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lois sanguinaires ? combien il en est qui ont prêché l'égalité, proscrit les titres de noblesse et les décorations, se sont affublés de divers cordons, et ont pris des titres de chevalier, de comte, de baron, de duc et de prince?

Si un précis chronologique dévoile les turpitudes et les crimes que tous les siècles ne peuvent effacer, il imprime aux actions véritablement belles, le sceau de l'immortalité.

Ce n'est pas par des pamphlets qu'on peut écrire la vie politique d'un homme qui doit occuper un vaste cercle dans l'histoire; il faut remonter à l'origine pour connoître les motifs et les circonstances qui l'ont porté sur un si grand théâtre.

Buonaparte, qui a ébranlé l'Europe par ses promenades à main armée pendant dix-huit années, ne doit sa terrible réputation qu'à la lâcheté des factions qui se dévoroient entre elles pour se disputer le pouvoir.

En 1793, il a su profiter de leurs discordes, et il a même abusé de la valeur française, qui, sans lui et avant lui, avoit fait preuve de courage et produit des généraux plus habiles et plus humains que lui, et dont les principes n'étoient point dans l'intention de faire fortune en égorgeant et en dévastant les cités, ni dans l'espoir des dignités de baron, duc, prince, etc.; mais étoient dirigés seulement par leur amour de la patrie.

Buonaparte, comme on le remarque dans cet ouvrage, a commencé sa carrière militaire en 1793,

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sous les auspices des Jacobins et de la faction de la convention nationale (dite la montagne), à qui l'on doit l'exécrable régime de la terreur. Buonaparte, naturellement cruel, en a suivi le système.

Cette faction le chargea d'abord de faire mitrailler par des Français les citoyens de Toulon, de Marseille et de Paris; ensuite le directoire exécutif lui donna l'ordre d'aller dévaster l'Italie, et d'y établir des gouvernemens républicains, d'enlever tous les monumens, l'or, l'argent, et d'incendier les communes rebelles, etc. Buonaparte fit des prodiges de valeur en faisant égorger ses soldats.

Le lâche directoire exécutif, redoutant son audace, et voulant l'éloigner, l'envoya en Egypte avec une armée de quarante mille hommes d'élite dont il a péri les neuf dixièmes.

Le système d'anéantissement de toutes les monarchies pour établir une république universelle et les levées en masse pour faire la guerre, est encore l'ouvrage de ceux qui alors gouvernoient la France.

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Cette chronologie présente une série d'évènemens qui commence à la fin du règne de la convention, époque ou elle voulut donner un gouvernement aux Français. On y découvre les moyens employés par le parti de la montagne, protecteur de l'anarchie, pour se perpétuer dans les premières fonctions, et continuer d'asservir la France sous son autorité. Mais étant en opposition avec leurs collègues, qui n'avoient pas voté la mort

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du Roi, il fallut imaginer une conspiration pour se débarrasser d'eux. Elle eut lieu le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), journée sanglante où Buonaparte se signala. Ainsi la constitution, le directoire et les deux conseils naquirent dans des jours de carnage, et furent ainsi établis sur des bases anarchiques. Le directoire, voyant l'édifice s'écrouler, appela à son secours pour la troisième fois le général Buonaparte, qui, adroitement les renversa tous, détruisit la constitution, et se déclara chef du gouvernement, sous le titre de premier consul provisoire, consul à terme, consul à vie, ensuite empereur de la république française; et enfin, empereur des Français, roi d'Italie, etc.

Il détruisit alors toutes les républiques qu'il avoit formé étant général sous les ordres du directoire; il bouleverse toutes les monarchies. Il forme des royaumes; il y place ses frères comme ses lieutenans, et sous le nom de roi; il établit partout une nouvelle noblesse, qui lui forme une armée de valets titrés.

L'ambition de Buonaparte étoit d'être chef unique d'une monarchie universelle. Si l'histoire ne peut lui refuser quelques grandes actions, elle doit lui demander combien elles ont coûtées de larmes, de sang et d'argent? ce qu'on ne peut voir sans frémir dans l'inventaire des pertes faites sous son règne.

Ce sont les victoires de Buonaparte qui ont amené deux fois jusque dans la capitale, toujours restée vierge jusqu'alors, des troupes étrangères.

La première fois, les souverains alliés, par égard

pour Louis XVIII, et convaincus que les Français avoient été victimes du despotisme et de la tyrannie de Buonaparte, nous avoient traités avec générosité.

La seconde fois, par suite de la trahison la plus infâme, l'on fait supporter les charges et les rétributions énormes de guerre par tous les Français ; elles n'auroient dû peser que sur les complices de l'usurpateur; et s'ils ne sont que frappés de l'ignominie, ils diront comme Buonaparte: Quand j'ai parcouru ma carrière, je n'avois qu'un écu de six livres dans ma poche et j'en sors fort riche. (p. 402.)

Buonaparte a su, avec de l'or, réduire au silence des hommes qui ont trahi leur patrie et l'humanité; vil sénat que j'ai gorgé d'or et de dignité; flagorneurs et láehes préfets, qui disoient toujours que la levée en masse se faisoit avec le plus grand succès. Expressions de Buonaparte. (Voy. pag. 396 et 399.)

Si le sénat conventionnel est coupable d'avoir envoyé froidement, pendant dix-huit mois, vingt mille individus à l'échafaud, ce n'étoit pas l'amour de l'or qui dirigeoit ces fougueux législateurs, puisqu'ils ne recevoient que trente-six francs en assignats par jour chacun.

Les sénateurs de Buonaparte sont bien plus criminels, car ils ont, pendant quatorze années, moyennant trente-six mille francs par an chacun, fourni six millions de Français pour la boucherie d'un seul homme, qui a porté le carnage chez tous les peuples; et ce que l'histoire ne voudra pas croire, c'est que jamais ces sénateurs n'ont poussé un soupir en faveur de l'humanité !....

Ces sénateurs diront: Buonaparte a fait de

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grandes choses; on lui doit des quais, des ponts, des fontaines près des rivières, des routes, etc. Cela est vrai; mais on lui doit aussi une nouvelle noblesse qui a dilapidé plusieurs milliards, des bastilles, et cinq millions cinq cent mille Français qui ont été égorgés!....

Le règne de Buonaparte a été, par chaque jour, un siècle de tyrannie; violation du droit des gens, emprisonnemens arbitraires, déportations, fusillades, assassinats, etc. Le sénat a sanctionné tous ces crimes.

La sentence de condamnation de tous les sénateurs se trouve dans l'acte de déchéance de Buonaparte, rendu par le sénat le 2 avril 1814. (Voy. pag. 37o.) L'article 6 du projet de leur nouvelle constitution du 6 avril suivant, prouve encore leur rapacité. (V. pag. 578.)

Les plus coupables s'il peut y en avoir après les sénateurs, sont les ministres, les conseillers d'état, les préfets, les procureurs-impériaux, cc.

L'acte d'abdication de Buonaparte, au milieu de plus de quarante mille hommes de ses troupes qui lui sont dévoués, son discours pour les dégager de leur serment, en les invitant à être aussi fidèles pour le roi qu'ils l'ont été pour lui, prouve le profond machiavélisme de son caractère, puisqu'au même moment il combinoit son dernier attentat, qui a eu lieu par son retour de l'île d'Elbe.

Le traité qu'il a fait avec les puissances alliées, dans lequel on voit jusqu'à quel point il stipule ses intérêts pécuniers pour lui et sa famille, prouve encore que c'est à tort qu'il a été qualifié de grand Napoléon.

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