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rée de la république, le droit qu'avaient les pères d'infliger des peines aux enfants était poussé jusqu'à la cruauté. Alexandre Sévère, en restreignant le droit de vie ou de mort sur les enfants, ordonna que, si les corrections ordinaires ne suffisaient pas pour les réprimer, le père s'adressât au magistrat qui serait tenu de prononcer contre l'enfant la condamnation que le père aurait réclamée.

1078. En France, avant la révolution, on obtenait communément un ordre de l'autorité supérieure qui ne l'accordait que sur le rapport du magistrat de police. Ce magistrat s'assurait auparavant par une enquête sommaire de la réalité des faits reprochés à l'enfant et de leur gravité. Plus anciennement, un arrêt du Conseil du 20 avril 1684, approuvé par lettres patentes du 29 de ce mois et contenant un règlement pour l'hôpital-général de Paris, autorisait les administrateurs à recevoir et à détenir les enfants de famille contre lesquels les pères, mères et tuteurs porteraient des plaintes graves; mais les directeurs de l'établissement devaient auparavant s'informer de la vérité des plaintes et entendre à cet effet les parents les plus proches des enfants ou d'autres personnes dignes de foi (1)..

Si le père était remarié, il ne pouvait constituer son fils prisonnier dans une maison de correction sans une ordonnance du lieutenant civil qui pouvait prendre l'avis des parents les plus proches tant paternels que maternels (2). ad

On a toujours senti en France la nécessité de ne pas mettre les pères, sans vérification, à exercer ce droit redoutable de correction.

1079. La loi du 24 août 1790 en avait privé les pères pour le confier au tribunal domestique de la famille assemblée au nombre de huit parents les plus proches ou de six au moins. Le père, la mère, l'aïeul ou le tuteur qui avaient

(1) Observations de la Cour de Paris, et Locré sur les l'art. 375 et suivants, Esprit du Code.

(2) Rousseau-Lacombe, au mot Correction.

des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite. d'un enfant incorrigible pouvaient porter plainte devant ce tribunal de famille qui, après avoir vérifié les sujets de plainte, pouvait arrêter que l'enfant âgé de moins de 21 ans serait renfermé pendant un certain temps, sans cependant que la durée de la détention pût dépasser une année quelle que fût la gravité de la faute.

L'arrêté du tribunal de famille ne pouvait recevoir son exécution qu'après avoir été présenté au président du tribunal de district, et ce magistrat pouvait en ordonner ou en refuser l'exécution ou même en tempérer les dispositions, après avoir entendu le procureur du roi qui était chargé de vérifier, sans forme de procédure, les motifs qui avaient déterminé l'arrêté du tribunal de famille (1).

Le président pouvait adoucir mais non aggraver la peine 1080. Les législateurs du Code civil ont établi un nouveau système qui s'éloigne et du droit ancien et des règles contenues dans la loi du 24 août 1790.

Le droit ancien ne leur a pas paru avoir assez accordé à la puissance paternelle à l'égard des enfants âgés de moins de seize ans commencés.

La loi de 1790 avait énervé cette puissance en privant le père du droit de correction pour l'attribuer à un tribunal de famille. C'était élever un procès entre le père et l'enfant.

L'expérience avait même détruit la confiance que les tribunaux de famille avaient inspirée à l'origine de leur création. Elle avait appris que trop souvent les haines et les intérêts en divisaient les membres, et que trop souvent aussi chacun d'eux était peu touché de l'intérêt du mineur sur le sort duquel il était appelé à prononcer.

Pour concilier l'autorité du père avec l'intérêt de l'enfant, on s'est déterminé par des considérations prises de l'âge de l'enfant, de sa situation et de la présomption d'im

(1) V. loi du 24 août 1790, titre 10, art. 15, 16 et 17.

Art. 375.

Art. 376.

partialité et de désintéressement que pourrait offrir la posi tion du père, et l'on a admis, selon les différents cas, ou la détention par voie d'autorité ou la détention par voie de réquisition.

Les législateurs se sont ensuite occupés :

Des formes dans lesquelles la détention serait ordonnée ;
De sa durée ;

Du lieu où elle serait exécutée;

De la subsistance du détenu ;

Des diverses manières dont la détention pourrait cesser. Tous ces points, un seul excepté, le lieu de la détention, ont été réglés par les art. 375 et suivants du Code civil. Si le lieu de la détention n'a pas été déterminé, c'est parce qu'il a paru convenable d'en abandonner le choix à la sagesse du juge jusqu'à ce que des maisons de correction fussent organisées en France (1).

1081. L'art. 375 du Code civil pose le principe général sur le droit de correction.

Les articles suivants en règlent l'application :

« Le père qui aura des sujets de mécontentement très» graves sur la conduite d'un enfant aura les moyens de >> corrections suivants : >>

1082. L'article 376 détermine le seul cas où la détention de l'enfant peut avoir lieu par voie d'autorité, encore ce cas souffre-t-il plusieurs exceptions.

« Si l'enfant est âgé de moins de seize ans commencés, » le père pourra le faire détenir pendant un temps qui ne » pourra excéder un mois; et, à cet effet, le président du >> tribunal d'arrondissement devra, sur sa demande, déli» vrer l'ordre d'arrestation (2)? »

(1) V. l'Esprit du Code civil par Locré, sur le titre de la Puissance paternelle.

(2) Le droit de correction est aussi attribué au père et à la mère par l'article 86 du Code prussien; mais l'autorisation du ministre de la justice ou du roi est nécessaire pour enfermer l'enfant dans une maison de correction.

Remarquons que dans le cas prévu, l'autorité du père est absolue; c'est cette autorité scule qui prescrit la détention. Le président se borne à délivrer l'ordre d'arrestation; mais il ne peut le refuser sur la demande du père.

1083. D'ailleurs il n'a pas le droit d'examiner les motifs de cet acte de rigueur. Bien plus, le père n'est pas obligé de les indiquer; sa volonté fait loi contre l'enfant âgé de moins de 16 ans commencés.

Si l'intervention du magistrat est nécessaire, c'est seulement pour imprimer à la volonté du père le sceau de la volonté publique et pour mettre en mouvement les agents de la force publique qui ne doivent pas obéir aux réquisitions d'un simple particulier.

Cependant le magistrat peut et doit même vérifier l'âge de l'enfant pour s'assurer que la mesure, dans sa forme, lui est applicable.

1084. C'est aussi au magistrat à fixer le lieu de la détention et à prévenir ainsi les inconvénients qu'il pourrait y avoir à laisser détenir l'enfant dans la maison paternelle ou dans une maison particulière où il serait abandonné à la discrétion d'un père irrité qui peut-être le traiterait avec trop de rigueur (1).

Il leur est aussi attribué par l'article 145 du Code autrichien, sauf recours aux tribunaux en cas d'abus.

D'après le Code de Vaud, art. 202, les père, mère ou aïeul qui ont des sujets de mécontement très-graves contre un enfant qu'ils ne peuvent pas réprimer, peuvent porter plainte au tribunal de première instance, et demander qu'il soit détenu dans une maison de correction pendant un temps qui ne peut dépasser deux ans ni se prolonger au delà de la majorité, c'est-à-dire de 21 ans accomplis. (V. l'article 286.)

Le Code sarde a adopté sur le droit de correction les articles 373 et suivants du Code Napoléon jusqu'à l'article 384. (Voir les articles 214 à 223.)

Les dispositions du Code civil sur le droit de correction ont été aussi adoptées par le droit sicilien, art. 302 à 310 inclusivement.

(1) Observations de la Cour de Paris; Locré, Esprit du Code civil.

14,377,

Il est utile de ne mettre l'enfant que dans des maisons qui soient sous la surveillance de l'autorité publique.

Le juge peut le faire détenir dans un lieu particulier de la maison de correction où il ne trouverait que d'autres enfants frappés comme lui et pour des causes semblables d'une détention temporaire.

Un pensionnat public pourrait aussi être désigné par le président, et là l'enfant serait traité comme dans une maison de correction.

Un décret du 30 septembre 1807 autorise les dames charitables dites du Refuge-Saint-Michel à recevoir dans leur maison les jeunes personnes qui y sont envoyées par les pères et les conseils de famille dans les cas prévus par Code civil. (Le voir dans le J. de Sirey, t. 13. 2. 303.)

le

1085. Mais le juge doit éviter de placer l'enfant dans des maisons d'arrêt et de justice dans lesquelles, confondu avec des individus accusés ou coupables de crimes et de délits, il serait exposé à être atteint de la corruption avec laquelle il se trouverait journellement en contact. Telle a été la pensée du législateur lorsqu'il a gardé le silence sur le lieu de la détention (1).

1086. Le danger du droit exorbitant attribué au père sur la personne de l'enfant âgé de moins de 16 ans est diminué par le peu de durée de la peine qui ne peut se prolonger au delà d'un mois.

1087. Lorsque l'enfant est âgé de seize ans commencés, ou lorsqu'ayant moins de seize aus il a des biens personnels ou qu'il exerce un état, dans ces différents cas la détention par voie d'autorité n'est pas admissible; elle ne peut avoir lieu que par voie de réquisition du père, et de l'autorité du juge. C'est ce que déclarent les articles 377, 380, 382 du Code.

Depuis l'âge de seize ans commencés jusqu'à la majo

(1) Locre, ibid.

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