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être partie dans tous les jugements. Les enquêtes même doivent être faites contradictoirement avec elle. Mais si l'on y avait procédé hors sa présence, l'enquête pourrait être recommencée contre la mère. Rien ne s'y oppose dans les dispositions de l'art. 318; et cela a été ainsi jugé par arrêt du 31 janvier 1836 (1).

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764. Les auteurs des Pandectes examinent si l'on peut agiter une question d'état après la mort de celui qu'elle concerne, et ils se décident suivant les anciens principes. Ils distinguent deux circonstances:

Celle où la question d'état s'élève du vivant de l'enfant de l'état duquel il s'agit, et celle où elle ne s'agite que depuis sa mort.

Dans la première hyppothèse, ils reconnaissent que les héritiers de l'enfant peuvent reprendre l'instance qui n'est pas encore jugée.

Mais ils ajoutent que, si celui dont l'état est attaqué meurt après avoir obtenu une sentence favorable, son état devient inattaquable, lors même que l'on aurait interjeté appel de son vivant.

Ils citent plusieurs arrêts confirmatifs du principe.

Dans la seconde hypothèse, ces auteurs pensent que la question ne peut jamais être la matière d'une action principale; qu'elle ne peut être agitée qu'accidentellement et incidemment à une action principale.

Encore faut-il, selon eux, qu'il n'y ait pas cinq ans que l'individu soit mort, parce qu'après ce terme, il n'est plus permis de contester même incidemment l'état du défunt. (L. 2, § 2, ff. nè de stat. defunct.)

Ils reconnaissent cependant que, pour que cette prescription ait lieu, il faut que la personne dont il s'agit soit morte en possession constante et publique de son état, et

(1) V. l'arrêt dans le Journal de Sirey, l. 39. 2. 482.

qu'ainsi, même après les cinq ans, on peut mettre en question le fait de la possession d'état et le faire décider.

Toute cette théorie ne peut plus aujourd'hui recevoir d'application.

La loi actuelle n'admet d'autre prescription, d'autres fins de non-recevoir que celles écrites dans les articles 312 et suivants jusques à l'art. 318; et les principes anciens, sur cette matière, ont été abrogés par la loi du 30 ventôse an 12, art. 7, qui abolit les lois antérieures relatives aux objets réglés par la loi nouvelle (1).

La mort de l'enfant né viable ne détruit pas l'action du mari, s'il était absent ou s'il n'a découvert que plus tard une naissance qui lui était cachée.

Quant aux héritiers du mari, la prescription de leur action ne court que du jour où ils soit troublés dans leur qualité d'héritiers ou dans les droits qui y sont attachés, soit par un acte émané de l'enfant ou de ses représentants, soit par la possession que ceux-ci auraient prise des biens du

mari.

La seule prescription admise aujourd'hui en cette matière est celle dont parle l'art. 322, dont nous nous occuperons plus tard, et qui n'existe que contre les héritiers de l'enfant, lorsque celui-ci a négligé de réclamer un état dont il n'était pas en possession.

Au reste, toute question d'état, soulevée pendant la vie de l'enfant et non définitivement jugée à sa mort par une décision en dernier ressort en sa faveur, peut être suivie contre ses héritiers, sur l'appel qu'on aurait interjeté contre lui ou qu'on interjeterait contr'eux.

Nous ne partageons pas l'avis qu'une assignation donnée devant un juge incompétent n'interromprait pas la prescription de l'action. Cette opinion est détruite par le texte formel de l'art. 2246.

(1) V. Merlin, Rép., v. Légitimité, sect. 4, § 2, no 3, in fine.

Il en serait autrement de la péremption de l'instance si elle était demandée et obtenue contre le mari ou contre ses héritiers, faute de poursuites pendant trois ans ou trois ans six mois, selon qu'il y a eu ou non lieu à reprise de cette instance ou à constitution de nouvel avoir. (V. Code civil, art. 2247, et Code de procédure, art. 397 et suiv. )

765. Les causes de désaveu ou de contestation de légitimité sont essentiellement communicables au ministère public, comme concernant l'état des personnes. (Code de procédure, art. 83, no 2.)

Par la même raison, elles doivent être jugées en audiences solennelles. (Décret du 30 mars 1808, art. 22.)

766. Les effets des jugements ou arrêts définitifs, rendus sur ces questions, sont faciles à déterminer.

Si la cause a été jugée avec le mari, la décision est une loi de famille que tous les héritiers du mari, tous ses représentants doivent respecter; en sorte que le succès de l'enfant lui assure à jamais, et envers qui que ce soit, le titre et les droits d'enfant légitime. Sa défaite, au contraire, l'en prive pour toujours et envers tout le monde,

Si la question n'est agitée qu'avec certains des héri– tiers du mari, l'état de l'enfant ne sera fixé qu'avec ceux de ces héritiers qui auraient été parties au jugement; les héritiers qui n'y auraient pas concouru pourraient encore désavouer l'enfant ou contester son état, à moins qu'ils n'eussent laissé écouler contr'eux le délai prescrit par l'article 317 du Code civil. (Argument de l'article 1351 du Code qui n'admet l'autorité de la chose jugée qu'entre les mêmes parties.)

Cette doctrine a été consacrée par un arrêt de la Cour d'Angers, du 11 avril 1811, et par un précédent arrêt de la Cour de cassation, du 6 janvier 1809. L'arrêt de 1811 juge la question pour des héritiers collatéraux du mari; l'autre la juge pour le mari lui-même, contre un enfant qui, pendant l'émigration du mari avait été déclaré légitime, par

jugement rendu contre l'épouse, sans que le mari y fût valablement représenté.

Le dernier arrêt cité présente la singularité d'un enfant qui trouverait une mère légitime dans l'épouse de celui qui n'est pas son père, et qui a cependant été le seul époux de la mère (1).

Section 11.

Des moyens de prouver la filiation légitime.

SOMMAIRE.

767. Objet de cette section.

768. Qu'est-ce que la filiation légitime?

769. Ancien droit.

770. Dans le droit actuel elle se conteste par trois moyens.

767. En traitant des preuves du mariage dans le titre 3, chapitre 4, section 2, nous avons examiné plusieurs ques-tions de filiation légitime qui se rattachaient à ces preuves.

Dans la présente section, nous nous occuperons de cette filiation en considérant le mariage des père et mère comme constant.

768. La filiation légitime est la descendance en ligne directe de deux époux. Elle est le fondement des familles qu'elle forme et qu'elle perpétue; elle en est aussi l'espérance et l'orgueil; elle est le germe et l'aliment de toutes les affections, et l'encouragement comme la récompense de tous les efforts.

Chez tous les peuples aussi elle a été l'objet d'une vive sollicitude. Tous se sont occupés des moyens propres à en garantir la vérité et à en maintenir la pureté.

Mais il n'ont pas été tous également heureux dans le choix des preuves qui pouvaient l'établir.

(1) V. les deux arrêts dans le Journal de Sirey, t. 22. 2. 177; et t. 9. 1. 49.

769. Chez les Romains, la preuve testimoniale était la seule qui constatât la filiation légitime. Car la possession d'état, qui parmi eux servait surtout à la faire reconnaître, ne reposait que sur des témoignages,

Il en fut long-temps ainsi parmi nous.

Depuis l'ordonnance de 1579 qui a établi les registres publics pour y recevoir le dépôt de la filiation, ces registres ont été environnés d'une telle confiance que les autres genres de preuves n'ont été admis que dans certains cas et sous certaines conditions.

770. Mais les registres publics peuvent ne pas avoir existé ou avoir été perdus, détruits.

Mais une omission peut y avoir été faite, une altération y avoir été commise, une fausse énonciation y avoir été insérée. L'enfant, qui n'a pu veiller à son état, doit-il être victime de ces vices ou de ces erreurs ?

Cela ne serait pas juste. La loi a dû protéger sa faiblesse. De là la nécessité de ne pas se réduire aux registres publics, et d'admettre suivant les circonstances d'autres preuves de la filiation légitime.

Trois sortes de moyens ont été autorisés, dans l'ordre suivant :

1o L'inscription sur les registres de l'Etat civil;

2o A défaut d'inscription, la possession d'état;

3o A défaut de l'un et de l'autre, la preuve testimoniale (1). Nous consacrerons à chacun de ces moyens, un paragraphe de cette section.

$ Ier.

De la preuve résultant des registres publics.

SOMMAIRE.

771. Premier genre de preuve; les registres publics. (Code civil, art. 319.)

(1) V. Esprit du Code civil, t. 5, p. 92; Législat. civile et commergiale, commentaire 2, no 8, p. 78, éd. in-8°.

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