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d'un titre valablement souscrit par le débiteur ou régulièrement obtenu contre lui; qu'il n'est donc pas nécessaire, quand elle est dirigée contre une femme, que celle-ci soit autorisée par son mari.

« Qu'aux temres de l'article 2208 du Code civil, il suffit, dans ce cas, que l'expropriation soit poursuivie contre le mari et la femme. »

Ces considérants, sauf le dernier, peuvent paraître hasardés. Une saisie immobilière est réellement une instance judiciaire. Les adjudications préparatoire et définitive sont de vrais jugements. Cela est si vrai que souvent des încidents s'élèvent dans le cours de la saisie; que des décisions sont nécessaires pour les applanir, et que la femme dont les biens sont saisis y est nécessairement partie.

Comment, d'ailleurs, ne pas attribuer le caractère de jugement à des actes judiciaires qui, comme les adjudications préparatoires et définitives, dépouillent la femme de sa propriété?

La Cour de cassation en rejetant le pourvoi a été plus réservée dans ses motifs. Elle s'est restreinte aux dispositions de l'art. 2208 dont les termes paraissent avoir nodifié, pour ce cas, la règle écrite dans l'art. 215, et suivant lequel « l'expropriation des immeubles de la femme, qui »> ne sont point entrés en communauté, se poursuit contre le >> mari et la femme, laquelle, au refus du mari de procéder » avec elle, ou si le mari est mineur, peut être autorisée en >> justice.»>

Il semble donc que l'autorisation de la justice n'est pas nécessaire si le mari est majeur et s'il n'exprime pas son refus de procéder avec la femme.

La Cour de cassation déclare qu'il résulte des termes de l'article « que pour la validité de la poursuite le créancier >> poursuivant doit faire notifier au mari et à la femme tous » les actes qui s'y rapportent; mais que le créancier, lors» qu'il s'est ainsi conformé à la loi, ne peut être responsable

» ni du défaut de comparution du mari à la poursuite ni du » défaut d'autorisation de la femme (1).

936. Si dans le cours des poursuites la femme formait une demande incidente sans le concours et la présence de son mari, l'autorisation de la justice serait nécessaire. (Arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 1828; Journal de Sirey, t. 29. 1. 210.)

L'autorisation de la justice devrait être aussi nécessaire, même sans incident, si le mari était interdit ou absent. ( Article 222 du Code. )

937. Les dispositions de l'art. 215 doivent faire décider que la femme mariée qui a comparu dans un ordre judiciaire ne peut encourir de déchéance si elle n'a pas été autorisée par son mari ou par la justice. Ainsi, à défaut d'autorisation préalable, elle ne pourra être déclarée forclose pour n'avoir pas contredit l'état de collocation provisoire dans le mois fixé par les articles 755 et 756 du Code de procédure. C'est ce qu'a jugé en thèse la Cour de cassation par un arrêt du 21 avril 1828 (2).

Cette décision est légale. Car un ordre est une instance; et l'ordonnance de forclusion, quoique rendue par un seul juge dans le cas prévu par le Code de procédure, est un vrai jugement; en sorte que la règle écrite dans l'art. 215 da du Code civil est littéralement applicable à ce cas.

938. La Cour de Toulouse est allée plus loin par un arrêt du 19 mars 1833; elle a décidé qu'une femme mariée, sommée de produire dans un ordre, devait être autorisée par son mari ou par la justice, à la demande du poursuivant de l'ordre, avant l'expiration du délai pour produire, sinon aucune déchéance ne pouvait être valablement prononcée contre elle.

(1) V. l'arrêt de la Cour de Bordeaux dans le Journal de Sírey, 1. 30. 2. 86; celui de la Cour d'Amiens dans le même Journal, 1. 39. 2. 258; celui de la Cour de cassation, même Journal, f. 39. 1. 948.

(2) Journal de Dalloz jeune, t. 28. 1. 221.

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Cette décision qu'elle a fondée sur l'art. 217 du Code civil ne paraît pas exacte.

L'art. 217 dit, il est vrai, que la femme mariée ne peut aliéner sans le concours du mari dans l'acte ou son consentement par écrit ; et l'on peut considérer jusqu'à un certain point le défaut de production de la femme et la forclusion qui en est la conséquence comme une sorte d'aliénation

Mais ici il n'y pas d'acte émané d'elle. Il y a seulement omission ou négligence de ses droits. Or, cette omission, quels qu'en soient les effets, ne peut être assimilée à un acte formel et littéral par lequel elle aurait, sans autorisation, renoncé à ses droits comme créancière.

L'art. 217 n'est pas plus applicable à ce cas qu'il ne le serait à celui d'une femme qui, sur la dénonciation qui lui aurait été faite de la vente d'un immeuble de son mari, aurait nė– gligé d'inscrire son hypothèque légale. Il y a évidemment analogie entre cette négligence et celle de produire à un ordre; l'une et l'autre entraînent la perte de la créance; pour l'une comme pour l'autre on peut dire qu'il y a abandon tacite des droits de la créancière; et cependant cet abandon ne peut être réparé, si faute d'inscription l'hypothèque légale a été purgée; pourquoi pourrait-il l'ètre dans le cas où la production à l'ordre n'a pas eu lieu? Vigilantibus non negligentibus jura subveniunt.

L'article 215 ne peut aussi être invoqué dans un tel cas. Car la femme, qui n'a pas comparu à l'ordre, n'est pas partie dans l'instance. Il n'y a pas de jugement rendu contre elle. C'est la loi qui, sans décision judiciaire, la déclare forclose. Le poursuivant ne peut être tenu de la faire autoriser en justice puisqu'elle n'est pas en cause. Il doit présu mer, d'ailleurs, qu'elle n'est pas créancière par cela seul qu'elle n'a pas comparu, et que l'inscription prise sous son nom était sans base réelle ou qu'il y a eu acquittement de la

dette.

Mais si la femme, même après la déchéance acquise contre

elle, intervenait dans l'ordre et y élevait un incident pour se faire relever de la déchéance, cet incident ne pourrait être régulièrement jugé sans qu'elle fût préalablement autorisée par son mari ou par la justice.

939. Le changement d'état d'une fille ou d'une veuve, qui se marie pendant une instance, exige qu'elle soit autorisée avant le jugement pour que ce jugement soit valable. Cette vérité est la conséquence du texe de l'art. 215 qui ne dit pas seulement que la femme mariée ne poura introduire une action ou y défendre sans autorisation, mais d'après lequel, sans cette autorisation, elle ne peut ester en jugement si elle est mariée (1).

Mais si le changement d'état de la femme n'est pas notifié à la partie avec laquelle elle plaide, cette partie n'est pas légalement présumée le connaître. Les procédures continuées comme précédemment sont régulières. Le jugement ou l'arrêt obtenu est valable, et le mari qui n'est pas intervenu dans l'instance ne peut s'en plaindre. (Arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 1812; Journal de Denevers, 13. 1. 221.) (Code de procédure, art. 345; Duranton, eod).

L'autorisation sera aussi inutile si l'affaire est en état au moment du mariage de la fille et de la veuve. (V. les art. 342 et 343 du Code de procédure.)

Cette dernière observation s'applique seulement au jugement qu'est sur le point de rendre le tribunal saisi de la cause au moment où le changement d'état survient.

Mais s'il y a appel, s'il y a pourvoi en cassation, l'autorisation du mari ou celle de la justice sont indispensables, quoique le changement d'état n'ait pas été notifié; car l'appel et le pourvoi sont deux instances nouvelles. L'appelant contre la femme et le demandeur en cassation doivent notifier l'appel ou l'arrêt d'admission au mari comme à la femme, parce qu'ils doivent s'informer s'il y a eu changement d'état et

(1) Pothier, Puissance maritale, no 55; Malleville, Analyse du Code civil, 1. 226; Vazeilles, 2. 502; Duranton, 457.

qu'il ne leur est pas permis de l'ignorer, nemo ignarus esse debet conditionis ejus cum quo contrahit (1).

940. Dans tous les cas, même lorsqu'il y a pourvoi en cassation, quoiqu'il n'y ait pas eu de changement d'état et que la femme ait procédé en première instance et en appel avec l'autorisation de son mari, une nouvelle autorisation est nécessaire pour procéder devant la Cour de cassation, parce que le pourvoi constitue une nouvelle instance. ( Arrêt de la Cour de cassation du 14 juillet 1819; D., t. 19. 1. 433.)

Mais pour la validité du pourvoi il suffit que le mari soit appelé en cause et assigné pour autoriser dans les trois mois de l'arrêt d'admission contre la femme, quoique celle-ci ait été assignée elle-même par un exploit antérieur. (Ainsi jugé par la Cour de cassation, le 5 avril 1812. L'arrêt est rapporté par Sirey, t. 13. 1. 8. )

Il y a même raison de le décider ainsi pour un appel qui serait d'abord interjeté contre la femme seule, mais qui, avant l'expiration du délai fatal, aurait été signifié au mari pour assister et autoriser sa femme.

Dans les cas ordinaires, lorsqu'il y a appel contre la femme mariée, il est toujours indispensable que le mari soit assigné devant la Cour pour l'autoriser, et que, s'il refuse l'autorisation ou s'il ne comparaît pas, elle soit obtenue de la justice.

Mais si c'est la femme qui interjette appel, elle doit être assistée ou autorisée dans l'exploit par son mari quoiqu'elle l'ait été déjà en première instance. Cette autorisation première n'est point censé donnée in omnem causam.

Il en serait de même si en première instance l'autorisation avait été donnée par le juge. Une nouvelle autorisation

(1) Arrêts de cassation des 7 octobre 1811 et 7 août 1815; Denevers, 11. 1. 481; el 17. 1. 515. 532; Duranton, ibid, no 460 ; autre arrêt de la Cour de cassation du 14 juillet 1819; Sirey, 19. 1. 407.

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