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776. Enfin, la preuve testimoniale de faits propres a justifier l'identité, devrait être ordonnée si elle était offerte; elle devrait être admise même, il semble, sans qu'il fût besoin d'un commencement de preuve par écrit. Exiger dans un tel cas un commencement de preuve par écrit, ce serait souvent paralyser ce moyen puissant d'instruction. D'ailleurs, que s'agirait-il de prouver? Des faits et non des conventions, et des faits sur lesquels il n'aurait pas été possible au demandeur de se procurer une preuve littérale.

Les art. 1347 et 1348 du Code civil sont évidemment étrangers à un tel cas.

L'art. 333 suppose qu'il n'y a ni titre ni possession en faveur de celui qui réclame.

L'art, 341 ne s'y applique pas davantage. Ce dernier article n'a trait qu'aux enfants naturels qui recherchent une maternité incertaine. Or, l'on sait que les fins de non-recevoir ne s'étendent pas d'un cas à un autre.

Aussi des auteurs recommandables reconnaissent-ils que la preuve testimoniale est admissible même sans commencement de preuve par écrit; et plusieurs arrêts l'ont ainsi décidé.

C'est ce qu'ont jugé notamment la Cour de Paris, par arrêt du 17 floréal an 13; la Cour d'Angers, par deux arrêts des 31 janvier 1814 et 23 juillet 1817, contre lesquels des pourvois ont été vainement dirigés; la Cour de Bordeaux, par arrêt du 25 août 1825. On peut voir aussi sur la question un arrêt de la Cour de cassation, du 27 janvier 1818, et un arrêt de la Cour de Bruxelles, du 9 juillet 1821 (1).

On cite contre un arrêt de la Cour de Toulouse que la Cour de cassation a consacré par le rejet du pourvoi.

(1) Les arrêts cités et ceux de rejet des pourvois se trouvent dans le Journal de Sirey, l. 7. 2. 765; t. 18. 1. 149 et suiv.; t. 26. 2. 165 ; et dans le Journal de Dalloz, 21. 2. 293. ( V. sur la question, Duranton, t. 3, n° 123 et suiv.)

Mais une circonstance grave dut influer sur ces décisions. A l'acte de naissance invoqué on opposait un acte de décès du même individu. L'identité du réclamant était ainsi détruite. Il demanda aussi, il est vrai, à s'inscrire en faux contre le second acte. La Cour de Toulouse rejeta cette demande incidente. L'art. 214 du Code de procédure lui en donnait la faculté, s'il y échet, dit cet article. Il n'y avait pas là violation de la loi (1).

777. Nous avons dit avec l'art. 319 que l'acte de naissance prouvait la filiation des enfants légitimes.

Cette règle repose sur la foi due à l'acte lorsqu'il a été fait avec les précautions prescrites par l'art. 56 du Code civil.

Cet article veut que « la naissance de l'enfant soit décla- Art. 56. » rée par le père, à défaut du père par les docteurs en mé>> decine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé » ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement; » et lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, » par la personne chez qui elle sera accouchée. »>

Ces précautions commandent la confiance. Il est assez difficile, en effet, lorsqu'on les observe, qu'une fraude soit organisée et qu'au moment de la naissance les personnes qui ont assisté à l'accouchement, attribuent à l'enfant par leur déclaration une filiation qui ne lui appartiendrait pas.

Cependant cela serait rigoureusement possible, et M. Toullier, dans cette prévision, examine si l'on peut attaquer la véracité de la déclaration sans s'inscrire en faux.

Cet auteur estimable distingue plusieurs cas.

778. Si la déclaration a été faite par le père et la mère réunis ou par leurs mandataires spéciaux, elle fait foi contre eux ou leurs représentants.

Alors il faut ou s'inscrire en faux contre l'acte ou contester l'identité du réclamant, sauf à celui-ci à prouver son

(1) V. les deux arrêts dans Sirey, 20, 1. 230.

identité, ce qu'il peut faire de plusieurs manières comme nous l'avons indiqué.

Si le père seul fait la déclaration, elle fait une preuve complète de maternité contre son épouse. Un tel témoignage ne saurait être suspect. Il est dicté par la nature. Il est aussi l'accomplissement d'un devoir dont l'omission est même punie par la loi. (Code pénal, art. 346.) La maternité qu'il attribue à l'épouse ne peut être détruite que par une inscription de faux. C'est ce que la Cour de cassation a décidé par arrêt du 10 messidor an 12 (1).

La même foi doit être accordée à la déclaration faite par la mère seule. D'ailleurs la preuve de la maternité entraîne celle de la paternité, suivant la maxime: Pater is est quem nuptiæ demonstrant.

Seulement, sans avoir besoin de s'inscrire en faux contre l'acte, le mari, s'il n'avait pas assisté à l'acte aurait la ressource du désaveu comme nous l'avons déjà démontré.

Cette ressource serait aussi la seule que la loi donnerait au mari, lors même que son épouse, en déclarant sa maternité, aurait présenté l'enfant comme né d'un père inconnu. Car, la maternité étant certaine, la paternité est légalement présumée appartenir au mari. (C. civ., art. 312.)

Cette paternité légale ne peut être détruite ni par le témoignage de la mère, ni par celui du père, ni par les deux témoignages réunis. Une action en désaveu peut seule la faire disparaître.

Il y a enfin preuve complète de la filiation légitime dans l'acte de naissance qui est rédigé sur la déclaration des personnes qui ont assisté à l'accouchement ou de celles chez qui la mère s'est accouchée. Leur déclaration fait foi parce qu'elles remplissent une mission qu'elles ont reçue de la loi, parce que le fait sur lequel elle porte est de leur connaissance, parce qu'elles n'ont d'ailleurs aucun intérêt à l'altérer.

(1) Sirey, 4. 1. 566; D., 2, 528.

Il importe peu qu'elles n'aient aucune certitude sur la paternité. Il suffit que la maternité leur soit connue. En l'appliquant à une femme mariée, elles désignent par cela même le mari pour père; et celui-ci ne peut aussi repousser cette paternité légale que par un désaveu.

779. Mais lorsque la déclaration de maternité n'est faite ni par le père, ni par la mère, ni par aucune des personnes qui ont assisté à l'accouchement ou dans le domicile desquelles cet accouchement aurait eu lieu, lorsque c'est ainsi sur de vagues témoignages seulement que l'acte de naissance est rédigé, cet acte n'a pas même la force d'un commencement de preuve par écrit.

La loi ne protége pas un acte dont la réception et la rédaction sont contraires à toutes ses règles.

C'est ce qu'a jugé en thèse la Cour de cassation, par arrêt du 22 janvier 1811, dans la cause de la nommée Virginie qui réclamait l'état d'enfant légitime des sieurs et dame Gosse, et qui, à l'appui de sa réclamation, présentait un acte de naissance rédigé sur la déclaration d'un sieur Chadi se disant père de l'enfant.

Le déclarant avait désigné comme mère une femme avec laquelle il n'était pas marié, et qui était, à ce qu'il paraît, l'épouse d'un autre.

Cette déclaration dans laquelle il n'était pas énoncé que la mère était épouse, cette déclaration qui, appliquée à la dame Gosse, aurait caractérisé une naissance adultérine, ne pouvait, sous ce dernier rapport même, être accueillie par les tribunaux. L'acte de naissance fut rejeté même comme commencement de preuve par écrit, et l'on refusa à Virginie de l'admettre à prouver qu'elle était réellement la fille de la dame Gosse que paraissait indiquer l'acte de naissance.

Tout ce que nous avons dit sur la foi due aux actes de naissance, suppose qu'ils sont inscrits dans des registres publics. S'ils ne l'avaient été que sur des feuilles volantes, ils ne mériteraient pas la même confiance, ils ne serviraient

TOME II.

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pas de preuve positive des faits qu'ils énonceraient. Seulement on pourrait, suivant les circonstances, les invoquer comme documents. Les observations que nous avons faites sur les feuilles volantes où étaient inscrits des actes de célébration de mariage, peuvent également trouver ici leur application. (V. au titre des preuves du mariage)

En l'absence d'un titre de naissance régulier, c'est par la possession d'état que la filiation s'établit.

SII.

De la preuve de la filiation légitime résultant de la possession d'état.

SOMMAIRE.

780. Deuxième genre de preuve, la possession d'état.-Sa définition. 781. Sa force dans le droit romain.

782. Droit français ancien.

783. Droit actuel.

Dissertation et arrêts sur ce point.

784. Définition et caractère de la possession d'état, sous le Code. (Article 321.)

785. Les fails énoncés dans cet article ne sont qu'indicatifs et non limitatifs.

786. Leurs concours n'est pas nécessaire. Dissertation et discours des orateurs du gouvernement à cet égard.

787. Preuves tirées de la reconnaissance des parents, et arrêts. 788. La possession d'état peut-elle établir la parenté collatérale ? 789. Comment la possession d'état peut-elle être établie ?

790. Si le père ou la mère existent, la possession d'état est-elle suffisante sans la production de l'acte de célébration du mariage? 791. Controverse.— Solution en faveur de la preuve testimoniale du mariage.

792. La preuve des décès des père et mère peut aussi être faite par témoins.

793. Si les père et mère sont décédés, la possession d'état non contredite par l'acte de naissance est suffisante (Art. 897.)

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