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impossibilité physique ou morale, épouser la mère de ses enfants naturels.

Le père devait former lui-même la demande des lettres de légitimation, et il fallait qu'elles fussent entérinées de son

consentement.

Une observation importante c'est qu'après la mort du père de l'enfant naturel, l'aïeul pouvait demander la légitimation qui opérait, à son égard, le même effet qu'elle aurait produit à l'égard du père.

Le consentement exprès ou tacite de l'enfant naturel était nécessaire; si celui-ci réclamait, la légitimation était nulle.

Enfin il fallait que les lettres de légitimation fussent entérinées dans les greffes des tribunaux auxquels elles étaient adressées.

Divers auteurs pensaient qu'elles devaient être enregis→ trées, les uns à la Chambre des comptes, les autres au Parlement.

L'enregistrement devait précéder le décès du père de l'enfant, sinon la légitimation était sans effet.

Outre la légitimation civile dont nous venons de parler, on connaissait une autre espèce de légitimation résultant d'un rescrit de la Cour de Rome qui habilitait les bâtards à recevoir les ordres et à posséder des bénéfices. Ces rescrits devaient être fulminés par l'official du diocèse de l'impétrant.

Par la légitimation par mariage subséquent, les enfants jouissaient de tous les droits des enfants légitimes. Ils étaient aussi soumis aux mêmes devoirs.

La légitimation par lettres du prince n'opérait pas d'aussi larges résultats.

« Elle n'est pas si parfaite, dit d'Aguesseau, et ne produit pas de si grands effets que la légitimation par mariage subséquent. Elle efface, à la vérité, la tache que la naissance du bâtard lui avait imprimée; elle lève l'incapacité qu'elle trouvait en sa personne de recevoir des dispositions universelles de son père et de sa mère; elle le rend capable

de posséder des offices. Mais pour la capacité de succéder ab intestat à ses parents, elle ne la lui donne que lorsque ceux auxquels il peut succéder ont consenti à la légitimation (1). D

644. La légitimation par lettres du prince a cessé d'être en usage en France dès la date de la constitution de 1791. Le Code Napoléon ne l'a pas rétablie, et l'on ne connaît aujourd'hui parmi nous que la légitimation par mariage subséquent.

Les raisons qui ont fait rejeter de notre nouvelle législation la légitimation par lettres du prince sont énoncées dans l'exposé des motifs du titre de la paternité et de la filiation. Voici comment s'exprime l'orateur Bigot-Préameneu :

« Une autre espèce de légitimation avait lieu dans l'ancien régime. Elle se faisait par l'autorité du prince; elle n'attribuait pas tous les droits de la légitimité. Le principal objet de cette prérogative royale était de faire cesser, pour ceux qui obtenaient cette faveur, l'incapacité de remplir des dignités et des emplois.

>> Cette incapacité a été regardée comme une prescription inutile et même nuisible à l'ordre social. Depuis long-temps le préjugé qui tenait les enfants naturels dans l'avilissement a été détruit par la raison et l'humanité.

» Cette espèce de légitimation n'a point dû reparaître dans le nouveau Code.

>> Maís nos nouveaux législateurs n'ont pas hésité à maintenir, néanmoins avec quelques modifications, la légitimation par mariage subséquent. Les motifs qui ont fait adopter le principe sont empruntés du droit romain et du droit canonique :

» L'ordre public, le devoir du père, l'intérêt de la mère en faveur de l'enfant, tout concourt à faire maintenir cette

(1) V. sur la légitimation et sur ses effets les auteurs déjà citės, et Rousseau-Lacombe, Denizart, au mot Légitimation.

Art. 331.

espèce de légitimation, a dit l'orateur du gouvernement. » L'ordre public est intéressé à ce que l'homme et la femme qui vivent dans le désordre aient un moyen d'éviter l'un et l'autre de ces deux écueils: celui de se séparer par dégoût ou celui de continuer un commerce illicite. La loi leur offre, dans une union sainte et respectable, des avantages assez précieux pour les porter à la contracter.

» Au nombre de ces avantages, l'homme aura celui de procurer à l'enfant, pour qui la nature doit lui avoir inspiré des sentiments de tendresse, toutes les prérogatives que donne dans la société la qualité d'enfant légitime. C'est même de sa part un devoir que sa conscience doit sans cesse lui rappeler.

>> Cette légitimation est pour la femme le plus heureux moyen de réparer sa faute, de recouvrer son honneur et de se rendre digne des titres honorables d'épouse et de mère.

» Les enfants, nés d'un père et d'une mère qui deviennent ensuite époux légitimes, ne sauraient être plus favorables que quand ils invoquent les effets d'une union qui a des rapports intimes avec leur naissance antérieure. (Bigot-Préameneu.) »

Ces sages motifs démontrent la faveur que mérite cette sorte de légitimation.

645. Ses conditions et ses effets sont réglés par les art. 331, 332 et 333 du Code civil.

<< Les enfants nés hors mariage, autres que ceux nés d'un commerce incestueux ou adultérin, pourront être légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les auront légalement reconnus avant leur mariage, ou qu'ils les reconnaîtront dans l'acte même de célébration. » Cet article a fait une innovation importante à l'ancienne législation, suivant laquelle la légitimation était opérée de plein droit par le mariage postérieur à la naissance de l'enfant, de quelque manière que l'état de l'enfant naturel fût justifié, soit que la reconnaissance eût précédé le mariage, soit

qu'elle le suivit, soit que la filiation fût établie par toute autre preuve.

Aujourd'hui la première condition exigée pour que les enfants naturels puissent être légitimés par le mariage subséquent, est qu'ils aient été légalement reconnus avant le mariage, ou qu'ils le soient au plus tard dans l'acte de célébration.

Cette reconnaissance doit être faite dans les formes prescrites par l'art. 334 du Code civil, c'est-à-dire par un acte authentique lorsqu'elle ne l'aura pas été dans l'acte de naissance de l'enfant.

Les motifs de l'innovation sont fondés sur un principe également nouveau consigné dans l'art. 340 qui défend la recherche de paternité, et sur l'utilité de fixer le sort des familles. Voici le texte de ces motifs :

« Il est encore, pour le repos des familles, une condition exigée des père et mère : ils doivent reconnaître avant le mariage, ou dans l'acte de sa célébration, les enfants qu'ils ont à légitimer; ceux qui regrettent que la reconnaissance postérieure n'ait pas le même effet, pensent que la légiti– mation est une suite nécessaire du mariage, et ils craignent que la pudeur ou l'intérêt de ne pas aliéner le cœur de parents austères, n'ait empêché les époux de faire à temps les actes de reconnaissance.

>> La règle suivant laquelle le mariage légitimait de plein droit, avait été admise dans le système où la recherche de la paternité n'était pas interdite. Alors l'enfant conservait toujours le droit de prouver contre ses père et mère l'origine de sa naissance. Il n'avait pas besoin d'être reconnu. Mais lorsqu'il n'y a de paternité constante que par la reconnaissance du père, ainsi qu'on l'expliquera dans la suite, il est indispensable que l'enfant soit d'abord avoué pour être ensuite légitimé.

>> La légitimation n'est point un effet nécessaire du mariage, elle n'est qu'un bénéfice de la loi.

>> Les enfants nés hors mariage n'ont point leur faveur de présomption légale de leur naissance; ils n'ont qu'un témoignage; il doit être donné dans un temps non suspect. La loi ne peut laisser à des époux la faculté de s'attribuer des enfants par un consentement mutuel. Les familles ne doivent pas être dans une continuelle incertitude. »>

Ces raisons étaient décisives; elles furent cependant vivement combattues; elles ne triomphèrent pas sans difficulté (1).

(1) La légitimation par mariage subséquent est admise par le Code des Deux-Siciles, art. 265; par le Code de la Louisiane, art. 217, qui abolit tout autre mode de légitimation; par le Code Sarde, art. 174, qui admet ce mode de légitimation même pour les enfants naturels reconnus seulement après le mariage; par le Code de Vaud, art. 327, 328, 329, 330. L'art. 329 permet de légitimer l'enfant naturel, même après le mariage, avec l'autorisation du roi; l'art. 330 dit que le roi peut légitimer l'enfant lorsque le mariage n'a été empêché que par la mort du père ou de la mère; par le Code hollandais, art. 331; par le Code autrichien, art. 161; par le Code prussien, art. 596.

Le Code prussieu permet aussi de légitimer par jugement ou par déclaration du père devant le juge quand il y a eu promesse de mariage sans célébration postérieure, art. 592 et 597.

La légitimation peut aussi avoir lieu en Prusse par ordonnance royale sur la demande du père et avec l'assentiment de la famille paternelle, art. 601, 604.

Enfin, la légitimation ad delendum peut être prononcée par les cours supérieures; elle a pour but d'assurer à l'enfant une position sociale qui lui enlève sa qualité de bâtard et lui permet d'aspirer å un avancement.

Dans le royaume de Naples, la légitimation de simple grâce peut être accordée par ordonnance du roi ; mais elle ne donne pas droit à la succession du père au préjudice des enfants légitimes ni de l'autre époux, art. 256.

Dans le royaume Sarde, la légitimation peut être accordée par rescrit du prince, si le père n'ayant pas d'enfants légitimes et naturels ou légitimés, la demande, et s'il ne peut user du moyen du mariage subséquent, art. 177.

L'art. 1er du chap. 4 du Code de Berne déclare les enfants naturels légitimés par les fiançailles.

En Espagne, la légitimation a lieu de deux manières par mariage

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