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Mais elle la renouvela par les mêmes motifs sur l'article 934 auquel elle fit ajouter le même renvoi. (Législat. de Locré, t. 11, commentaire 12, nos 5 et 27.) Exiger dans l'art. 934 que la femme soit autorisée pour accepter une donation et y rappeler les art. 217 et 219 dans le but de faire un classement particulier des capacités relatives aux donations, et cela sans faire aucune mention de l'art. 225, n'est-ce pas annoncer que l'art. 225 ne s'applique pas aux donations, et par conséquent qu'en cette matière il y a nullité absolue qui peut être invoquée par les deux contractants et tous leurs ayants-cause?

Les motifs de la loi confirment cette opinion:

« Les bonnes mœurs et l'autorité du mari ont toujours >> exigé que la femme mariée ne pût accepter une donation >> sans le consentement du mari ou à son refus sans l'auto>> risation de la justice.» (Bigot-Préameneu, Exposé des motifs.)

L'intérêt des mœurs serait compromis et par conséquent l'ordre public blessé par l'absence de l'autorisation de la femme, en matière de donation; car cette autorisation est nécessaire pour garantir la pureté de la cause de la libéralité. L'inconvénient est beaucoup moins grave pour les autres espèces de contrats dans lesquels il y a entre les contractants des sacrifices réciproques.

Enfin la question est nettement tranchée dans le rapport fait au Tribunat par Jaubert. On lit y ces expressions remarquables :

« L'acceptation, qui ne lierait pas le donataire ne saurait » engager le donateur; ainsi il est naturel que la femme ma»riée ne puisse accepter sans le consentement de son mari ou >> l'autorisation de la justice.» (Locré, Législat. civ., t. 11, Comm. 14, no 37, et comm. 15, no 42.)

Done sans cette autorisation il y a nullité dans l'intérêt des deux contractants;

Donc cette nullité est absolue et appartient aux tiers comme à la femme elle-même ou au mari.

C'est dans ce sens que s'est manifestée la jurisprudence de deux Cours royales de la Cour de Toulouse par un arrêt du 27 janvier 1830, de la Cour de Limoges par un arrêt du 13 avril 1836.

Le dernier arrêt se fonde dans un de ses motifs sur l'ancienne jurisprudence.

Mais on y remarque surtout trois motifs tirés de la loi nouvelle.

<< Attendu que la femme Chartrier était mariée, et que >> cependant elle n'a pas été autorisée à accepter la donation >> dont il s'agit ni par son mari ni par la justice ;-que, dès» lors, son acceptation était nulle ;

» Attendu qu'à défaut d'acceptation valable il n'y a pas » de donation. Car c'est l'acceptation qui forme le lien sy> nallagmatique, et ce lien, à son tour, imprime à la dona>>tion cette irrevocabilité qui en est le trait distinctif;

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>> Attendu que cette vérité est confirmée par l'art. 928 qui porte que la donation dûment acceptée est parfaite >> par le seul consentement des parties; Qu'il n'y a d'acceptation dûment faite, respectivement à la femme ma»riée que celle qui est accompagnée du consentement du > mari ou de l'autorisation de la justice. »>

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Les autres motifs énoncent plusieurs des arguments que nous avons ci-dessus développés.

Le système adopté par les deux arrêts cités paraît le seul conforme à la lettre et à l'esprit de la loi, le seul vrai (1).

CHAPITRE II.

Droits et avantages respectifs qui, entre les époux, résultent de leur qualité.

Certains de ces droits sont attribués par la loi même.

(1) V. les arrêts dans le Journal de Sirey, t. 30. 2. 242 ; et 36. 2. 241.

D'autres ne consistent que dans la faculté de se faire entre époux des avantages non autorisés entre d'autres personnes.

Section Ire.

Des droits attribués aux époux par la loi même.

SOMMAIRE.

1016. Chez les anciens peuples et aujourd'hui chez les peuples d'Orient les femmes vivent isolées.

1017. Parmi nous elles doivent jouir des avantages de l'état des maris. 1018. Quels sont leurs droits si une femme étrangère est introduite dans la maison maritale?

1019. Des droits à la tutelle de l'un des époux interdit.

1020. Des droits d'opposition à l'adoption et à la reconnaissance d'un enfant naturel.

1021 Du droit de succession attribué aux époux.

droit.

1022. Il n'est pas effacé par la séparation de corps.

1023. Formalités à remplir pour l'exercer.

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Origine de ce

1024. De quelques autres formalités non prescrites par la loi. 1025. Si un héritier régulier se présente l'époux ne devra-t-il pas la restitution des fruits?

1026. Il devra restituer le mobilier et les immeubles.

1027. Sera-t-il tenu des dégradations et aura-t-il droit aux améliorations?

1028. Quid s'il n'a pas rempli les formalités prescrites?

1016. En général, en accordant des droits la loi impose aussi des devoirs.

Ainsi toutes les obligations dont avons traité dans le chapitre précédent ont leur principe dans les droits qui appartiennent à l'un des époux à l'égard de l'autre; il serait donc superflu d'énumérer ces droits dans ce chapitre deux, qui n'est destiné qu'à faire connaître ceux que le chapitre précédent n'indique pas.

Un des principaux droits attachés au mariage c'est pour chaque époux de participer aux avantages de l'existence sociale de celui auquel il est uni, comme une des principales obligations est d'en partager les maux autant que cette participation et ce partage sont possibles.

1017. Il n'en était pas ainsi chez les anciens; les femmes vouées à la retraite, renfermées dans leur gynécée, y traînaient une existence obscure, consacrée toute entière aux travaux domestiques. Les épouses des Miltiades, des Cimon, des Périclès étaient à peine connues des Athéniens, et ces respectables matrones romaines, dont parle trop rarement l'histoire, ne voyaient jamais réfléchir sur leurs fronts l'auréole d'éclat et de gloire qui ornait les patriciens, les consuls, les dictateurs.

Ces mœurs antiques et sévères se sont conservées intactes dans l'Orient. Aujourd'hui encore les femmes des puissants de la terre et de tous ceux qui peuvent briller par leurs richesses ou leur état social, sont toujours en quelque sorte ensevelis dans la monotone solitude des Harems.

1018. Pour nous, peuples de l'Occident, que la civilisation a éclairés, dont les mœurs ont été adoucies par les affections de famille, et qui, conservant d'ailleurs les usages des Gaulois et les Germains nos aïeux, n'achetions pas nos épouses mais en recevions des dots, nous les avons toujours considérées comme d'aimables associées que la loi et le sentiment plaçaient dans la maison commune sur un pied d'égalité presque parfaite; et elles ont toujours partagé les titres, l'état et tous les avantages de la position sociale que les circonstances nous avaient donnés.

En refuser la participation à la femme, l'isoler dans la maison commune, ne pas la recevoir à sa table, l'exclure de ses relations de société, n'avoir avec elle aucun de ces rapports que l'affection sollicite et que la loi commande, ce n'est pas la traiter maritalement, c'est la priver de ses droits, c'est l'outrager, c'est l'avilir; c'est l'autoriser aussi à s'éloi

gner du domicile marital où elle n'est tenue de résider qu'autant qu'elle y est honorée comme épouse et respectée comme mère de famille.

C'est ainsi qu'un arrêt de la Cour de cassation, du 20 janvier 1830, a décidé que le mari, obligé de recevoir sa femme et de la traiter maritalement, ne remplit pas cette obligation en lui abandonnant une partie de l'appartement qu'il occupe, en mettant un domestique à son service, et en lui accordant une somme déterminée pour ses besoins; il ne peut, par ce moyen, dit l'arrêt, refuser de l'admettre à sa table, de la laisser servir par ses propres domestiques et même de la laisser pénétrer dans la partie de l'appartement qu'il s'est réservée (1).

1019. Par des motifs semblables, la femme, dont le mari entretiendrait une concubine dans la maison maritale, aurait le droit d'en exiger l'expulsion ou de refuser de résider dans ce domicile, et d'exiger une pension pour fournir à ses besoins.

La présence d'une vile étrangère dans le domicile commun serait de la part du mari, l'acte de mépris le plus caractérisé, un outrage incessant et continuel.

La femme trouverait, il est vrai, dans cette grave injure, un moyen décisif de séparation de corps. (Code civil, art. 230.)

Mais si la séparation lui répugnait, elle ne serait pas tenue d'y avoir recours, et sans user de ce remède extrême, elle serait fondée à demander que le domicile conjugal fùt purgé de l'infamie du concubinage ou qu'il lui fût permis de se choisir une habitation séparée, et qu'une pension suffisante à ses besoins lui fût payée par le mari.

1020. La qualité d'époux confère aussi plusieurs autres droits, les uns personnels, d'autres relatifs aux biens. Parmi les droits personnels, on remarque celui attribué

(1) Sirey, 30. 1. 99; D., 30. 1. 60.

TOME II.

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