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clarée hors la loi. Cet évènement commença la fortune de Napoléon; les próconsuls firent dans divers départemens une levée de trente mille hommes, circonstance favorable pour les officiers sans emploi. Salicetti présenta alors Napoléon à Barras, qui le fit entrer dans un corps d'artillerie; Joseph fut employé dans les bureaux du commissaire ordonnateur Chauvel; bientôt après il devint commissaire des guerres. Lucien étoit simple garde - magasin à SaintMaximin, département du Var, où il dirigeoit la société populaire; il ne parloit de Marat qu'avec la plus grande vénération. C'est dans. cette commune qu'il a, par principe d'égalité, épousé sa première femme, qui étoit la fille de l'aubergiste chez lequel il logcoit. L'oncle, Fesch, obtint une place de garde-magasin.

Buonaparte fut donc chargé de commander l'artillerie après la blessure du général Dommartin aux gorges d'Ollioules; cette circonstance décida de sa fortune, il y déploya tout ce qu'il avoit de talent et d'audace; il fut chargé aussi des batteries contre le fort Pharon; il osa répondre à Barras, qui se permettoit de condamner le placement d'une batterie; tenez-vous à votre métier de représentant et laissez-moi faire le mien d'artilleur; cette batterie restera-là et je réponds du succès sur ma tete. La batterie

ne fut pas déplacée et le fort Pharon fut pris: dès cette époque Barras le prit sous sa protection.

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Buonaparte écrivit aux proconsuls à Toulon: Citoyens représentans, c'est du champ de la gloire, marchant dans le sang des traîtres, « que je vous annonce avec joie que vos ordres « sont exécutés, et que la France est vengée: «< ni l'âge, ni le sexe n'ont été épargnés; ceux « qui avoient été seulement blessés par le canon « républicain ont été dépêchés par le glaive de <«< la liberté et par les baïonnettes de l'égalité. << Salut et admiration aux représentans du peuple; Robespierre jeune, Fréron, etc., etc.

« BRUTUS BUONAPARTE,

« Citoyen sans-culotte. >>

Buonaparte fut promu au grade de chef de bataillon; peu à près il fut destitué par arrêté du comité de salut public pour avoir dit: Ces proconsuls sont de foutus imbéciles; qu'ils se chargent seulement de tuer les ennemis de la révolution avec la guillotine; je me charge d'en faire raison avec le canon. Il se consola de sa disgrâce en disant: Eh bien! il y a deux trônes croulans que je vais soutenir, celui de Constantinople et celui de Perse. Il retourna à Marseille; le député Poultier venait d'y arriver; Buonaparte lui fit la cour; Poultier lui promit de

retarder l'exécution de l'arrêté concernant sa destitution, et écrivit au comité en sa faveur; le général Dugommier le recommanda également à la convention nationale. Dans son rapport sur le siège de Toulon, Napoléon sans argent eut, pendant deux mois, son couvert chez Poultier, qui lui avança de l'argent pour avoir un habit, veste et culotte, dont il a encore la reconnoissance. Poultier protégeoit aussi ses sœurs, il leur donnoit des billets pour les spectacles; cependant Buonaparte se faisoit distingner des autres officiers, par son air réservé et penseur.

La mort de Robespierre jeune affligea beaucoup Napoléon; il voyoit écrouler tout l'édifice de sa fortune par la perte de son ami. Le député Beffroi le suspendit de ses fonctions et le fit arrêter. Napoléon chargea son compatriote Aréna d'une lettre pour le comité de salut public, dans laquelle il demandoit la permission de quitter la France et de passer en Turquie. Aréna ne remit point la lettre et la conserva commé pièce de conviction de son ambition. Napoléon demanda souvent cette lettre à Aréna, qui répondit toujours qu'il l'avoit perdue; Buonaparte lui en conserva une rancune, et le sacrifia (voir 30 janvier 1802).

Salicetti obtint la liberté de Napoléon ; il

lui conseilla de partir pour Paris, afin d'obtenir de rentrer en grâce auprès de la convention nationale; mais Napoléon manquant d'argent, Poultier lui avança douze cents francs d'assignats. Arrivé à Paris, il se logea dans un hôtel garni, rue des Fossés-Monmartre ; une partie de ses protecteurs étoient disgraciés : il ne lui restoit que Barras et Fréron, qui avoient abandonné le parti de la montagne pour se mettre du côté du parti vainqueur. Le député Aubry étoit son ennemi déclaré, et avoit la confiance du nouveau comité de salut public. L'argent commençant à manquer à Buonaparte, il étoit obligé de vivre très-médiocrement; son ami Tilly lui prêta une somme modique ; M. Fauvelet de Bourienne, son camarade de l'École militaire de Brienne, vint aussi à son secours, ainsi que M. Patraud, son ancien professeur de mathématiques de la même école.

Buonaparte ne pouvant parvenir à obtenir la protection du représentant Aubry, sollicita la permission de quitter le service de France, et de passer en Turquie, où la Sublime-Porte s'occupoit d'un armement contre l'Autriche. Jean Debry s'y opposa, représentant que l'armée française manquoit de bons officiers d'artillerie Fréron parvint à lui faire donner le commandement de l'artillerie en Hollande. On

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PRÉCIS SUR LA FAMILLE DE NAPOLÉON.

lui avoit accordé un délai de quinze jours pour se rendre à son poste: un évènement singulier retarda son voyage. Napoléon avoit, à cette époque, commandé quatre paires de bottes à un bottier, qui demeuroit en face du Palais de Justice; il lui apporte les bottes deux jours avant son départ, et lui présente son mémoire ; Napoléon lui dit qu'il n'a pas d'argent, et veut lui donner un bon, sur le ministère de la guerre, à valoir sur ses appointemens. Le bottier lui répond: « Je ne vous connois pas ; je n'ai pas envie de faire trente courses inutiles au bureau de la guerre ». Napoléon ne peut parvenir à lui inspirer aucune confiance et le bottier emporte les bottes. Il faut en commander d'autres, ce qui fait perdre huit jours à Buonaparte. Pendant ce délai,la révolution du 13 vendémiaire se préparoit; Barras, dès le 6, avoit fait prévenir Buonaparte de ne pas partir; ce qui a fait dire: Napoléon Buonaparte est devenu empereur à propos de bottes.

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