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La femme, dont les affaires ont été ainsi gérées n'a pu être autorisée pour des obligations qui sont la conséquence d'une gestion qui s'est faite à son insu, comme cela arrive ordinairement, parce qu'elle a été accidentelle. Cependant l'équité veut qu'elle remplisse les engagements qui en sont résultés, et l'art. 1375 le lui prescrit.

Tel est, par exemple, le cas où des réparations urgentes et nécessaires auraient été faites pour la conservation d'un de ses héritages.

Pothier, dans son Traité de la puissance maritale, donne aussi pour exemple le prêt fait à une femme mariée sans le consentement de son mari pour l'employer en totalité à acquitter ses propres dettes. Si l'emploi est justifié, la femme qui a réellement profité de la somme, en doit le remboursement en vertu de l'équité naturelle qui ne permet pas que personne puisse s'enrichir aux dépens d'un autre. Neninem æquum est cum alterius detrimento locupletari. L. 206, ff. de reg. jur. (1).

Il n'en serait pas ainsi pour la gestion qui serait exercée par une femme. Cette gestion, si elle n'était autorisée ni par son mari, ni par la justice, ne pourrait la soumettre à aucun engagement valable.

966. Les délits et les quasi-délits présentent d'autres cas d'exception à la règle générale sur l'autorisation des femmes mariées.

Les femmes mariées sont, comme toute autre personne, responsables du dommage qu'elles causent non-seulement par leur fait mais encore par leur imprudence ou par leur négligence; mais leurs maris ne peuvent en être eux-mêmes responsables, et les condamnations pécuniaires qui sont prononcées contre elles à raison des délits et quasi-délits qu'elles commettent, ne peuvent être exécutées pendant le mariage sur les biens dont le mari a l'administration et la jouissance.'

(1) Pothier, de la Puissance maritale, sect. 3, § 2.

967. Il est des actes qui, par leur nature, ne peuvent être l'ouvrage que d'une volonté entièrement indépendante. Il est aussi des actes qui ne doivent être connus que de leur auteur. Tels sont les testaments. Il faut les interdire à la femme ou lui laisser son secret; lui défendre de tester ou n'interposer personne entre les mouvements soit de sa bienveillance soit de sa justice, et ceux qui en sont l'objet ; sans ces conditions il n'y pas de dernière volonté libre, et la faculté de disposer par testament devient aussi dangereuse qu'abusive.» (Esprit du Code civil par Locré.)

Ces considérations ont dicté l'art. 226 du Code civil:

« La femme peut tester sans l'autorisation de son mari.» Art. 226. Cette disposition est l'expression des lois romaines et de l'ancien droit commun en France. Presque toutes les Coutumes n'exigeaient l'autorisation que pour les donations entre-vifs, ce qui était en dispenser par les dons testamentaires. (V. aussi la loi 32, princip, ff. de hæred instituend.)

968. Cependant quelques coutumes exigeaient cette autorisation pour la validité du testament de la femme mariée. C'était fausser la faculté et altérer la définition de cet acte respectable de dernière volonté. Testamentum est justa voluntatis sententia de eo quod quis post mortem suam fieri velit. Inst. de testam.

Un testament fait sous l'autorisation du mari exprimerait plus souvent moins la volonté de la testatrice que celle du mari lui-même.

Une telle exigence prolongerait en quelque sorte la puissance maritale au delà de son ferme naturel et légal, parce que le testament n'a d'effet qu'à la mort de la testatrice, c'est-à-dire lorsque la dissolution du mariage a fait évanouir la puissance du mari.

Mais quel serait aujourd'hui la valeur d'un testament fait, sans autorisation sous ces coutumes avant le Code civil, une femme décédée seulement depuis ?

par

Ce testament serait nul parce que, pour tester, il faut être

capable soit au moment de la faction du testament, soit au moment de son décès. C'est ainsi que les testaments faits par des mineurs, qui ne sont cependant décédés que depuis leur majorité, sont ou nuls ou réductibles à la quotité dont le mineur peut disposer.

Autrefois aussi on déclarait nul le testament d'une femme mariée sous une coutume qui lui interdisait de tester sans l'autorisation de son mari, quoique, étant séparée de corps, elle eût fixé son domicile dans un lieu où cette autorisation n'était pas exigée. On jugeait que ce changement n'avait pu la soustraire au statut personnel qui avait été la loi de son mariage, et qui avait fixé irrévocablement sa capacité pendant la durée du mariage. (Arrêt de la Cour de cassation, du 19 janvier 1807 (1).

969. Mais une femme mariée sous l'empire de ces coutumes prohibitives aurait été rendue par la loi nouvelle à la liberté de tester sans autorisation. Car le statut personnel a été aboli par le Code civil, et cette abolition a dû profiter aux femmes mariées, pour la faculté de tester, comme il leur a nui, pour celle de contracter sans autorisation dans le pays où elles avaient ce droit.

Le cas que nous examinons n'a pas d'analogie avec celui de l'arrêt du 19 janvier 1807. En effet, dans l'espèce de l'arrêt, le statut personnel n'avait pas été abrogé; il subsistait dans toute sa force, et l'on jugea avec raison que la femme, par son propre fait, par un mouvement de sa volonté personnelle, en changeant de domicile n'avait pu échapper à l'exigence du statut. Au contraire, dans le cas prévu le statut personnel a été modifié, même détruit, et le législateur nouveau a attribué à la femme mariée une capacité personnelle que dans sa puissance il pouvait lui conférer. On peut appliquer, par analogie à ce cas, l'espèce d'un arrêt rendu le 12 mai 1814, par la Cour de cassation, qui a dé

(1) S., 1.7, 1. 115; Denevers, l. 5, 1. 115.

claré valable un testament fait depuis la loi du 17 nivôse an 2, par une femme mariée en faveur de son mari, quoique les deux époux se fussent unis sous l'empire de la Coutume de Normandie qui, en même temps qu'elle exigeait une autorisation spéciale du mari pour toute disposition testamentaire de la part de la femme, prohibait aussi toute disposition de gens mariés l'un envers l'autre.

L'arrêt juge, d'ailleurs, que la nécessité de l'autorisation expresse de la part du mari ne s'étendait pas aux testaments faits en sa faveur par la femme (1).

La disposition de l'article 226 du Code civil, est répétée dans l'article 905 qui, après avoir déclaré que la femme ne peut donner entre-vifs sans l'assistance ou le consentement spécial de son mari ou sans y être autorisée par la justice, ajoute qu'elle n'aura besoin ni du consentement du mari ni de l'autorisation de la justice pour disposer par testament.

970. Ce consentement ou cette autorisation lui seraient aussi inutiles pour révoquer les dispositions testamentaires qu'elles aurait faites. Car si elle les révoque par un testament postérieur, l'article 226 reçoit son application directe. Si elle les révoque par un simple acte notarié portant déclaration du changement de sa volonté, on ne peut arguer, contre la validité de la révocation, de l'article 217 du Code, puisque l'acte de révocation n'est pas un contrat et ne constitue de la part de la femme aucune obligation. Or, ces deux formes de révocation sont également autorisées. (Code civil, art. 1035.)

971. L'article 1096 du Code civil porte que les époux peuvent se faire entr'eux des donations pendant le mariage, et il ajoute que ces donations, quoique qualifiées entre-vifs · seront toujours révocables. Soit pour faire ces donations, soit pour les révoquer, les femmes mariées n'ont pas besoin d'autorisation.

(1) S., 14. 1. 114; Denev., 12. 1. 449.

TOME II.

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Elles n'en ont pas besoin pour les faire, puisque les maris y concourent personnellement ou par des fondés de pouvoirs. (Art. 317.)

Elles n'en ont pas besoin pour les révoquer, l'art 1096 déclarant que « la révocation pourra être faite par la femme » sans être autorisée ni par le mari ni par la justice.

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972. L'autorisation du mari ou celle de la justice ne sont nécessaires à la femme mariée que dans les actes où elle contracte des engagements personnels. Elle peut, d'ailleurs, contracter pour d'autres comme gérante ou comme mandataire, sans autorisation. Seulement dans ce cas elle n'est pas tenue des obligations du mandataire. (V. l'art. 1990 du Code civil.)

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Des formes de l'autorisation et des cas ou le mari ne veul ou ne peut autoriser.

SOMMAIRE.

973. Dans l'ancien droit l'autorisation devait être expresse. 974. Dans le nouveau droit l'assistance du mari suffit.

975. Quid si le mari assigné avec la femme fait défaut?

976. Quid si la femme veut agir contre son mari ?—Procédure pour obtenir l'autorisation de la justice.

977. Si le mari n'est pas présent à l'acle, sa ratification postérieure mais isolée ne couvre la nullité que pour lui non pour la femme. 978. Cas où la femme doit demander l'autorisation de la justice, et procédure à suivre.

979. Devant quel tribunal doit-elle se pourvoir?-Distinction.

980. L'interdiction légale ou civile est un de ces cas. — Quand a-telle lieu?

981. Quid si le mari a un conseil judiciaire?

982. De même, de l'absence présumée ou déclarée.

985. Si le mari est mineur l'autorisation du juge est nécessaire à la femme.-Secus dans l'ancien droit pour contracter.

984. Le mari mineur devra-t-il être consulté ?

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