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bit ingenuitatis causam agere, docereque se ingenuum esse. Mais si la possession est pour l'ingénuité, c'est à celui qui la conteste à prouver son allégation contraire.

Sin verò in possessione ingenuitatis sit et libertinus esse dicatur, scilicet ejus qui ei in controversiam movet hoc probare debet qui eum dicit libertum suum.

La loi 15 du même titre établit la même règle pour la filiation légitime. Cette loi prévoit le cas où les frères du défunt ont reconnu pour son héritier ab intestat un étranger, qui en était réputé fils légitime. Elle dit qu'ils peuvent revenir contre leur erreur, mais que c'est à eux à prouver que cette personne a usurpé son état.

Modestinus respondit cautione absoluti fidei commissi sta→ tum ejus qui probari potest à fratribus defuncti filius mortui non esse, maxime confirmatum esse. Sed hoc ipsum à fratribus probari debet.

M. Corberon, procureur-général du Parlement de Metz, soutenait la même doctrine dans son plaidoyer du 12 mars 1693, en s'appuyant sur les lois citées et sur l'article 3 du titre des Probations de la Coutume du Berry.

Cette doctrine doit aussi être suivie aujourd'hui; elle n'a pas été modifiée par les lois nouvelles (1).

830. Pour contester l'état de l'enfant il faut avoir en général un intérêt né et actuel.

L'art. 187 du Code civil le veut ainsi pour le cas particulier où la contestation sur l'état est subordonnée à la nullité du mariage.

Les principes généraux le veulent aussi dans les cas ordinaires. L'intérêt est la mesure des actions, a-t-on toujours dit dans le droit français. Voici comment s'exprimait M. Corberon dans le plaidoyer déjà cité :

« Il semble d'abord qu'il n'y ait que celui, qui peut disputer aux enfants la possession des biens laissés par le dé

(1) V. une dissertation sur la question dans le Répert. de Merlin, au mot Légitimité, sect. 3, in fine.

funt, qui puisse attaquer leur état et refuser de les reconnaitre pour légitimes.

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Cependant la régle la plus sûre pour connaître si celui qui conteste l'état d'un enfant y doit être admis, c'est de savoir s'il y est intéressé en quelque manière que ce soit. En effet, la question d'état n'a rien de particulier qui la distingue à cet égard des autres contestations, et qui empêche les parties intéressées de la former.

>> Aussi dans une maison illustre, entre parents qui portent le même nom, le plus éloigné peut agir en justice contre le fils de son parent, et lui disputer de porter le nom et les armes de la maison en soutenant qu'il est illégitime, quoiqu'il n'ait pas le droit de lui disputer la succession (1).

Conformément à cette doctrine un arrêt rendu le 9 mars 1735, par le Parlement de Paris, déclara la dame Dejean non-recevable quant à présent à contester, du vivant de son mari, la légitimité de deux enfants nés d'un premier mariage qu'elle prétendait avoir été contracté in extremis.

La contestation pouvait ne pas avoir d'objet réel, s'il n'existait pas d'enfant du second mariage au décès du mari. Et c'est en effet ce qui arriva.

Les principes professés par M. Corberon, et admis par l'arrêt de 1735, sont toujours en honneur. Mais nous doutons qu'on pût en faire aujourd'hui l'application à l'exemple indiqué par ce magistrat, surtout d'après la modification que la loi du 28 avril 1832 a apportée à l'art. 259 de l'ancien Code pénal de 1810.

831. Cependant un arrêt de la Cour d'Aix, du 18 avril 1817, a admis un parent collatéral à contester l'état d'enfant légitime réclamé par un sieur Tristan-Ruffi, quoique celui-ci eût déclaré renoncer à la succession de son père et eût ainsi fait disparaître l'intérêt né et actuel qu'avait le défendeur, légataire universel du père et son parent éloigné.

(2) V. Merlin, loco citato, sect. 4, § 1.

Les motifs de l'arrêt sont « que la renonciation faite par Tristan-Ruffi n'était pas suffisante pour désintéresser le sieur d'Eyroux; que la nécessité de l'intérêt actuel n'est exigée de la part des collatéraux que pour le cas d'une demande en nullité d'un mariage dont l'existence est reconnue et non pas au cas où, comme dans la cause, l'existence du mariage est le sujet de la contestation. »

L'arrêt décide au fond qu'il est démontré, par les présomptions les plus fortes et les plus décisives, qu'il n'y avait pas eu de mariage.

Le pourvoi en cassation contre l'arrêt fut rejeté sur le motif << qu'il ne s'agissait point dans l'espèce d'une nullité de mariage contracté en contravention aux dispositions du Code civil, puisqu'il n'existait point d'acte de célébration (1).»

Dans l'espèce, il n'existait pas d'acte de mariage. Le sieur Ruffi, pour se procurer l'état d'enfant légitime, avait fait déclarer par le tribunal de Forcalquier, sur requête et sans contradicteur, que ses père et mère, morts depuis longtemps, avaient été mariés. Le tribunal avait ordonné que le jugement serait transcrit dans les registres de l'État civil, pour tenir lieu de l'acte de célébration.

L'instance était engagée sur la tierce opposition au jugement, avant que le sieur Tristan-Ruffi renonçât à la succession du père.

Comme représentant celui-ci à titre de legataire universel, le sieur Eyroux pouvait avoir intérêt à ce qu'on ne changeât pas l'état d'homme libre dont était mort en possession celui qu'il représentait, et à ce qu'on ne lui attribuat pas l'état d'homme marié.

D'ailleurs, il y avait une décision judiciaire qu'il pouvait être utile au représentant du défunt de faire réformer.

Si Tristan-Ruffi, sans provoquer un jugement de rectifiration, s'était borné à prendre la qualité de fils légitime da

(1) V. cet arrêt dans le journal de Sirey, t. 19. 1. 438; et dans celui de Dalloz. t. 17. 1. 466.

père qu'il désignait, peut-être le légataire n'aurait-il pas réussi à l'en empêcher.

Au reste, dans ces sortes de causes, les arrêts dépendent des circonstances.

Néanmoins, on doit leur appliquer, comme à toute espèce de contestation, le principe qu'un intérêt réel doit en être la mesure.

832. Les ascendants auraient un intérêt réel à contester la réclamation de celui qui voudrait se faire considérer comme descendant d'eux. Car la loi établit entre les ascendants et les descendants, des rapports de droits, de devoirs, d'obligations, d'honneur même, qui ne permettent pas d'admettre indifféremment dans sa famille, avec un titre aussi rapproché, tout individu qui chercherait à y prendre place. (V. notamment les articles 148, 150, 151, 205 et 207 du Code civil.)

Les mêmes motifs autoriseraient des descendants à repousser ceux qui voudraient prendre le titre de leurs ascendants.

833. Les collatéraux ne devraient, en général, être reçus à contester qu'autant que leurs intérêts pourraient être compromis; si, par exemple, à l'ouverture d'une succession, ils étaient exposés à en être exclus entièrement, ou à en être privés en partie par celui qui usurperait un état auquel il n'aurait aucun droit.

834. Des donataires du défunt, des légataires, toutes personnes enfin, pourraient écarter l'usurpateur d'un état qui nuirait à leurs intérêts (1).

835. Une conséquence naturelle de cette doctrine, c'est que les décisions intervenues sur les questions d'état ne peuvent pas être opposées à ceux qui n'y ont pas été parties, sauf cependant le cas où elles auraient été rendues avec le père qui, comme nous l'avons déjà fait observer, est le

(1) Proudhon, de l'Etat des personnes, t. 2, p. 75 et suiv.

TOME II.

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contradicteur légitimé de la filiation qu'on lui attribue. En principe général, pour que l'autorité de la chosé jugée ait lieu, il faut que la demande soit entre les mêmes parties. (Code civil, art. 1351.)

On peut opposer que l'état est indivisible, et que l'enfant, par exemple, qu'un jugement aurait déclaré illégitime, ne pourrait pas sans une contradiction choquante être déclaré légitime par un autre jugement rendu avec d'autres personnes; qu'il y aurait une espèce de monstruosité à ce qu'il fût illégitime pour les uns, légitimé pour les autres.

On répondrait que cette contradiction est l'effet nécessaire de l'incertitude des choses humaines. La jurisprudence offre plusieurs exemples de cas analogues. Ainsi, en matière de succession, celui qu'un jugement par défaut mais qui a acquis l'autorité de la chose jugée, à déclaré héritier, ne peut échapper à ce titre à l'égard du créancier qui l'a fait condamner comme tel. Mais il a le droit de faire juger de nouveau la question avec d'autres créanciers, et d'éviter à l'égard de ceux-ci le danger de cette qualité souvent onéreuse. Telle était l'ancienne jurisprudence, telle est encore la nouvelle.

De même, le successible qui, plaidant sur sa qualité 'd'héritier avec plusieurs personnes dans la même instance, et condamné à l'égard de tous, interjette un appel vicié par quelque irrégularité relativement à certains de ses adversaires, mais régulier et valable respectivement aux autres, ce successible, ne pouvant faire réformer le jugement quant aux premiers, restera héritier dans leur intérêt; mais il pourra faire dire qu'il ne l'est pas pour les séconds.

Il serait aussi injuste que cruel de considérer comme indélébile à l'égard de la société entière, la tache d'illegitimité imprimée sur un enfant réellement légitimé, et qui aurait été la victime ou d'un vice de forme de procédure, ou de l'ignorance de certains actes découverts depuis, ou peutêtre même d'une erreur judiciaire.

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