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leur action; l'acte extrajudiciaire vient alors à leur secours et leur attribue un mois de plus de délai (1).

Car on ne doit pas confondre ce délai avec celui dont parlent les articles précédents. C'est un délai distinct; c'est un délai nouveau. Cela est indiqué par les expressions de l'article, et démontré par la discussion qui l'a préparé.

La Cour de cassation voulait que « la poursuite eût lieu avant l'expiration du terme accordé pour la réclamation. »> C'eût été trop raccourcir le terme. On a donc séparé les deux délais (2).

758. L'article exige que l'action en justice soit formée dans le mois de l'acte extrajudiciaire, sinon cet acte sera

comme non avenu.

Mais il n'ajoute pas que l'action judiciaire sera dès-lors non-recevable.

On doit conclure de là que c'est l'acte extrajudiciaire seul qui doit demeurer sans effet, et que l'action en désaveu peut encore être exercée si le délai déterminé par les art. 316 et 317, n'est pas complètement expiré. Tel est l'esprit de la loi, esprit que signale la lettre et qui a été reconnu au Conseil d'État (3).

C'est aussi ce qu'a jugé la Cour de cassation, par arrêt du 4 avril 1837 (4).

Nous ferons observer que l'art. 318 ne prescrit pas de notifier à un tuteur ad hoc l'acte extrajudiciaire de désaveu. On pourra donc le notifier au tuteur ordinaire qui, comme administrateur de la personne du mineur, le représente dans tous les cas où la loi ne dit pas le contraire.

M. Duranton pense qu'il est inutile de notifier ce désaveu par acte extrajudiciaire; que la loi eût exigé la notification si elle l'eût voulu; que le désaveu peut être fait même par

(1) Toullier, t. 2,-n 8 41.

(2) Esprit du Code civil, t. 5, p. 88; Toullier, l. 2, no 841.

(3) Locrė, ibid, p. 87; Législation civile, commentaire 10, no 17. (4) S., 37. 1. 459.

un acte sous seing-privé pourvu que la date soit certaine.

Nous ne pouvons partager cet avis. Pour que le desaveu existe légalement il faut qu'il soit connu de la partie intéressée. Car, comment concevoir un désaveu qui serait fait dans l'ombre et qui resterait caché jusqu'au jour où l'action judiciaire serait formée ? Et comment le faire connaître légale– ment s'il n'est notifié ni à l'enfant ni à personne pour lui? 759. L'art. 318 veut que l'action en désaveu soit dirigée contre un tuteur spécial nommé pour le désaveu.

Dans l'ancien droit romain établi par l'édit du préteur Carbon, la question de l'état d'un mineur impubère ne devait être agitée qu'à sa puberté. Elle paraissait trop importante pour la confier aux soins d'un tuteur (1).

L'empereur Adrien modifia cette disposition et ordonna que l'état des impubères fût réglé immédiatement, lorsqu'ils auraient des tuteurs aptes à les défendre convenablement et que leur intérêt l'exigerait ainsi.

Questio status pueri differtur cum metus potest esse si minus idoneè defendatur. (L. 1, § 1 de Carb. ed.)

Non si magis damnum ex eo patiatur pupillus, nec pendere debet status ejus, cùm jam possit indubitatus esse. (L. 3, $ 5, II. til.)

Ainsi l'intérêt du pupille était la seule règle pour avancer ou retarder l'examen de la question. L'ancien droit français autorisait l'examen et le jugement de la question d'état pendant la minorite de l'enfant. Mais il voulait qu'il fût assisté, pour sa défense, non d'un curateur aux causes, ni de son tuteur ordinaire, mais d'un tuteur ad hoc.

760. Le Code civil consacre cette règle pour les questions de désaveu.

Cette mesure avait été réclamée par la Cour de cassation. Confier à la mère seule la défense de l'état de l'enfant eût été la placer dans une position difficile, surtout si l'action

(1) FF. de Curb. ed.

en désaveu étant formée on eût pu craindre que ses aveux ne nuisissent à l'enfant.

La défense parut mieux placée dans la bouche d'un tiers étranger aux faits et sur lequel personnellement l'action ne réfléchirait pas.

D'ailleurs l'enfant a ainsi deux défenseurs au lieu d'un.. puisque sa mère est intéressée à le défendre pour se défendre elle-même.

761. L'art. 318 ne fournit pas au mari et à ses héritiers le moyen de faire nommer un tuteur à l'enfant.

L'observation en fut faite au Conseil d'Etat.

Il fut répondu que cette formalité leur appartenait de droit commun.

L'art. 406 du Code autorise, en effet, toute partie intéressée à provoquer la convocation d'un conseil de famille faire nommer un tuteur à l'enfant mineur dont on voudra contester l'état.

pour

Ce conseil de famille doit être composé de la manière ordinaire: trois parents paternels doivent y être appelés quoique le désaveu soit dans l'intérêt de la famille du mari; mais la loi ne fait aucune distinction.

Cependant un arrêt de la Cour de Liége a jugé que le conseil de famille avait pu être composé pour la nomination du tuteur ad hoc, de six parents ou alliés de la ligne maternelle.

Le désaveu fut prononcé, et le pourvoi du tuteur fut rejeté par la Cour de cassation, par le motif que la nomination du tuteur ad hoc avait été faite dans le plus grand intérêt de l'enfant. L'arrêt de cassation est du 25 août 1806 (1).

En prescrivant la nomination d'un tuteur ad hoc, pour défendre à l'action en désaveu, la loi annonce clairement que l'enfant ne serait pas valablement représenté par toute autre personne.

(1) Duranton, f. 3, no 96; Sirey, 6. 2. 952; Denev., 6. 1. 627.

TOME II.

10

C'est conformément à cette règle que, par arrêt du 15 juin 1831, la Cour de Colmar a déclaré non-recevable une action en désaveu dirigée contre la mère comme tutrice légale de l'enfant (1).

On remarquera cependant que la question eût été plus douteuse si l'enfant avait eu un autre tuteur que sa mère. Car l'art. 318 exige, outre le tuteur ad hoc donné à l'enfant, la présence de la mère dans le procès. Elle veut donc que deux personnes concourent à la défense de l'état de l'enfant. Elle n'a pas voulu la confier exclusivement à la mère dans la crainte d'un préjudice pour l'enfant. Diriger l'action contre la mère seule, c'était directement violer la lettre et l'esprit de la loi.

Il n'en eût pas été ainsi à l'égard d'un autre tuteur qui aurait été nommé, par le conseil de famille, pour l'administration générale de la personne et des biens de l'enfant. Quoique non spécialement choisi pour défendre au désaveu, ce tuteur général, qui ne serait pas dans la position difficile de la mère, n'inspirerait aucune inquiétude pour les intérêts de l'enfant, et l'esprit de la loi ne serait pas blessé.

Il semble que, dans ce cas, l'action dirigée contre le tuteur ordinaire serait valable.

Cependant il serait prudent de convoquer le conseil de famille pour faire nommer tuteur ad hoc le tuteur ordinaire ou pour que ce conseil choisit un autre tuteur, si les intérêts du mineur paraissaient l'exiger. On ne saurait user de trop de précaution dans des matières où toutes les formalités sont de rigueur.

Si, outre le tuteur ordinaire, un tuteur spécial était nommé, il serait bon, après avoir dirigé l'action contre ce tuteur spécial, de la dénoncer au tuteur ordinaire, et de l'assigner pour voir déclarer commun avec lui en sa qualité

(1) D., 31. 2. 163.

le jugement à intervenir. Ce serait une mesure surabondante peut-être. Mais elle ne pourrait pas nuire, utilia per inutilia non vitiantur.

762. Si l'enfant est majeur, c'est à lui-même que l'action en désaveu doit être notifiée. Il ne peut être question de lui nommer un tuteur ad hoc. Le conseil de famille n'est plus même chargé de la surveillance de ses droits. La loi, par l'art. 318, n'en a confié le soin à un tuteur ad hoc que parce qu'elle a supposé qu'il serait encore mineur au moment où la question s'agiterait, comme cela a ordinairement lieu.

Si, quoique mineur, l'enfant était émancipé, l'action devrait aussi être dirigée contre lui et son curateur. Car, avec l'assistance du curateur, le mineur émancipé se défend valablement lui-même. (C. c., art. 482.)

Mais pour éviter toute difficulté, il serait prudent de provoquer aussi pour lui la nomination d'un tuteur ad hoc, et d'assigner ce tuteur spécial dans la cause pour y défendre conjointement avec le mineur et son curateur ordinaire.

La mère de l'enfant doit être appelée en cause. Car, quoique non dirigée contr'elle, l'action intéresse trop vivement son honneur d'épouse, son cœur de mère pour qu'elle y reste étrangère. Qui mieux qu'elle, d'ailleurs, peut connaître les faits et fournir à l'enfant des moyens de défense?

Cependant si ses déclarations étaient contraires à la légitimité, elles ne pourraient servir de base unique à la déci– sion. Nous avons déjà prouvé, sur l'art. 313, que les aveux de la mère ne pouvaient nuire à l'enfant.

763. En exigeant que le désaveu se poursuive en présence de la mère, le législateur n'a cependant pas prescrit de l'assigner en cause dans le délai prescrit pour le tuteur ad hoc.

Ainsi, lors même qu'elle serait assignée plus tard, il n'y aurait pas de fin de non-recevoir. Il suffirait qu'elle eût été mise en cause avant l'instruction du procès. Car elle doit

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