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646. L'art. 331 refuse la légitimation aux enfants nés d'un commerce incestueux ou adultérin.

C'est à ces deux seuls vices que sont restreints les obstacles à la légitimation. Cette rigueur est fondée sur la gravité des deux vices et sur la nature même de la légitimation qui fait remonter fictivement le mariage au temps de la conception. Or, cette fiction n'est pas possible lorsqu'il y avait à cette époque empêchement légal résultant d'un premier mariage encore existant, et de la parenté ou de l'alliance au degré prohibé.

Les dispositions de l'art. 331 font naître plusieurs questions, certaines desquelles sont fort importantes.

647. L'une des plus difficiles est relative à l'enfant né d'un commerce adultérin ou incestueux si le père ou la mère a ignoré le caractère aggravant du commerce; si, la mère, par exemple, avait été trompée par l'espérance d'une union légitime dont elle ignorait l'empêchement, et, si cet empêchement ayant disparu, il y a eu mariage, la bonne foi de la mère et la validité du mariage attribueraient-elles à l'enfant le bénéfice de la légitimation?

Dans l'ancien droit, les auteurs étaient divisés. Plusieurs auteurs étrangers ou français, et parmi eux Charondas, Le Brun, Rousseau-Lacombe, soutenaient qu'il y avait légitimation. « Pour cette légitimation, il suffit, dit La>> combe, que le mariage eût pu se faire au temps de la >> conception de l'enfant ou de sa naissance ou intermé» diaire, parce que l'on doit considérer le temps qui lui est >> plus avantageux (1). »

subséquent ou par rescrit du prince. Ley. 1, titre 13, p. 4, et Ley. 4, til. 15, p. 4.

Ce dernier mode produit seulement des effets civils. Pour que la légitimation obtienne les effets canoniques, il faut qu'elle soit sanctionnée par le pape. Ley. 4, tit. 15.

(1) V. le Recueil de jurisprud. civ., par Lacombe, verbo Legitimation, section 1re, no 1; Le Brun, des Successions, liv. 1, chap. 2, section 1, Dist. 2; Fachin, Lib. 3, cap. 56.

La question est aussi résolue, en faveur de la légitimation, dans une célèbre dissertation de Biehmer, insérée dans la dernière édition des Institutes d'Hennécieus, et intitulée Dissert. de lib. damn. coit. (V. les nos 18, 19 et 20 de cette dissertation.)

L'opinion citée, était comme on le voit, restreinte au cas où le père et la mère étaient l'un et l'autre libres à l'un des moments de la conception, de la naissance ou du temps intermédiaire. Les auteurs ne s'occupaient pas de la bonne foi de l'un des père ou mère, c'est-à-dire de son ignorance du mariage de l'autre.

Cette opinion était fondée sur les lois 5 et 26 de statu hominum, et sur la loi 11 au Code de naturalibus Liberis qui voulaient les premières, que pour l'intérêt des enfants on considérât seulement celle des trois époques qui lui était le plus favorable, l'autre qu'on se fixât principalement sur l'époque de la naissance.

Mais des auteurs recommandables attaquaient l'application des textes cités; ils faisaient observer avec justesse qu'ils n'avaient pas trait au cas pour lequel on les invoquait, que la faveur de la légitimation était fondée sur une fiction de droit, d'après laquelle on regardait comme mariés ensemble, les père et mère au moment où l'enfant avait été conçu; fiction qui ne pouvait pas se référer au temps de la naissance de l'enfant, parce que la tache était imprimée par la conception et non par la naissance; que cette naissance n'effaçait pas la faute, et que le mariage subséquent ne pouvait ni la laver ni la purifier (1).

C'est aussi dans ce dernier sens que la question était jugée autrefois. C'est ainsi notamment qu'elle avait été jugée par l'arrêt du 4 février 1697, rendu sur les conclusions de M. d'Aguesseau, et par d'autres arrêts de différents par

(1) V. notamment Pothier, Traité du mariage, no 417; d'Aguesseau, 470 plaidoyer, Furgole.

lements cités dans le Répertoire de Merlin, au mot Légititimation, section 2, § 2, nos 4, 6 et 7.

L'ignorance où aurait été l'un des père et mère au moment de la conception de l'enfant n'aurait pu, dans la rigueur des principes de la légitimation ancienne servir de base autrefois à la légitimation par mariage subséquent.

Elle ne le pourrait pas davantage aujourd'hui; car la loi interdit, en termes aussi clairs qu'absolus, la légitimation par mariage subséquent de tout enfant né d'un commerce adultérin; et aucune disposition législative n'excepte de cette prohibition ceux dont le père ou la mère n'avait pas connu toute l'immoralité, toute l'indignité de ce commerce.

Aujourd'hui un motif de plus s'opposerait à une telle légitimation. En effet pour qu'elle s'opère, il faut que les en. fants aient été légalement reconnus avant le mariage, ou qu'ils le soient dans l'acte de célébration.

Mais l'article 375 du Code civil déclare que la reconnaissance ne peut avoir lieu au profit des enfants nés d'un commerce incestueux ou adultérin. Celui des père et mère, qui aurait été marié au moment de la conception de l'enfant, qui, par conséquent, ne pourrait ignorer le vice de la naissance, ne pourrait donc pas le reconnaître ; la reconnaissance qu'il voudrait en faire ou ne serait pas reçue par le fonctionnaire public, ou, si elle était reçue, elle serait nulle de plein droit, et cette nullité entraînerait nécessairement celle de la légitimation.

Un arrêt rendu par la Cour d'Angers, le 13 août 1806, a décidé qu'un enfant conçu et né dans l'adultère n'avait pu être légitimé par le mariage subséquent quoique sa naissance n'eût pas été constatée par l'inscription sur les registres de l'État civil, et qu'il n'eût été, par conséquent, reconnu que depuis que ses père et mère étaient devenus libres (1). 648. Par une conséquence du principe que le statut per

(1) Denevers, t. 5. 2. 49; S., 7. 2. 49.

sonnel s'attache partout au Français, la légitimation d'un enfant adultérin né de deux individus Français, en pays étranger, quoique déclarée par rescrit du prince étranger, n'a aucun effet en France, comme contraire aux lois françaises. C'est ce qu'a jugé la Cour de cassation, le 15 juillet 1811, par l'arrêt Champeaux-Grammont (1).

L'article 47 du Code civil est étranger à la question; il s'applique seulement à la forme et à la validité de l'acte comme instrument. Mais il ne modifie pas la capacité des personnes.

Le même principe doit faire déclarer légitime par mariage subséquent, l'enfant né en France de père et mère français, mais libres, qui ont contracté mariage dans un pays où ce mode de légitimation n'est pas admis.

Ainsi, le mariage contracté par des Français, en Angleterre, légitime l'enfant naturel précédemment né en France, et le rend capable de succéder dans notre contrée, quoique les lois anglaises ne reconnaissent pas cette espèce de légitimation.

Cette question a été ainsi jugée dans l'ancien droit, par un arrêt du 21 juin 1668, rapporté au journal des Audiences (2)

Les mêmes motifs devraient faire déclarer légitime l'enfant né d'un Français et d'une étrangère, soit qu'il fût né en France, soit qu'il fût né en pays étranger, si le Français et l'étranger contractaient ensuite mariage, même en pays étranger.

Car l'enfant né d'un Français, même en pays étranger, est lui-même Français, et l'étrangère qui épouse un Français, devient Française. (V. C. civ, art. 10 et 12).

Ils doivent donc tous jouir du bénéfice des lois françaises, ces lois suivant partout leurs personnes.

(1) D., t. 11. 1. 468,

(2) V. Merlin, vo Légitimation, sect. 2, § 2, no 13.

Il en serait autrement, et il n'y aurait pas de légitimation d'un enfant né d'une Française et d'un étranger qui contracteraient mariage postérieurement à la naissance. Car la femme Française suit la condition de son mari.

649. Nous avons dit que l'enfant adultérin ne pouvait pas être légitimé par mariage subséquent.

Nous devons faire observer que, pour priver l'enfant de cet avantage, il faut qu'il ne s'élève aucun doute sur le vice de la naissance. S'il s'était écoulé, avant la naissance d'un enfant naturel et depuis la dissolution du mariage de son père, un temps suffisant pour qu'il y eût possibilité physique que le père et la mère eussent été libres au moment de leur cohabitation, l'enfant devrait être réputé né ex soluto et soluta, et sa légitimation devrait être admise. Si donc, il était prouvé que, pendant le temps qui aurait couru depuis le trois-centième jusqu'au cent quatre-vingtième jours avant la naissance, le père et la mère de l'enfant n'avaient pas été l'un ou l'autre toujours enchaînés dans les liens d'un autre mariage, ils auraient le droit de reconnaître cet enfant, et par suite, de le légitimer par le mariage qu'ils contracteraient ensemble. Car il suffit que l'enfant ait pu avoir été conçu dans un instant quelconque de l'intervalle qui s'est écoulé entre le trois-centième et le cent quatre-vingtième jours qui ont précédé sa naissance, à une époque où ses père et mère étaient libres, pour que, dans l'intérêt de l'enfant comme dans celui des mœurs et du mariage, on doive le présumer ainsi, et pour que cet enfant soit, en conséquence, considéré comme un bâtard simple auquel il est permis d'appliquer le bienfait de la légitimation. In dubio benignè interpretandum est. D'ailleurs c'est à celui qui veut repousser la légitimation à en prouver la nullitė.

Ce dernier principe a été consacré par un arrêt de la Cour de Bruxelles, du 29 janvier 1813, qui décide que c'est à ceux qui contestent la légitimation à prouver que l'enfant n'a pu être légitimé parce qu'il était bâtard adultérin ou in

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