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plètement la convention; il veut seulement qu'elle soit sans effet pour tout l'excédant de la portion disponible.

L'article 1527 doit servir à interpréter l'article 1099. On sait que les lois se prêtent un mutuel secours par une saine interprétation. Leges priores ad posteriores trahuntur et è contrà.

Tel est aussi le sens que, dans la pratique, on a donné à l'article 1099.

Cependant un arrêt de la Cour de cassation, du 30 novembre 1831, qui rejette le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'Agen, a frappé de nullité absolue, au lieu de la réduire à la quotité disponible, une donation déguisée faite par un époux ayant des enfants d'un premier lit au profit de son nouvel époux (1).

Mais un arrêt de simple rejet est une décision de circonstance qui ne fera pas jurisprudence.

Nous ne dissimulerons cependant pas que l'opinion que nous venons d'émettre est contraire à celle professée par des auteurs des plus recommandables, notamment par MM. Grenier, Toullier, Dalloz aîné. Nous avons préféré celle de MM. Duranton et Vazeilles qui est aussi celle de Poujol et de Coulon, parce que l'expression indéfinie de nullité qui se trouve dans l'article 911 est ainsi restreinte par la jurisprudence; parce que le donataire étant capable de recevoir, la nullité ne s'applique qu'à la portion de libéralité qui excède la quotité disponible; parce que la loi, dans ses dispositions, n'a pour objet que de garantir la réserve qu'elle a établie; parce qu'enfin, suivant la juste remarque de M. Vazeilles, la simple présomption ou la fiction légale ne saurait produire des effets que la réalité ne produirait pas (2).

(1) Sirey, 32, 1, 134.

(1) Duranton, 9, no 831; Vazeilles sur l'art. 1099, nos 15 et 16; Poujol, Traité des donations, tome 2, p. 592; et Coulon, t. 2, p. 1.

Voir aussi dans le sens de la validité de la donation, un arrêt de la Cour de Paris du 24 juin 1837, et un arrêt de la Cour de Bourges da

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1054. Une autre question qui n'est pas sans importance est relative aux personnes qui peuvent demander la nullité ou la réduction d'une donation déguisée.

En général, pour les dons ordinaires l'action n'appartient pas au donateur lui-même. Ses héritiers seuls ont le droit d'agir, lorsque leur réserve est atteinte.

Mais il ne doit pas en être ainsi pour des donations faites entre époux pendant le mariage. Comme l'article 1096 les déclare toujours révocables, il ne peut être permis de leur attribuer l'irrévocabilité par un déguisement de contrat ou une interposition de personnes. L'époux donateur, qui par faiblesse ou toute autre cause se serait prêté à ce déguisement, recouvrerait son droit de révocation en prouvant la simulation. C'est aussi ce qu'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 11 novembre 1834 (1).

L'article 1100 déclare personnes interposées les enfants issus d'un autre mariage de l'époux donataire ou les parents de celui-ci, s'il était leur héritier présomptif au jour de la donation.

Ces exemples ne sont qu'indicatifs ; ils ne sont pas limitatifs; ils signalent de plein droit comme avantage indirect les donations faites aux individus qu'ils désignent comme personnes interposées. Mais l'article n'est pas exclusif de la preuve d'interposition relativement à toutes autres personnes que les circonstances décèleraient.

Un arrêt de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour de Metz qui avait signalé comme personne interposée un frère de l'époux donataire quoique l'article 1100 ne parle pas d'un parent de ce degré (2).

Dans le sens de la nullité,

29 mars 1836. (Sirey, 37, 2, 322 et 343).voir un arrêt de Cassation du 29 mai 1838. S., 38. 1. 481. Contrà, Grenier, t. 2, no 691; Toullier, t. 5, n. 901; Dalloz atuė, jurisprudence générale, t. 6, chap. 12, sect. 4, art. 3, no 3.

(1) D., 35. 1. 18.

(2) S., 16. 1. 433 ; D., 14. 1. 274.

Nous bornerons à ces courtes observations notre examen des donations déguisées, sur lesquelles et sur les nombreux moyens de simulation inventés par les ruses de l'intérêt, l'on pourrait faire une longue dissertation. Elle serait superflue ici, et l'on peut consulter sur ces détails les auteurs que nous avons déjà cités.

CHAPITRE III.

Droits et obligations qui résultent du mariage à l'égard des enfants qui en sont provenus.

SOMMAIRE.

1055. Division du chapitre 3 du titre 6.

1055. Ce chapitre se divise naturellement en deux sections L'une pour l'explication des droits, l'autre pour celle des obligations.

Section Ire

Des droits des père et mère sur les enfants nés du mariage.

SOMMAIRE.

1056. Causes de la puissance paternelle.

1057. Son étendue, sa rigueur et sa durée chez les Romains.

1058. De la puissance paternelle dans l'ancien droit français.

1059. Système du Code et ses motifs.

1060. Les effets de la puissance paternelle sont l'objet de différents titres du Code.

1061. L'exhérédation n'est pas un droit.

Une partie de ces droits a été examinée en traitant des empêchements du mariage et des oppositions que les père et mère ou à leur défaut les ascendants peuvent former aux mariages de leurs enfants et descendants.

Les autres droits principaux ont pour objet la puissance paternelle et la tutelle. Deux paragraphes y seront consacrés.

$ Ier.

De la puissance paternelle.

La puissance paternelle doit être considérée :
Dans son origine et ses caractères,

Dans les personnes auxquelles elle appartient, et dans sa durée,

Enfin dans ses effets.

ARTICLE Ier.

De l'origine et du caractère de la puissance paternelle. 1056. « La puissance paternelle dérive de la nature. Nous naissons faibles, assiégés par les maladies et les besoins; la nature veut que dans ce premier âge, celui de l'enfance, le père et la mère aient sur leurs enfants une puissance entière qui est toute de défense et de protection. »

Dans le second âge, vers l'époque de la puberté, l'enfant a déjà observé et réfléchi.

Mais nulle expérience n'a formé son jugement; livré aux passions, exagérant ses espérances, s'aveuglant sur les obstacles, la puissance paternelle lui est nécessaire pour le protéger, pour le diriger à travers les écueils pour ajouter la vie morale à l'existence physique, et dans l'homme naissant préparer le citoyen.

Arrive l'âge où l'homme est en état de marcher, où il devient lui-même chef d'une nouvelle famille, où la nature et la loi relâchent pour lui les liens de la puissance paternelle. Mais dans des souvenirs qui ne s'effacent jamais, dans l'éducation dont il recueille les fruits, dans cette existence dont seulement alors il apprécie bien la valeur, il retrouve de nouveaux liens qui sont formés par la reconnaissance. En

TOME 11.

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vain la loi civile l'affranchirait alors de toute espèce d'autorité paternelle, la nature plus forte que la loi le maintiendrait éternellement sous cette autorité (1).

1057. Aussi, chez tous les peuples la puissance paternelle a-t-elle été reconnue.

Chez les Romains elle était despotique et d'une rigueur toute particulière à ce peuple.

Elle était semblable au pouvoir du maître sur ses esclaves.

Elle donnait au père le droit de vendre le fils, de l'exposer comme une chose qui lui appartenait, de le tenir en prison, de le faire battre de verges, de l'assujettir aux travaux les plus durs, même de le condamner à mort. L'histoire romaine présente plusieurs exemples de cette rigueur exorbitante.

Elle donnait aussi aux pères le droit d'exhéréder leurs enfants et même de s'emparer de tous leurs biens.

Elle durait pendant toute la vie du père, et s'étendait même aux enfants du fils, tant qu'ils n'avaient pas été émancipés.

La puissance paternelle se maintint ainsi pendant toute la durée de la république; elle fut adoucie sous les Empereurs. Le droit de vie et de mort fut d'abord restreint, et ensuite converti en droit de simple correction par une constitution de Constantin. L. unic. C. de his qui liber. occid. et L. 1. ff. de leg. pomp. de parricid. Cependant la loi Julia réservait au père le droit de vie et de mort s'il surprenait sa fille en adultère. On ignore l'époque où le droit de vendre fut complètement aboli.

Constantin par la loi 2, Cod. de patribus qui liberos distruxerunt, le réduisit au cas où le père serait dans un état d'indigence extrême, et l'enfant nouvellement né. Encore voulut-il que le père pât toujours reprendre son enfant en offrant au maître sa valeur ou un autre esclave de la même qualité.

(1) Analyse des motifs du titre de la puissance paternelle exposès par M. Real; voir la législation de Locré sur ce titre, commentaire 5, n. 2.

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