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l'assemblée nationale, le 18 janvier 1792. La disposition est ainsi conçue:

« L'assemblée nationale décrète que son comité de lé>> gislation comprendra dans son plan général des lois ci» viles, celles relatives à l'adoption. »

Par un second décret, du 25 janvier 1793, la convention nationale déclara adopter la fille de Michel Lepelletier, et chargea son comité de législation de lui présenter incessamment un rapport sur les lois d'adoption.

Fidèles à cette prescription, tous les projets de Code qui ont paru depuis s'en sont occupés, à l'exception cependant du dernier projet qui ne parle pas de l'adoption, parce que la commission n'avait pas pensé qu'elle dût être admise en France. La Cour de cassation et celles de Paris et de Bourges firent remarquer cette omission et demandèrent que cette institution bienfaisante fût introduite dans la loi nouvelle. La Cour de cassation rédigea même un chapitre sur cette matière.

La Section de législation se rendit à ces avis et présenta un projet sur l'adoption.

Une loi transitoire, du 15 avril 1803, a déclaré valables toutes les adoptions faites depuis le décret du 8 janvier 1792 jusqu'à la publication du Code civil.

Cette loi maintient dans tous leurs effets les règlements qui auraient eu lieu, par actes authentiques entre-vifs, par jugement ou par testament, pour les droits des adoptés, et elle renvoie aux dispositions du Code civil la fixation des droits qui n'auraient pas encore été réglés.

875. La discussion de la loi générale sur l'adoption fit naître au Conseil d'Etat de longues dissertations.

L'admission du principe ne fut jamais contestée. Mais où éleva des difficultés secondaires.

Un premier système n'autorisait l'adoption qu'à l'égard des mineurs, et l'on avait proposé de défendre au tuteur d'adopter son pupille tant que la tutelle durerait.

Le système et la proposition furent abandonnés par la résolution arrêtée de ne permettre d'adopter que des majeurs (1).

Ce fut surtout sur la capacité des adoptants que les discussions se prolongèrent.

On voulait refuser la faculté d'adopter, 1o aux célibatai– res; 2o à ceux qui n'auraient pas vécu dix ans dans le mariage.

La première proposition avait été dictée par le désir de rapprocher l'adoption de la nature, par la haine du concubinage et par la faveur due au mariage.

On disait sur la première incapacité que l'adoption est une paternité fictive; que la fiction doit se rapprocher le plus possible de la réalité ; que celui qui n'est pas marié ne peut prétendre à une paternité légitime; et qu'on ne doit pas lui en accorder l'image ou le supplément.

On ajoutait qu'il ne faut pas mettre l'adoption en opposition avec l'union conjugale; qu'autrement on détruirait l'esprit de famille, on faciliterait les désordres, on encouragerait à préférer les unions illégitimes à l'union légale.

Mais il était répondu sur le premier motif que l'adoption n'était dans toutes ses parties qu'une fiction, et que la loi est libre de donner l'étendue qu'il lui plait aux fictions qu'elle établit ;

Qu'admettre que, la fiction ne pouvant aller plus loin que la vérité, un célibataire ne peut avoir des enfants adoptifs, ce serait aussi interdire cette consolation à toute personne qui aurait eu le malheur de perdre son épouse;

Qu'il est plus sage et plus juste de réduire l'adoption à ce qu'elle doit être, c'est-à-dire à suppléer la nature; qu'elle doit avoir cet avantage pour le célibataire comme pour

(1) Les Codes des autres peuples autorisent l'adoption des mineurs avec le consentement des père et mère ou de l'avis du Conseil de famille. Le Code sarde (art. 192) exige que le mineur ait accompli sa 18e année, ainsi que le Code sicilien, art. 270.

l'homme marié ; qu'il serait bizarre de refuser ce droit à un garçon âgé de 60 ans et de l'accorder à un jeune homme de 20 ans devenu veuf depuis un an;

Qu'il serait injuste de frapper d'une sorte d'interdiction des hommes que des circonstances malheureuses, la faiblesse de leur santé, la nature de leurs affaires, souvent même leur bienfaisance envers leurs proches parents, peuvent avoir éloignés du mariage.

Sur le second motif, on faisait observer que la considération attachée au mariage lui ferait toujours donner la préférence;

Que les attraits d'une union légale, les douceurs de la paternité légitime, le bonheur de se voir revivre dans l'enfant de son sang, l'emporteront toujours dans l'esprit et dans le cœur du plus grand nombre sur l'isolement et le triste calme du célibat.

Les opinions opposées se rallièrent à une disposition empruntée du Code prussien, qui ne permet d'adopter qu'à l'âge de cinquante ans.

Quant à la proposition de n'autoriser l'adoption par des personnes mariées qu'après dix ans de mariage, elle avait d'abord été admise; mais un examen plus approfondi en fit reconnaître l'inconvénient surtout à l'égard des personnes qui se seraient mariées dans un âge avancé.

L'âge exigé pour l'adoptant et la précaution de ne pas permetre à un époux d'adopter sans le consentement de l'autre, parurent suffisants pour prévenir l'inconvénient de la survenance d'enfants, parce que le consentement sera sans doute refusé tant qu'il restera quelque espoir d'avoir des enfants naturels (1).

(1) V. l'Esprit du Code civil sur le titre de l'Adoption. V. aussi les procès-verbaux du Conseil d'Etat du 6 frimaire an 10, da 16 du même mois et du 5 ventôse an 11, Jans la Législation civ. sar le titre de l'Adoption, commentaire †, nos 2., 21, 23, 24, 25, 31, 32; commentaire 2, Do 12; commentaire 3, n's 9, 10, 13, 14; commentaire 9, no 2, 3, 6, 7 et 8.

Art, 343.

876. En conséquence il fut arrêté que l'adoption serait permise à toute personne célibataire ou mariée, de l'un ou de l'autre sexe (1).

Mais l'exercice du droit fut subordonné aux diverses conditions que contient le titre 8.

Relativement aux personnes mariées, la faculté d'adopter est réglée par la disposition générale de l'article 343, et par les dispositions particulières des articles 344, 345, 366, combinés avec l'article 346 qui désigne ceux qu'on peut adop

ter.

Examinons successivement ces diverses dispositions.

« L'adoption n'est permise qu'aux personnes de l'un ou de l'autre sexe, âgées de plus de cinquante ans, qui n'auront à l'époque de l'adoption ni enfants ni descendants légitimes, et qui auront au moins quinze ans de plus que les individus qu'elles se proposent d'adopter. »

Le droit romain permettait l'adoption à celui qui avait des enfants légitimes.

(1) L'adoption est permise par beaucoup de législations en Europe, mais seulement quand on n'a pas de descendants légitimes.

Le Code bavarois interdit l'adoption aux femmes. Cette prohibition est empruntée de l'ancien droit romain, réformé sur ce point par une constitution des empereurs Divoclėtien et Maximien. L. 5, Cod. de adopt.

L'adoptant doit avoir au moins 60 ans, ou en cas de dispense au moins 18 ans, et il faut qu'il n'ait pas d'enfant. (Code bavarois, art. 10 et 11.) On ne peut adopter un enfant naturel quand on peut le légitimer. Le Code sicilien a admis dans ses art. 266, 267, 271 à 276 les règles des art. 343, 344, 347 à 352 du Code français; mais l'adoptant doit avoir 50 ans.

Le Code sarde dans l'art. 188 est conforme à l'art. 343 du Code fran. çais; mais il veut que l'adoptant ait 18 ans de plus que l'adopté. Il ne permet pas d'adopter son enfant naturel ni plus d'un enfant, si ce n'est par le même acte.

Le Code autrichien exige aussi dans l'adoptant 50 ans, et 18 ans de plus que l'adopté, et qu'il n'ait pas fait vœu de célibat (art. 179 à 182).

Le Code prussien exige les mêmes conditions dans l'adoptaut et qu'il soit plus âgé que l'adopté. Le souverain peut donner des dispenses d'âge à l'adoptant si par sa constitution il n'est pas apte à procréer des enfants (art. 668, 669, 670, 671 du Code prussien).

La disposition du droit français est plus sage. Quand on a des enfants avoués par la loi, on n'a pas besoin de chercher dans l'adoption les douceurs de la paternité.

Quant à la différence des âges elle est fondée 1o sur ce qu'en général l'adoption ne peut être considérée que comme une espèce d'imitation de la nature, et qu'il semble que c'est mieux soutenir une illusion qui peut faire le bonheur des individus qui s'attachent par ce lien ;

» 2° Sur ce que l'adoptant devant diriger la conduite de l'adopté par ses conseils, il est dans l'ordre que le premier ait sur le second une supériorité d'âge toujours propre à attirer les égards et le respect (1).

>> Sans cette condition, la protection légale qui doit résulter de l'adoption perdrait toute sa dignité (2). »

Dans le droit romain, l'adoptant devait avoir au moins dix-sept ans de plus que l'adopté (L. 40, § 1, ff. de adopt.) Ainsi trois conditions principales sont d'abord nécessaires à toute personne qui veut exercer le droit d'adoption.

Il faut, 1° qu'elle soit âgée de plus de cinquante ans, c'est-à-dire qu'elle ait, au moins, cinquante ans accomplis ; 2o Qu'à l'époque de l'adoption, elle n'ait ni enfants ni descendants légitimes;

3o Qu'elle ait au moins quinze ans de plus que l'individu qu'elle se propose d'adopter.

877. Une autre condition générale résultant de la nature de l'adoption est la nécessité que l'adoptant jouisse des droits civils en France.

L'adoption n'est pas un acte du droit des gens. On ne peut la comparer à une vente, à une donation, à un contrat ordinaire, qui sont permis chez tous les peuples en général, aux étrangers comme aux citoyens.

(1) V. les observations du Tribunal, Législ. civ. de Locre, commentaire &, 1:0 2.

(2) Exposé des motifs de la loi.

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