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Cependant on peut dire que l'enfant que l'on suppose ainsi né d'une autre personne que sa vraie mère, est privé de son état primitif qu'on lui fait perdre pour lui en donner un

nouveau.

Sous ce rapport le crime pourrait être assimilé à la suppression d'état.

Mais comme le fait a moins pour but de priver l'enfant de son état que de lui en donner un plus avantageux, on n'assimile pas ce crime à une suppression d'état proprement dite; on le qualifie de supposition de part ou d'enfant. Néanmoins cette supposition de part ne peut être poursuivie criminellement par le ministère public, tant que les parties intéressées à faire déclarer que cet enfant leur est étranger ne l'ont pas fait juger par les tribunaux civils. C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation par un arrêt de rejet du 21 août 1812 (1).

845. Nous nous sommes occupés, dans ce paragraphe, principalement des questions d'état qui résultaient d'un délit, et de la compétence des tribunaux civils comme étant chargés par la loi de prononcer définitivement sur ces questions avant que l'action criminelle pût commencer.

Mais quels sont les tribunaux civils devant lesquels ces questions, et en général toutes celles en réclamation ou en contestation d'état devront être portées?

Cela dépend de la manière dont la question sera soulevée. Si une action directe est intentée soit par l'enfant pour réclamer son état dont il ne jouit pas, soit par un adversaire de l'enfant pour lui contester un état dont il est en possession, le demandeur devra suivre le tribunal du domicile du défendeur (art. 59 du Code de procédure).

Si la question est soulevée à l'occasion d'une succession, notamment à cause du partage de cette succession, l'action devra être intentée devant le tribunal civil dans le ressort duquel la succession s'est ouverte (même article).

(1) Sirey, 17. 1. 60.

Mais si la question naît incidemment, dans une instance déjà pendante devant un tribunal qui ne soit aucun de ceux que nous venons d'indiquer, c'est par ce tribunal qu'elle devra être instruite et jugée. Car les incidents sont de la compétence du juge saisi de l'action principale.

CHAPITRE III.

De la reconnaissance d'un enfant naturel et de l'adoption pendant le mariage.

SOMMAIRE.

846. De la reconnaissance d'un enfant naturel et de l'adoption pendant le mariage. Division.

846. Le mariage établit entre les époux des devoirs, des droits qui seraient nécessairement méconnus et froissés, si l'un d'eux pouvait introduire dans leur société des étrangers à l'autre époux, et se créer de nouveaux rapports, contracter de nouvelles obligations qui n'auraient pas été prévues au moment où les époux se sont unis.

De là les prohibitions relatives à la reconnaissance d'un enfant naturel et à l'adoption par l'un des époux pendant le mariage.

Ces prohibitions, leurs exceptions, les effets qui résultent des reconnaissances ou des adoptions, seront l'objet des deux sections de ce chapitre : l'une consacrée aux enfants naturels, l'autre à l'adoption.

Section Ire.

De la reconnaissance des enfants naturels pendant le mariage.

SOMMAIRE,

847. Quel peut être l'effet de la reconnaissance d'un enfant naturel pendant le mariage, C. civ. art. 337 ?

-848. Elle ne peut nuire aux enfants nés du mariage.

849. Ni à l'autre époux pour les dispositions irrévocables et antérieu

res.

850. Quid pour les dispositions révocables?-Controverse.

851. Quid si la succession était déférée à l'autre époux à défaut de parents?

852. La reconnaissance forcée par des poursuites judiciaires peut-elle avoir lieu pendant le mariage?

853. Pour la recherche de paternité, résultant d'un enlèvement, mariage n'est pas un obstacle. 854, Sur la recherche de maternité.

Controverse.

mise en principe malgré le mariage.

855. Ses effets.

le

Elle est ad

856. La reconnaissance peut avoir lieu après la dissolution du mariage, même pour l'enfant naturel né antérieurement au mariage. 857. La reconnaissance pendant le mariage peut être faite par la femme sans autorisation.

858. Elle peut aussi être faite par un mineur non autorisé.

859. Les enfants reconnus ont droit, même pendant le mariage, å des aliments.

860. La reconnaissance, qui n'a pas de date certaine avant le `mariage, ne nuit pas aux enfants qui en sont nés ni à l'autre époux. 861. Quid de la reconnaissance faite pendant le mariage d'un enfant commun né antérieurement?

862. Quid si elle était faite par l'un d'eux seulement?

863. La reconnaissance pendant le mariage 'nuit-elle aux enfants d'un mariage antérieur?

864. L'enfant reconnu pendant le mariage peut-il recevoir, comme un étranger, un don de son père?

865. Rapports et devoirs réciproques résultant de toute reconnais

sance.

866. Toute reconnaissance peut être attaquée par ceux qui y auraient intérêt, art. 339.

867. Celle faite par le père seul ne vaut qu'à son égard, art. 336. 868. Du désaveu élevé par l'enfant reconnu.

869. De la contestation élevée par des tiers.

847. L'un des époux peut avoir eu avant le mariage un enfant naturel né d'un autre que de son époux, et qu'il n'au

Art, 337,

rait pas reconnu par acte authentique, comme le veut l'article 334 du Code civil.

Un enfant naturel peut aussi être né de la cohabitation de deux personnes qui se sont depuis unies en mariage, mais qui n'ayant pas reconnu cet enfant avant leur mariage ne l'ont pas légitimé.

Ces enfants pourront-ils être reconnus pendant le mariage, et quels droits cette reconnaissance leur attribuerat-elle ?

On conçoit qu'il ne peut être question des enfants naturels qui seraient nés pendant le mariage. Car ils seraient adultérins, et la loi ne permet pas de les reconnaître. (Code civil, art. 335.)

848. Quant à ceux dont la naissance est antérieure, s'ils sont nés d'un époux, la reconnaissance qui en serait faite ne pourrait nuire ni à l'autre époux ni aux enfants nés du mariage.

C'est ce que déclare l'art. 337 du Code civil.

<< La reconnaissance faite pendant le mariage par l'un des époux, au profit d'un enfant naturel qu'il aurait eu, avant son mariage, d'un autre que de son époux, ne pourra nuire ni à celui-ci, ni aux enfants nés de ce mariage.

Néanmoins elle produira son effet après la dissolution de ce mariage, s'il n'en reste pas d'enfants (1). »

(1) Toutes les dispositions du Code Napoléon sur la reconnaissance des enfants naturels, contenues dans les articles 334 et suivants, jusques et compris l'art. 342, ont été admises dans le Code des Deux-Siciles par les art. 257 et suivants, jusques et compris l'art. 265.

Ces dispositions sont aussi toutes admises dans le Code Sarde par les art. 180 et suivants jusques et compris l'art. 187.

Mais les Codes Sarde et Sicilien y ont ajouté la prohibition de la reconnaissance ou la recherche de maternité à l'égard des personnes engagées dans les ordres sacrés ou dans une profession religieuse (articles 182 et 187 du Code Sarde, 258 et 265 du Code Sicilien).

Le Code de la Louisiane permet la recherche de paternité en faveur des enfants libres et blancs; il la permet aussi en faveur des enfants de couleur à l'égard d'un père également homme de couleur

Cette disposition est sage; elle était nécessaire pour honorer le mariage, pour le protéger, pour prévenir des déceptions qui blesseraient les affections de l'autre époux et qui pourraient nuire à ses intérêts et à ceux des enfants légitimes. Voici comment l'orateur du Gouvernement développe les motifs de cette partie de la loi :

<< Il est un cas dans lequel un enfant naturel ne pourrait se prévaloir de la reconnaissance du père; c'est celui où elle aurait été donnée par l'un des époux au profit d'un enfant naturel qu'il aurait eu avant son mariage d'un autre que son époux. Une pareille reconnaissance ne pourra nuire

(art. 226). L'art. 227 règle le mode de la preuve. Elle n'est pas admise s'il y a adultère ou inceste (art. 224 225 ).

La recherche de maternité est aussi admise excepté contre une femme mariée.

La paternité et la maternité peuvent être contestées par ceux qui y ont intérêt (art. 337).

L'enfant naturel n'a pas les droits d'un enfant légitime (art. 338). Dans le canton de Vaud, l'action en paternité peut être formée par la niére de l'enfant, mais non contre un étranger ou de la part d'une étrangère.Si les lois du pays étranger ne l'admettent pas, l'action se prescrit par trois mois à compter de la naissance de l'enfant (Code de Vaud, art. 187, 195, 197). D'autres articles indiquent le mode de l'action et les preuves.

Le Code Hollandais exige aussi une reconnaissance authentique. Il autorise la reconnaissance de la part des mineurs qui ont dix-neuf ans accomplis (art. 337). Celle du père ne peut être faite du vivant de la mère sans son consentement (art. 339). Ce Code adopte d'ailleurs les règles des articles 335, 337, 339, 341, 342 du Code Napoléon.

Le Code Autrichien autorise la recherche de la paternité et celle de la maternité (Code civil Autrichien, art. 163 et Code de procédure, articles 114 à 218).

Le Code Prussien, dans l'art. 618, permet la recherche de la paternité et celle de la maternité.

L'action en paternité est admise dans le canton de Berne; la mère doit porter plainte dans les trois mois de la naissance de l'enfant (articles 182 à 184 du Code).

L'action en paternité est aussi permise dans le canton de Fribourg. Mais elle n'est pas admise contre un étranger ou de la part d'une étrangère, si les lois de leur pays s'y refusent (Code de Fribourg, articles 219 et suivants, 225, 226).

TOME 11.

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