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faire l'aveu de sa maternité. Elle ne fait pas un contrat; elle déclare un fait; l'article 225 ne s'applique pas. (Voir aussi l'article 217.)

Il serait même peu moral d'exiger la présence du mari à un acte semblable. Ce serait souvent rendre impossible une reconnaissance qui est facultative, sauf les conséquenees (1).

858. Des raisons semblables doivent faire considérer comme valable la reconnaissance faite par un mineur. C'est aussi un fait qu'il avoue non une obligation qu'il contracte. S'il résulte de ce fait des conséquences qui lui imposent des devoirs envers l'enfant, ces devoirs dérivent du fait et non de la reconnaissance; ils n'en existeraient pas moins moralement, quoique le fait ne fût pas connu. Seulement, la ́vérité n'étant pas manifestée, la loi n'aurait pas d'empire. La déclaration d'un père mineur ne fait que rendre à la nature des droits dont la loi autorise ensuite l'exercice. Une telle déclaration ne peut être rétractée, parce que la vérité une fois reconnue ne peut être détruite. Le mineur ne peut pas davantage être restitué contre les engagements qui en résultent pour lui, parce qu'il n'a pas été trompé, parce que ́ses droits n'ont pas été lésés, parce qu'il n'y a rien d'injuste dans ses engagements, parce qu'ils sont, au contraire, le résultat d'une action illicite, et la juste indemnité due au fruit innocent de cette action. Aussi plusieurs arrêts ont-ils déclaré valable la reconnaissance d'un enfant naturel faite par un mineur. C'est ce qu'ont jugé, notamment un arrêt de la Cour de Bruxelles, du 4 février 1811, et un arrêt de la Cour de cassation, du 22 juin 1813, qui rejette le pourvoi contre le précédent.

Un arrêt de la Cour de Douai, du 23 janvier 1819, a

(1) Toullier, t. 2, n° 960; Proudhon, 2, p. 102; Duranton, t. 3, n° 257.

aussi confirmé une reconnaissance faite par un père soumis à un conseil judiciaire (1).

La recherche de paternité ou de maternité pourrait par les mêmes raisons être faite contre un père ou une mère mineurs.

859. Quoique reconnu seulement pendant le mariage, l'enfant naturel, né antérieurement d'un seul des époux, a droit à des aliments. L'article 337 ne le prive que des droits successifs. La Cour de cassation l'a jugé ainsi en rejetant le pourvoi formé contre une décision de la Cour de Toulouse. L'arrêt est du 27 août 1811.

Cette sage décision n'a rien de contraire à la lettre ni à l'esprit de l'article 337; elle concilie les lois de la nature et de l'humanité avec le droit civil. Elle doit, il semble, former jurisprudence.

La Cour d'Agen l'a adoptée par un arrêt du 13 mars 1817 en condamnant des enfants légitimes qui étaient en possession de toute la succession de leur père à payer une pension alimentaire à leur frère naturel, quoiqu'il n'eût été reconnu que pendant le mariage et que le père lui eût fait apprendre un état, qui ne suffisait pas, il est vrai, à la nourriture et à l'entretien de sa famille.

Par arrêt du 12 mars 1810, la Cour de Rennes a accordé des aliments à un enfant qui n'avait d'autre titre qu'un jugement en déclaration de maternité.

Antérieurement, et par arrêt du 13 juin 1809, la Cour de Paris avait aussi admis la demande en aliment d'un enfant reconnu pendant le mariage avant l'émission du Code civil (2).

On sait que la loi du 12 brumaire an 2, renvoyait au

(1) Sirey, t. 11. 2. 199; 13. 1. 281; 2. 102; et Denevers, 9. 2. 84; 1. 360:20. 2. 183.

(2) V. ces divers arrêts dans le Journal de Sirey, t. 10. 2. 255; 12. f, 13; et 2, 356; 17, 2. 281 ; et dans le Journal de Denevers, 8. 2. 101; 9. 1. 85; 15. 2. 58.

;

Code civil la fixation de l'état et des droits des enfants naturels dont les père et mère existeraient lors de sa promulgation; en sorte que ce dernier arrêt juge la question sous l'influence de l'article 337 du Code (1).

860. La filiation naturelle devait être prouvée, suivant la loi du 12 brunaire an 2, par la possession d'état, qui ne pouvait résulter que de la représentation d'écrits publics ou privés du père ou de la suite des soins donnés, à titre de paternité et sans interruption, tant à l'entretien qu'à l'éducation de l'enfant.

Cette disposition s'appliquait aussi à la mère. (Voir l'article 8 de cette loi.)

Cependant, malgré un acte de reconnaissance sous seingprivé portant une date antérieure à la loi du 12 brumaire an 2, et quoique ce mode de reconnaissance fût autorisé même avant cette loi qui, d'ailleurs, en consacrait la validité, il a été jugé par la Cour de cassation qu'une telle reconnaissance n'ayant acquis de date certaine que postérieurement au mariage contracté par le père, sous le Code civil, ne pouvait être opposée par l'enfant naturel aux enfants issus du mariage. L'arrêt est du 22 mai 1822; il rejette un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour de Pau (2).

Cet arrêt a fait une application exacte mais rigoureuse de l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2.

861. L'article 337 ne s'explique pas sur la reconnaissance que feraient les époux d'un enfant né de l'un et l'autre avant le mariage. De son silence on deit conclure qu'une telle reconnaissance doit produire les effets ordinaires. C'està-dire que l'enfant reconnu ne sera pas légitime puisque la reconnaissance n'aura pas précédé le mariage; mais qu'il

(1) L'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2 est ainsi conçu:

« A l'égard des enfants nés hors du mariage dont les père et mère seront encore existants lors de la promulgation du Code civil, leur élat et leurs droits seront en tous points réglés par les dispositions du Code. » (2) Sirey, 23. 1. 37; Denev., 20. 1. 461.

jouira de tous les droits attribués par la loi aux enfants naturels.

862. Mais quel sera l'effet de cette reconnaissance si elle n'est faite que par l'un des époux ?

Si elle émane de la mère seule quelle, que soit la déclaration de paternité qu'elle contienne, elle ne pourra valoir contre le père, ni autoriser la recherche de paternité. (C. civ., art. 340.)

Le père devra donc être considéré comme inconnu; et par conséquent l'art. 337 sera applicable à cette reconnaissance isolée. Elle ne pourra nuire ni au mari ni aux enfants nés du mariage.

Si c'est le père seul qui reconnait l'enfant, le silence de la mère rendra, par les mêmes motifs, la reconnaissance sans effet à son égard comme à celui des enfants légitimes nés du mariage.

Mais comme la recherche de la maternité est permise, l'enfant pourra exercer cette action s'il a un commencement de preuve par écrit, et le succès de sa demande lui attribuera la qualité et tous les droits d'enfant naturel, non-seulement à l'égard de la mère mais encore à l'égard des enfants légitimes.

Remarquons que l'acte de naissance de l'enfant ne pourrait lui servir de commencement de preuve par écrit, si la mère n'y avait pas concouru. On ne pourrait opposer à celleci une déclaration qui ne serait pas son ouvrage et à laquelle elle serait restée entièrement étrangère, quelque digne de confiance qu'elle parût être (1).

L'art. 337 n'annule les effets de la reconnaissance volontaire faite pendant le mariage qu'en faveur de celui des époux qui n'a pas reconnu et des enfants nés du mariage, Les termes restrictifs de la disposition ne permettraient pas ni aux enfants légitimes nés d'un autre mariage anté

(1) Arrêt de cassa! du 28 mai 1810; Sirey, 10. 1. 193.

rieur ou postérieur, ni aux autres parents ascendants ou collatéraux de celui qui a reconnu, de demander la nullité des effets de cette reconnaissance, ni d'en profiter.

Si donc les enfants nés du mariage renoncent à la succession du père, l'enfant naturel, quoique reconnu pendant ce mariage, y prendra part soit avec ses autres frères ou sœurs nés d'un autre mariage, soit avec les autres parents, ascen– dants ou collatéraux.

Par une seconde conséquence de ces principes, lorsqu'il y a des enfants légitimes de plusieurs mariages, l'enfant naturel devra obtenir une portion du patrimoine du père ou de la mère qui l'a reconnu, au préjudice de ceux de ses frères ou sœurs légitimes qui ne sont pas nés du mariage pendant lequel la reconnaissance aurait eu lieu. Si, par exemple, il y avait deux enfants légitimes et un enfant naturel qui aurait été reconnu pendant le second mariage l'existence de cet enfant naturel ne devrait pas être considérée à l'égard de l'enfant du second mariage pour le partage des biens; mais elle devrait l'être relativement à l'enfant né du premier mariage; en sorte que l'un des enfants légitimes recueillerait la moitié complète de l'hérédité paternelle; mais l'autre enfant auquel la reconnaissance pourrait être opposée, devrait délaisser une portion de la seconde moitié à son frère naturel. Cette portion serait de 119me de cette moitié ou d'1118me de la totalité.

En effet, si la reconnaissance était valable à l'égard des deux frères légitimes, l'enfant naturel aurait eu droit, en sup posant la succession ouverte ab intestat, à un tiers de sa portion héréditaire, c'est-à-dire à 119me; ce 9me aurait été pris, en proportion égale, sur la moitié de chacun des deux frères légitimes qui y auraient, par conséquent, contribué chacun pour 1118me. Mais l'enfant naturel n'étant pas légalement reconnu à l'égard de l'un des frères, ne doit rien obtenir aux dépens de celui-ci. Il est donc réduit à 1118me des biens paternels au lieu de 179me (C. civ., art. 757).

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