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hommes, femmes, enfans; il en périt près de six mille. Napoléon fit signer au roi Charles IV, prisonnier à Baïonne, le décret royal par lequel il nommoit le grand duc de Berg, prince Murat, lieutenant-général du royaume des Espagnes et des Indes.

2 MAI. Lettre de Charles IV à son fils Ferdinand, écrite à Baïonne dans le palais impérial.

<< Mon fils, les conseils perfides des hommes qui vous environnent, ont placé l'Espagne dans une situation critique: elle ne peut plus être sauvée que par l'empereur, etc. Vous vous êtes laissé aller trop facilement à la haine que votre première femme portoit à la France, et bientôt vous avez partagé ses injustes ressentimens coutre mes ministres, contre votre mère et contre moi-même. Je fus obligé d'user de mes droits de père et de roi, je vous fis arrêter; je trouvai dans vos papiers la conviction de votre culpabilité; mais sur la fin de ma carrière, en proie à la douleur de voir mon fils périr sur l'échafaud, je fus sensible aux larmes de votre mère et je vous pardonnai, etc. Votre conduite envers moi, vos lettres, ont mis une barrière d'airain entre vous et le trône d'Espagne. Il n'est ni de votre intérêt, ni de celui des Espagnes, que vous y

prétendiez, etc. Mon abdication a été le résultat de la force et de la violence, je n'ai donc rien à recevoir de vous, etc. >>

4 MAI. Lettre écrite par Ferdinand VII à son auguste père, en réponse à la précédente.

« V. M. prétend que les évènemens de l'Escurial ont été le résultat de la haine que ma femme m'avait inspirée contre la France, contre vos ministres, contre ma mère bienaimée et contre votre auguste personne ; mais si cette affaire avait été examinée avec toutes les formes légales, on eût été bientôt convaincu du contraire, etc. Je prie V. M. de demander à l'empereur des Français si dans la lettre qu'il m'a écrite à Vittoria, il ne m'a pas déclaré que son unique but avoit été d'engager V. M. à faire quelques réformes, et à séparer de votre personne le prince dont l'influence seule avoit occasionné tant de malheurs, etc. >>

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5. Vers les quatre heures de l'aprèsmidi, Napoléon va rendre visite à Charles IV et à la reine; à sept heures, Ferdinand fut ensuite demandé par son auguste père, pour entendre, en présence de la reine et de l'empereur, des expressions humiliantes; tous étoient assis, à l'exception du roi Ferdinand, à qui son père ordonna de faire une renonciation absolue de la couronne, sous peine

d'être traité, avec toute sa maison, comme usurpateur du trône et conspirateur contre la vie de ses parens. Napoléon dit à Ferdinand VII, dans une dernière conférence : Prince, il faut opier entre la cession ou la

mort.

6 MAI. Lettre de Ferdinand à Charles IV, datée de Baïonne.

« Mon très-honoré père ct seigneur, j'ai déposé, le premier de ce mois, entre vos mains royales, ma renonciation à la couronne, en faveur de V. M. J'ai cru qu'il étoit de mon devoir de modifier cette renonciation par des conditions que m'imposaient également et le respect que je porte à V. M., et la tranquillité de mes états, et la conservation de mon honneur et de ma réputation C'est avec une extrême surprise que j'ai vu l'indignation qu'avoit produite dans l'âme de V. M. les modifications dictées par la prudence et com-. mandées par l'amour que je porte à mes sujets. Sans autre motif quelconque, V. M. a jugé convenable de m'adresser, en présence de ma respectable mère, et de l'empereur, les propos les plus injurieux; et non contente de cela, de me demander ma renonciation pure et simple, sous peine d'être moi-même, ainsi que les personnes qui composoient mon conseil, traités comme des conspirateurs. Dans

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cet état de choses, je remets à V. M. la renonciation qui m'est commandée, afin qu'elle puisse retourner en Espagne pour y reprendre les rênes du gouvernement dans l'état où il se trouvoit le 19 mars, lorsque V. M. abdiqua spontanément sa couronne en ma faveur.» Le traducteur de l'exposé, par don Pedro Cevallos, M. Nettement, dit que Buonaparte connaissoit trop l'influence de Godoi ( prince de la Paix), sur le roi Charles IV et sur la reine, pour ne pas la mettre à profit. Cet infâme ne fut pas plus tôt arrivé à Baïonne, qu'il rédigea, de concert avec le maréchal Duroc, le traité de cession du roi Charles IV, de la couronne d'Espagne en faveur de Napoléon: ce traité fut signé le 5 mai, avant même que Ferdinand n'eût envoyé sa renonciation pure et simple, qui, comme on le voit, fut le fruit de l'imposture et de la violence. Ce ne fut que le 10 mai qu'on obtint l'adhésion forcée de Ferdinand au traité du 5, et elle fut suivie de celle des autres princes de la famille royale. Buonaparte ayant ainsi consommé son usurpation, eut la générosité de faire partir tous les princes sous la garde de ses gendarmes, pour les constituer prisonniers en France. Ce fourbe poussa même l'ironie jusqu'à stipuler dans le traité, qu'il se proposoit de rendre patents; que ces princes auroient en France

le même rang que les dignitaires de son empire! Proh pudor! Quoiqu'ils offrissent la preuve la plus complète de la violence, de la fourberie et de l'usurpation, Buonaparte n'eut pas honte de faire publier ces traités dans les Moniteurs du 7 septembre 1808, et d'en donner communication au sénat le 6 par l'organe de son ministre, M. de Champagny, qui avoit déjà prononcé sur le sort de la victime, en disant à l'empereur son maître : «L'Espagne sera toujours l'ennemie cachée de la France: il faut qu'un prince, ami de la France, règne en Espagne : c'est l'ouvrage de Louis XIV qu'il faut recommencer. Ce que politique conseille, la justice l'autorise.

la

Napoléon nomme son frère Joseph Buonaparte roi d'Espagne et des Indes.

(Ici recommence l'ordre chronologique.!)

23 MARS. Circulaire du cardinal secrétaire d'état, Doria Pamphili, aux cardinaux exilés par ordre de Buonaparte, qui les invite, au nom de Sa Sainteté, de supporter avec patience cette nouvelle persécution.

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26. Note du cardinal Gabrielli, pro-secrétaire d'état, remise à M. Lefebvre, chargé d'affaires de France, dans laquelle il se plaint, de la part de Sa Sainteté, des outrages dont les militaires français se sont rendus coupables en

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