Page images
PDF
EPUB

du mari, l'action en désaveu ne leur appartient pas. La leur accorder ce serait supposer qu'elle peut être exercée par tous ceux qui y ont intérêt, tandis que les dispositions formelles et exclusives des articles 316 et 317 du Code, et la discussion qui les a préparées restreignent le droit à la personne du mari et à celle de ses héritiers.

730. En l'absence du mari, ses héritiers présomptifs auront-ils qualité pour intenter l'action en désaveu?

La Cour de Toulouse a jugé deux fois que, même après avoir obtenu l'envoi en possession provisoire, des héritiers présomptifs ne pouvaient agir en désaveu contre l'enfant né de la femme depuis la déclaration d'absence, parce que, tant qu'il est possible que la faculté de désavouer soit exercée par le père, c'est un droit qui lui est personnel. Les arrêts sont du 14 juillet 1827 et du 29 décembre 1828 (1).

Ces décisions sont légales. Les héritiers présomptifs ne sont pas, même par l'envoi en possession provisoire, considérés comme héritiers définitifs. Leurs droits ne sont que provisoires, et subordonnés non-seulement au retour de l'absent, mais aussi à la preuve de son existence postérieure à l'envoi en possession provisoire. Cela est si vrai que, dans ce dernier cas aussi, les effets du jugement qui aurait déclaré l'absence cesseraient (Code civil, art. 131).

En sorte que si les nouvelles de l'existence avaient ellesmêmes cessé depuis, il faudrait une nouvelle déclaration d'absence et un second jugement d'envoi en possession qui n'accorderait la possession provisoire qu'à ceux qui seraient héritiers présomptifs au moment où les dernières nouvelles de l'existence seraient parvenues à la famille, quoique ces héritiers présomptifs ne fussent pas les mêmes personnes auxquelles aurait été attribuée la première possession provisoire.

On fera aussi observer que le droit des héritiers présomp

(1) V. S., 28. 2. 202; et 29. 2. 157; v. aussi Dalloz jeune, l. 27. 2. 10 et 221.

tifs est considéré comme si peu absolu que l'épouse commune en biens, en optant pour la continuation de la communauté, pourrait empêcher l'envoi en possession provisoire et conserver par préférence l'administration des biens de son mari absent (Code c., v. art. 124.)

Enfin, on ajoutera que l'envoi en possession provisoire n'est qu'un dépôt. (Code, art 225. )

Comment de simples dépositaires seraient-ils admis à exercer une action aussi exorbitante que celle d'un désaveu?

La fin de non-recevoir serait encore plus caractérisée si l'enfant était né ou même légalement présumé conçu avant la déclaration d'absence et l'envoi en possession provisoire. L'enfant pourrait, dans ce cas, contester à des parents collatéraux la qualité d'héritiers présomptifs, prétendre qu'il est, au contraire, lui-même l'héritier présomptif de l'absent, soutenir que ses qualités d'enfant légitime et d'héritier présomptif ne peuvent lui être contestées que par des personnes qui justifieraient d'un droit acquis et certain à l'hérédité de l'absent; que ce droit ne saurait exister en présence d'un enfant conçu ou né pendant le mariage ; et que, pour faire disparaître cet obstacle et autoriser une action en désaveu, on ne peut préalablement supposer, dans ceux qui voudraient agir comme héritiers de l'absent, une qualité d'héritiers même présomptifs que la loi ne reconnaît pas tant qu'elle n'est pas reconnue ou prouvée par la non existence de tout successible en ligne directe.

731. M. Proudhon refuse aux héritiers du mari le désaveu pour cause d'adultère, quoique la grossesse ait été cachée. Il se fonde sur le motif que l'accusation d'adultère n'appartient qu'au mari qui peut même en faire cesser les effets. (Code civil, art. 309) (1).

Ce serait anéantir le droit dans les cas les plus fréquents,

(1) Proudhon, t. 2, p. 41-42.

et même dans tous les cas où l'enfant serait conçu pendant le mariage. Car si le mari n'est pas le père, la conception pendant le mariage est toujours adultérine.

Duranton combat avec succès cette opinion: 1° parce qu'il ne s'agit pas d'une accusation d'adultère, mais d'un désaveu dont l'adultère est un des éléments;

2o Parce qu'il n'est pas nécessaire, d'après la jurisprudence, que le fait d'adultère soit jugé avant que l'action en désaveu soit intentée (Voir les arrêts cités aux no 699);

3° Parce que cette exception n'est pas écrite dans l'article 313, et que la faculté que cet article accorde n'étant pas restreinte, doit s'appliquer à tous les cas de désaveu (1).

732. Le désaveu n'est pas permis à la mère, parce que la maternité est toujours certaine et parce qu'elle ne pourrait le fonder que sur sa propre turpitude.

Les héritiers de la mère y sont également non-recevables. Ils ne peuvent avoir plus de droits, plus de faveur qu'ellemême (2).

733. L'enfant né dans le mariage, dont l'acte de naissance déclare la légitimité, et qui a une possession conforme à cet acte de naissance, ne peut, pour désavouer cette légitimité, invoquer l'impossibilité physique de cohabitation entre ses père et mère à l'époque de sa conception, argumenter d'une reconnaissance authentique qui lui attribuerait une naissance adultérine, et réclamer des aliments contre son prétendu père naturel.

Une telle action serait honteuse et illégale. Elle serait repoussée par les art. 316 et 317 du Code qui n'autorisent le désaveu que dans la bouche du mari ou de ses héritiers.

Elle le serait aussi par l'art. 322, suivant lequel nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession conforme à ce titre.

(1) Duranton, t. 3, no 73.

(2) Locré, Esprit du Code civil, t. 5, p. 69; Dalloz ainė, Dictionnaire de jurisp., t. 8, p. 855, no 3; Duranton, t. 3, no 76.

Elle le serait, enfin, avec énergie par les principes de la morale publique qui s'indignerait d'une action attentatoire à l'honneur de la mère de celui qui réclamerait.

La Cour de Rouen, par arrêt du 6 juin 1820, a rejeté une semblable demande (1).

734. La morale publique était aussi vivement blessée par l'action exercée contre un enfant posthume par ses frères ou sœurs, qui, quoiqu'ils eussent le titre et la possession d'enfants légitimes, n'hésitaient pas à dénier le mariage de leurs père et mère, du vivant de l'un d'eux, pour ne se présenter à la succession de l'autre que comme enfants naturels reconnus, et pour écarter du partage le posthume qui n'était pas reconnu et qui ne représentait pas l'acte de mariage.

La Cour de Paris, par un arrêt du 6 juillet 1812, repoussa avec une juste sévérité cette action honteuse. Elle fonda un de ses motifs sur ce que les demandeurs n'attaquaient pas l'état de ceux de leurs frères ou sœurs qui n'avaient pas voulu concourir à leur demande; elle décida que l'état de tous les enfants était indivisible (2).

Nous examinerons quelques autres cas de fins de non-recevoir dans le paragraphe suivant.

S III.

Délais dans lesquels l'action doit être intentée par le mari.

SOMMAIRE.

735. L'ancien droit ne fixait pas de délai.

736. Le Code a rempli cette lacune, art. 516.

737. Motifs de la brièveté du délai d'un mois pour le mari présent sur les lieux.

738. Comment se calcule-t-il?

(1) Dalloz jeune, t. 21. 2. 24; et Dict. de Dalloz aîné, t. 8, p. 583,

[ocr errors]

(2) Voir l'arrêt dans le Journal de Denevers, t. 12. 2. 292; et dans le Dict. de Dalloz aîné, t. &, p. 582.

739. De l'interruption du délai de rigueur.

740. Qu'entend-on par ces mots : Si le mari se trouve sur les lieux; et qu'entend-on par le mot absent?

741. Délai de deux mois; de quel jour court-il?

742. Quid si la femme depuis l'accouchement a changé de résidence? 743. De quel jour court le délai si la naissance a été cachée?

744. Quid si l'acte de naissance est équivoque sur la mère?

745. Délai accordé aux héritiers pour le désaveu, et de quel jour il court, art. 317?

746. Cas où l'enfant s'est mis en possession des biens. Premier cas à considérer pour le délai de deux mois.

747. Second cas pour le cours du délai de deux mois. Trouble aux héritiers par l'enfant.

748. La mise en possession des biens le fait courir.

749. Toute notification faite par l'enfant à l'héritier le fait aussi courir; divers cas.

750. Le délai court aussi en faveur de l'enfant né plus de 300 jours après la dissolution du mariage.

751. Cependant différence entre le désaveu et la contestation de lé– gitimé.

752. La contestation de légitimité peut être élevée par la mère et par ses héritiers.

753. Si ceux qui peuvent désavouer ou contester. la légitimité, la reconnaissent tacitement ou expressément, ils perdent toute action. 754. Pendant l'instance, la possession provisoire des biens est due à celle des parties qui a le titre en sa faveur.

735. La jurisprudence ancienne ne fixait pas de délai pour le désaveu ou la contestation de légitimité. C'était une fâcheuse lacune qui laissait dans une longue incertitude l'état de l'enfant dont la légitimité pouvait être contestée (1).

736. Le Code civil a réparé cette omission. Mais en fixant le délai de l'action, il était convenable de distinguer le désaveu fait par le mari de celui qu'exerceraient des héritiers.

<<< Le sentiment naturel du mari, qui a des motifs suffisants pour désavouer un enfant qu'il croit lui être étranger, est de le rejeter sur-le-champ de sa famille. Son devoir, l'ou

(1) Arrêt de la Cour de Toulouse, du 28 juillet 1803; Dalloz ainė, Dict. de jurisp., t. 8, p. 556 ; et Deney 1. 2. 288.

[ocr errors]
« PreviousContinue »