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Art. 394.

Cependant s'il avait de puissants motifs d'excuse, tels que l'âge, les infirmités, les emplois publics, des voyages longs et indispensables, un autre tuteur pourrait être nommé de son consentement par le conseil de famille. C'est ce qu'a jugé la Cour de Riom dans une espèce où les infirmités physiques du père l'obligèrent, quoiqu'il ne fût pas dans un des cas d'exclusion ou d'incapacité prévus par la loi, de demander au conseil de famille la nomination d'un autre tuteur.

Si le père tuteur légal est menacé de destitution par une dénonciation faite devant le conseil de famille, il peut, pour en prévenir les suites humiliantes, donner sa démission, et ses fonctions doivent alors être confiées à un autre par le conseil de famille. (Arrêt de la Cour de cassation du 17 février 1835, rapporté dans le Recueil de Dalloz jeune, t. 35. 1. 170.)

1179. La mère, au contraire, peut refuser la tutelle légale, mais elle doit en remplir les devoirs jusqu'à ce qu'elle ait fait nommer un autre tuteur. C'est ce que déclare l'article 394 du Code civil.

« La mère n'est pas tenue d'accepter la tutelle; néanmoins, >> et en cas qu'elle la refuse, elle devra en remplir les devoirs >> jusqu'à ce qu'elle ait fait nommer un tuteur. »

La tutelle n'est déférée à la mère que par honneur. Si elle trouve cette charge au-dessus de ses forces on ne l'oblige pas de l'accepter, comme y sont tenus en général tous autres tuteurs qui ne peuvent présenter l'une des excuses énoncées dans la sect. 6 du chap. des minorités et des tutelles.

Cette modification a été adoptée au Conseil d'Etat comme un correctif de la disposition qui défère de plein droit la tutelle à la mère. Craignant en elle la faiblesse du sexe on hésitait à la déclarer tutrice de plein droit. Il ne fallait donc pas lui imposer ce fardeau lorsqu'elle-même se reconnaîtrait incapable de le porter (1).

(1) Esprit du Code civil sur l'art. 394.

L'article ne fixe pas le délai dans lequel la mère devra s'expliquer. Ainsi, tant qu'elle n'a pas pris dans un acte la qualité de tutrice ou qu'elle n'a pas annoncé son intention de l'accepter par des faits patents et non équivoques, on peut considérer son administration comme n'ayant été que provisoire, et il lui est encore loisible de refuser la tutelle.

1180. Mais si elle a agi comme tutrice définitive, si elle a surtout pris cette qualité sans se faire des réserves expresses qui indiquassent qu'elle n'entendait administrer que provisoirement, elle est réputée avoir accepté la charge, et elle ne peut plus y renoncer ou s'en démettre, si ce n'est du consentement du conseil de famille et en lui faisant agréer ses excuses en connaissance de cause.

Quelques personnes pensent même que la mère qui a accepté la tutelle ne peut pas s'en démettre si elle n'a pas de motifs légitimes survenus depuis. Quæ suscipere voluntatis suscepta perficere necessitatis.

Cette opinion qui est celle de Mazeyrat, no 451, est trop rigoureuse. La mère a pu croire que ses forces et sa capacité lui suffiraient pour administrer. Si à l'épreuve elle reconnaît son erreur, pourquoi n'accepterait-on pas sa démission et la forcerait-on de continuer une administration imparfaite qui pourrait nuire à ses enfants? C'est surtout l'intérêt de ceuxque l'on doit consulter, et c'est au conseil de famille à examiner si cet intérêt commande l'acceptation de la démission de la tutelle légale.

ci

Aussi plusieurs auteurs pensent-ils que la mère pouvait se démettre de la tutelle qu'elle avait acceptée; et la Cour de Paris l'a jugé en principe pour le cas où des circonstances particulières empêchaient la mère de remplir les devoirs de tutrice. L'arrêt est du 24 juillet 1835. Il a été rendu en faveur de la duchesse de Berry (1).

(1) Le voir dans le Recueil de Sirey, í. 35. 2. 405; et dans celui de Dalloz, t. 35. 2. 156. V. aussi Duranton, t. 3, no 423; Boileux, commentaire du Code Civil sur l'art. 394; Magnin, des Minorités, no 434.

1181. La mère qui refuse la tutelle ou qui s'en démet, et le père qui par des motifs légitimes en obtient la décharge, ne perdent cependant pas leur puissance paternelle ni l'usufruit légal des biens de leurs enfants. Aucune disposition législative ne les en prive, et l'on ne peut leur appliquer une peine que la loi ne prononce pas. On lit dans les procès-verbaux du Conseil d'Etat sur le Code civil que la Cour d'Amiens avait proposé de faire perdre à la mère qui refusait la tutelle l'usufruit des biens de ses enfants mineurs. Mais la proposition ne fut pas admise, parce que l'on pensa, que pour laisser la mère se juger avec impartialité, il était nécessaire que le refus de la tutelle ne lui coutât aucun sacrifice.

Ce motif est sage. Il s'applique à la mère qui se démet parce qu'elle reconnaît son insuffisance comme à la mère qui refuse. Il s'applique même au père que ses infirmités ou d'autres causes légitimes obligent de se faire décharger de la tutelle. Ce motif et le silence de la loi sur la déchéance des droits de la puissance paternelle et de l'usufruit légal qui s'y rattache, ne permettent pas d'en priver le père ou la mère qui pour des causes justes renoncent à la tutelle.

Il n'en est pas de ce cas comme de celui de la destitution que provoquent l'inconduite et les fautes du tuteur légal, et qui doit ou peut être punie suivant les circonstances de la privation de l'usufruit.

1182. Mais si cet usufruit est maintenu dans les cas cidessus prévus, il doit être modifié en ce sens que partie au moins en doit être distraite pour fournir à la nourriture, à l'entretien et à l'éducation des enfants, à moins que le père ou la mère ne continuent d'en rester chargés.

1183. Nous avons dit que le Conseil d'Etat avait hésité à déférer de plein droit à la mère la tutelle de ses enfants et que les opinions contraires furent conciliées par un tempérament que l'on adopta.

Ce tempérament est consigné dans l'article 391 du Code:

« Pourra néanmoins le père nommer à la mère sur- Art. 301, » vivante et tutrice, un conseil spécial sans l'avis duquel » elle ne pourra faire aucun acte relatif à la tutelle.

» Si le père spécifie les actes pour lesquels le conseil sera »> nommé, la tutrice sera habile à faire les autres sans son >> assistance. >>

Le conseil que l'article autorise à nommer peut être composé d'une seule ou de plusieurs personnes.

1184. Il est donné à la mère pour éclairer son inexpérience et pour guider sa faiblesse. Mais il n'a pas un pouvoir d'action. Il ne peut provoquer aucun acte ; il n'a qu'un pouvoir d'opposition pour empêcher la mère de faire des actes imprudents et nuisibles aux mineurs, sans avoir cependant qualité, même avec le concours du subrogé-tuteur, pour plaider contre la tutrice dans l'intérêt des mineurs. (Arrêt de la Cour de Douai, du 17 janvier 1821.)

D'ailleurs, aucune administration ne lui est confiée. Car il n'est pas permis au père de priver la mère d'une partie de la gestion de la tutelle pour la transférer à un autre. (Arrêt de la Cour de Bruxelles, du 21 mai 1806 (1).

Ce conseil spécial n'a pas aussi d'inspection sur la personne du mineur, sur les soins qu'en a la mère tutrice, sur l'éducation qu'il reçoit. Ces soins, cette éducation concernent la mère tatrice exclusivement. C'est même moins en vertu de la tutelle que la mère gouverne la personne de l'enfant qu'en vertu de la puissance paternelle, puissance qui appartient à la mère après la mort de son mari, et dont il n'est pas permis à ce dernier de restreindre l'exercice (2). Si la mère en abuse ce n'est pas au conseil spécial à réclamer; c'est au conseil de famille ou au ministère public à provoquer la privation totale ou partielle de ce pouvoir dont elle s'est rendue indigne.

(1) V. le précédent arrêt et celui-ci dans le Recueil de Sirey, t. 21. 2. 217; et t. 6. 2. 301.

(2) V. l'Esprit du Code civil sur l'art. 391.

Art. 392.

Le conseil spécial n'a à s'immiscer que dans les actes relatifs aux biens, et encore par de simples avis, ou par une opposition si ces actes sont au nombre de ceux spécifiés dans sa nomination.

1185. Mais sera-t-il responsable envers le mineur, s'il autorise un acte nuisible aux intérêts du mineur ou s'il empêche une opération avantageuse?

Les auteurs des Pandectes croient à cette responsabilité. Ils s'appuient sur la loi 46 ff. de administ. tut., et assimilent le conseil spécial à un cotuteur.

Mais la similitude n'est pas exacte. Un cotuteur administre personnellement, ce qui n'est pas permis au conseil spécial. La responsabilité de ce conseil nous paraît fort douteuse ; les bases même des dommages et intérêts seraient fort difficiles à saisir; et si en théorie, en invoquant l'article 1382, on peut appliquer au conseil spécial le principe qui veut que celui qui par son fait a causé un dommage soit tenu de le réparer, il serait bien rigoureux de condamner un conseil spécial qui, par erreur mais de bonne foi, aurait autorisé un acte de la mère, ou se serait opposé à l'exécution d'un projet. Consilii non fraudulenti nulla obligatio est. (L. 47, ff. de div. reg. jur.) La mère pouvait ne pas agir quoiqu'elle y fût autorisée par le conseil spécial, et dans le cas d'une opposition elle pouvait se pourvoir devant les tribunaux.

Mais s'il y avait eu dol ou fraude dans l'avis ou l'opposition, le conseil spécial serait responsable des suites.

1186. Au reste, l'assistance de ce conseil spécial ne dispense pas la mère de recourir à l'autorisation du conseil de famille pour tous les actes importants, lorsqu'il s'agit, par exemple, d'emprunter pour le mineur, et d'aliéner ou d'hypothèquer ses biens. (Voir l'article 457 du Code civil.) 1187. Les formes de la nomination du conseil spécial sont tracées dans l'article 392.

« Cette nomination de conseil ne pourra être faite que » de l'une des manières suivantes :

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