commerce de la France, depuis la première croisade jusqu'à Louis XII, couronné par l'Académie des belles-lettres, en 1789; par M. Cliquot de Blervache.

15 sous, en supposant la toile achetée à l'aune de Paris, qui contient 12, de l'aune de Flandre. On ne dépense pas moins aujourd'hui pour le même objet.

Or, on se persuadera difficilement qu'une reine de France du quinzième siècle n'ait pu se procurer autant de linge qu'elle en aurait désiré; ou que deux chemises aient été pour elle une chose rare et précieuse; ou qu'elle fût la seule personne de la cour de Charles VII qui possédât un objet de commodité aussi utile, aussi commun, aussi peu dispendieux; si l'on reconnaît d'ailleurs que le linge était déjà, et depuis long-temps, employé à un grand nombre d'usages, la France en recélait tous les élémens et tous

et que

les

moyens

de reproduction dans son agriculture et ses fabriques.

Il se peut qu'entre autres chemises, l'épouse de Charles VII en eût deux d'une beauté ou d'une façon extraordinaire, et qu'on ait parlé quelque part de ces chefs-d'œuvre; mais il est hors de vraisemblance que des auteurs contemporains aient signalé ces vêtemens comme une rareté, par cela seul qu'ils étaient de linge. (Edit. C. L.)

DE L'ORIGINE

DES JETONS (1).

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L'ORIGINE des usages les plus communs est souvent ignorée; ceux même qui se servent des jetons le plus utilement, contens de la facilité qu'ils procurent dans le commerce de la vie, se piquent rarement d'en connaître les inventeurs; c'est un soin qu'ils laissent volontiers aux curieux,

L'usage des petites pierres, des coquillages, des noyaux, dont se servent encore aujourd'hui des nations sauvages, paraît si simple et si naturel, qu'on peut croire qu'anciennement on ne se servait pas d'autre chose pour les calculs journaliers. Josephe (2) assure que les Egyptiens n'en usaient pas autrement, et qu'ils tenaient d'Abraham cette manière de compter. Hérodote avait dit avant lui, qu'outre la manière de compter avec des caractères, les Egyptiens se servaient encore de petites pierres, comme les Grecs, avec cette différence que ceux-ci plaçaient et leurs jetons et leurs chiffres de gauche à droite, et ceux-là de droite à gauche.

(1) Extr. de divers auteurs.

(2) L. 1.

II. 3e LIV.

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