Page images
PDF
EPUB

pêchements de mariage, si le Code civil a aussi gardé le silence sur cet empêchement, la loi du 18 germinal an 10 a déclaré le mariage incompatible avec les fonctions ecclésiastiques, et une décision de l'empereur, rappelée dans une lettre du ministre des cultes, du 30 février 1807, déclare qu'on ne doit pas tolérer le mariage des prêtres qui se sont soumis au concordat, et ont depuis exercé leur ministère (1).

D'ailleurs, plusieurs arrêts ont décidé que le concordat avait remis en vigueur l'empêchement admis par les anciens canons. C'est ce qu'a jugé, le 27 décembre 1828, la Cour de Paris dans l'affaire Dumonteil; et son arrêt a été sanctionné par la Cour de cassation, même depuis la Charte de 1830, par un arrêt de rejet du pourvoi du 21 février 1833 (2).

658. Les motifs qui ont fait admettre, depuis les nouvelles lois, la légitimation par mariage subséquent de l'enfant né avant 1789 d'un prêtre, quoiqu'il y cût alors empêchement dirimant à son mariage avec la mère de l'enfant, doivent, à plus forte raison, faire décider que cette légitimation peut avoir lieu pour un enfant conçu avant l'âge où ses père et mère pouvaient se marier.

Il est vrai qu'il y avait alors empêchement dirimant au mariage. (Art. 144 du Code civil.) Mais cet empêchement n'était que temporaire; la nullité qui en résultait n'était aussi que temporaire; elle s'effaçait même par la conception de la fenime avant l'àge de quinze ans révolus. (Code civil, art. 184 et 185.)

Enfin, ce qui est décisif c'est que les seuls obstacles légaux à la légitimation" par mariage subséquent sont le vice de l'inceste et celui de l'adultère. (C. c., art. 331.)

659. La solution que nous venons d'indiquer nous conduit à l'examen d'une autre question; un mineur peut-il légitimer par mariage subséquent?

(1) Loiseau, ibid, p. 272. ( Voir aussi un arrêt du 17 janvier 1846, Sirey, t. 46. 2. 97.)

(2) V. ces arrêts dans le Journal de Dalloz, 32. 2. 48, et 33. 1. 121.

Cette question se réduit à examiner si le mineur est apte à reconnaître son enfant naturel. Car si la reconnaissance est valable, la loi s'en empare, et le mariage subséquent des père et mère de l'enfant reconnu produit la légitimation. Or, un mineur a comme un majeur capacité pour reconnaitre son enfant naturel.

Les principes sur la nullité des consentements donnés par les mineurs, sur leur incapacité de contracter, sur la protection dont la loi les entoure, ces principes aussi sages que bienveillants et qui offrent aux mineurs, dans les cas ordinaires, une garantie salutaire contre la faiblesse et l'inexpérience de leur âge, ces principes bienfaisants sont cependant inapplicables à la reconnaissance d'un enfant naturel.

Une telle reconnaissance n'est pas un contrat; c'est la simple déclaration d'un fait; et qui peut le déclarer, le confesser ce fait, si ce n'est celui qui en est l'auteur?

Cette reconnaissance n'exige pas le concours de l'enfant reconnu; elle est l'ouvrage du père seul; on ne peut donc l'assimiler à une obligation ordinaire.

le

Cette reconnaissance est seulement l'aveu d'une faute contre la morale et contre la loi également blessées par concubinage, la réparation d'une espèce de quasi-délit, d'un tort causé soit à la mère de l'enfant, soit à l'enfant luimême qu'on a jeté dans la société, isolé et sans secours. Une telle réparation est commandée même par le droit général (art. 1382).

Le mineur dirait-il que cette reconnaissance lèse ses intėrêts, qu'elle lui impose des obligations qui pèsent sur sa fortune, qu'elle attribue contre lui des droits dont l'exercice peut lui devenir très-onéreux?

Cela est vrai.

Mais les intérêts de l'enfant naturel sont plus recommandables encore que ceux du père mincur.

Mais les obligations que la reconnaissance civile impose à celui-ci lui étaient déjà imposées par la loi naturelle. Ce

n'est pas la reconnaissance qui les a créées; elle les a seulement fait connaître.

Mais les droits de l'enfant sont le résultat du fait de sa naissance. En lui donnant le jour on lui a attribué le droit d'exiger contre ceux desquels il a reçu l'existence, les soins et les secours qui lui sont nécessaires pour la conserver.

Sur quels motifs, d'ailleurs, le père mineur pourrait-il obtenir la nullité de la reconnaissance?

Ou le fait reconnu est réel ou il est faux. S'il est réel, la déclaration de paternité ne peut être démentie ; et cependant tant qu'elle subsistera tous ses effets doivent aussi subsister, parce que la loi les établit et que c'est elle qui règle les devoirs du père naturel,

Si le fait est faux, la reconnaissance, qui n'aura eu lieu que par erreur, surprise ou dol, ne lie pas celui qui l'a faite, et l'art. 1109 du Code fournit au mineur comme au majeur le moyen d'échapper aux conséquences de cette reconnaissance erronée, en démontrant la fraude ou l'erreur qui l'ont dictée.

Le père mineur ne peut donc, en cette matière,'être dans une position différente de celle du majeur (1).

Mais s'il a pu reconnaître, il a pu aussi légitimer en contractant mariage avec la mère de son enfant naturel. Il y a sur ce mode de légitimation d'autant moins de difficulté que pour un mariage le mineur est autorisé par ses ascendants ou, s'il n'en a pas, par le conseil de famille.

660. La légitimation par mariage subséquent est un droit attaché à l'état civil. L'enfant naturel mort civilement ne peut l'obtenir. Car il est réputé mort aux yeux de la loi. Il n'existe plus que de la vie naturelle. Il ne peut faire que les actes attachés à la vie naturelle, tels que l'achat, la vente, l'échange, les contrats contenant, en sa faveur ou de sa part, obligation à titre onéreux. S'il peut être reconnu

(1) Loiseau, p. 510 et suivantes.

comme enfant naturel, ce titre ne peut lui attribuer de droits qu'à des aliments. Rayé de la vie civile, incapable de faire un mariage légal et d'avoir des enfants légitimes, il ne peut jouir lui-même du bienfait de la légitimation. Comment pourrait-il acquérir cet avantage, lui qui, s'il était déjà enfant légitime, serait privé par la mort civile de tous les droits attachés à ce titre? (V. C. c., art. 25, 33, 1092.) Nous examinerons sur l'art. 332 si les enfants du fils naturel mort civilement peuvent être légitimés par mariage subséquent.

661. La légitimation peut s'opérer par un mariage in extremis.

Il n'en était pas ainsi sous l'ancienne législation. La déclaration de 1639, art. 6, et l'édit de mars 1697 privaient de tous effets civils ces sortes de mariage, et déclaraient incapables de toutes successions les enfants nés des deux époux, soit avant soit après ces unions que la débauche avait préparées, que la crainte d'une mort prochaine avait fait

contracter.

Cette législation sévère a été abolie par nos nouveaux législateurs qui ont pensé qu'on ne devait pas fermer la porte au repentir, et que l'on devait admettre un père et une mère naturels à réparer, même à l'extrémité de leur existence la honte d'un commerce illicite, et à purifier la source dans laquelle l'enfant avait puisé sa vie.

Nous avons déjà démontré que les mariages in extremis étaient valables, et qu'ils produisaient tous les effets civils. Ils doivent donc aussi opérer la légitimation qui est un de ces effets.

Au reste, il ne restera pas sur la question le plus léger doute, si l'on considère que, dans la discussion du projet du Code, le Conseil d'Etat a rejeté un article que proposait la section de législation, et qui déclarait que « le mariage con» tracté à l'extrémité de la vie entre deux personnes qui >> auraient vécu dans le concubinage, ne légitime point les

>> enfants qui en seraient nés avant ledit mariage (1). » 662. Par les mêmes motifs, les mariages secrets mais non clandestins peuvent produire la légitimation des enfants naturels nés antérieurement des deux époux. Nous avons signalé, dans le chapitre des nullités de mariage, la différence entre le mariage secret et le mariage clandestin; celui-ci manquant des solennités prescrites par la loi, n'ayant pas même été célébré par un officier public compétent, tandis que l'autre mariage, quoique tenu secret pour le public, n'en avait pas moins été contracté devant l'officier de l'Etat civil compétent, et avait été accompagné, lors de sa célébration, des formalités voulues par la loi. Ce mariage secret, nul autrefois quant aux effets civils, valable aujourd'hui d'après notre législation, doit produire tous les effets attachés au mariage qui aurait reçu toute la publicité possible; et la légitimation des enfants naturels est nécessairement un de ces effets (2).

663. M. Loiseau, dans son Traité des Enfants naturels, dit avec raison qu'un enfant naturel, déjà reconnu par un autre individu, ne pourrait être légitimé par le mariage subséquent de son vrai père (3).

Cette vérité est évidente. La légitimation suppose la paternité naturelle; cette paternité en est le fondement; elle ne peut exister sans elle et sans qu'elle ait été reconnue par acte authentique ou qu'elle le soit dans l'acte du mariage qui légitime. Or, le même individu ne peut avoir deux pères naturels. Si donc déjà l'enfant a été reconnu par un autre père, il faut ou que cette reconnaissance soit annulée, ou qu'il n'y ait ni reconnaissance utile ni légitimation réelle de la part de l'autre individu qui voudrait réclamer la paternité.

(1) Voir la dissertation de Locre, Esprit du Code civil, liv. 1, tit. 5, chap. 4, 3e subdivision.

(2) V. sur la différence des mariages secrets d'avec les mariages clandestins, Locre, ibid, 2e subdivision.

(3) Loiseau, p. 259.

« PreviousContinue »