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Le divorce rompt le mariage et donne aux deux époux le droit d'en contracter un nouveau

La séparation de corps relâche le lien du mariage, mais elle le laisse subsister. Un autre mariage est impossible. La femme conserve le nom de son mari; elle demeure sous sa surveillance. L'époux coupable peut réparer ses torts, une porte est ouverte à son repentir; l'indulgence de l'époux outragé, le souvenir de ses anciennes affections, l'intérêt des enfants peuvent provoquer une heureuse réconciliation et l'union rétablie peut produire de nouveau une communauté de vie qui ne sera plus troublée.

Ces avantages de la séparation de corps devaient la faire préférer au divorce.

1346. La séparation de corps était inconnue aux Romains. Chez eux on n'admettait que la répudiation ou le divorce.

Seul moyen adopté par le droit français pour éviter le plus grand mal que pourrait produire une cohabitation prolongée entre deux époux livrés à la discorde, la séparation de corps n'avait été, avant 1789, soumise dans notre législation à aucune règle écrite et positive. Une décrétale du pape Innocent III contenait le seul principe législatif qu'on y appliquât.

Si tanta sit siri sævitia, ut mulieri trepidanti non possit sufficiens securitas provideri, non solum non debet ei restitui sed ab eo potiùs amoveri. (Chap. 13, Ext. de rest. spol.)

1347. A la cause tirée des mauvais traitements qui mettaient l'existence même en danger, la jurisprudence avait ajouté d'autres causes, telles que la dureté du mari qui refuserait à sa femme de lui fournir dans un état d'infirmité les choses nécessaires à son soulagement, les mépris même qu'il lui aurait témoignés publiquement ou devant ses domestiques, l'accusation d'un crime capital intentée calomnieusement par l'un des époux contre l'autre, l'adultère de la femme; celui du mari n'était pas une cause de séparation autrefois.

Dans l'appréciation des mauvais traitements et des outrages, la jurisprudence voulait qu'on eût égard à la qualité des parties, à leur condition, à leur éducation (1).

1348. La loi du 20 septembre 1792 substitua le divorce à la séparation de corps et ne permit plus même d'employer ce dernier moyen. L'art. 6 du 1er déclara éteintes et abolies toutes demandes et instances en séparation de corps non jugées Il déclara même comme non avenus les jugements de séparation non exécutés ou qui étaient attaqués par appel ou par la voie de la cassation.

1349. Lors de la discussion du Code civil le principe du divorce fut vivement attaqué; mais la contradiction produisit seulement l'effet de faire admettre les deux moyens, afin de satisfaire à la liberté de conscience et à celle des opinions.

Les difficultés dont l'action en divorce fut hérissée décèlent que ce ne fut qu'avec une espèce de regret que l'action même fut admise.

1350. En 1816, des circonstances favorables autorisèrent à attaquer le principe, et le divorce fut aboli par la loi du 8 mai.

Il parut alors nécessaire de régler le sort des demandes en divorce déjà formées et les effets des divorces pronon

cés.

Une loi spéciale sur les séparations de corps semblait aussi indispensable ne fût-ce que pour ne plus être exposé aux difficultés que soulevait tous les jours devant les tribunaux la confusion de ses causes et de ses règles avec celles du divorce.

Deux projets de loi réglementaires sur les deux objets furent présentés à la Chambre des Pairs, en décembre 1816. Celui du divorce fut discuté et résolu le 24 décembre. Celui sur les séparations de corps le fut peu après.

1351. Mais les deux résolutions n'ont pas été soumises à la Chambre des Députés; elles sont restées en simples projets.

(1) Pothier, du Mariage, no 509 et suiv.

Et aujourd'hui encore c'est dans la loi du divorce que nous devons chercher les principes qui doivent nous servir de guides dans les séparations de corps, comme le prescrit l'article 300 du Code civil ainsi conçu :

« Dans le cas où il y a lieu à la demande en divorce » pour cause déterminée, il sera libre aux époux de for» mer demande en séparation de corps. »

Ainsi la demande en séparation de corps peut être formé dans les mêmes cas qui auraient autorisé l'action en divorce. 1352. Nous aurons donc à rechercher dans la loi sur les divorces,

1o Les causes de la séparation de corps;

2o Les fins de non-recevoir qui peuvent être proposées contre la demande ;

3o La procédure à suivre et les mesures provisoires à employer;

4o Les effets que les séparations de corps peuvent produire

Nous examinerons ensuite dans une cinquième section comment la séparation de corps cesse et quelles sont les suites de cette cessation.

Art. 300.

Section Ic.

Des causes de la séparation de corps.

SOMMAIRE.

1353. Quelles sont les causes de la séparation de corps.

1354. Elle ne peut avoir lieu par consentement mutuel.
1355. De plusieurs causes de divorce ou de séparation rejetées par le
Code civil.

1353. Ces causes sont déterminées par les art. 229, 230, 231, 232 du Code civil, en substituant au mot divorce les mots séparation de corps.

Art. 229.

Art. 230.

Art. 231.

Art. 232.

« Le mari pourra demander la séparation de corps pour » cause d'adultère de sa femme. »>

«La femme pourra demander la séparation de corps pour >> cause d'adultère de son mari, lorsqu'il aura tenu sa con→ > cubine dans la maison commune. »>

« Les époux pourront réciproquement demander la sépa>> ration de corps pour excès, sévices ou injures graves de >> l'un d'eux envers l'autre. >>>>

« La condamnation de l'un des époux à une peine infà>> mante sera pour l'autre époux une cause de séparation >> de corps (1). »

1354. L'art. 233 admettait pour le divorce une qua

(1) Le Code sicilien admet comme causes de séparation de corps par les art. 217, 218, 220, 221, celles indiquées dans les art. 229, 230, 231, 232, du Code Napoléon, par l'art. 219 il autorise la femme à demander avec le conseil de ses deux plus proches parents, la séparation peur cause d'adultère du mari, lorsqu'il vit publiquement avec une concubine;

D'après l'art. 222 la séparation ne peut avoir lieu du consentement mutuel des époux que sur l'homologation du tribunal civil;

Le Code de la Louisiane, art. 135 à 138, admet les causes déterminées par les art. 229 à 231 du Code français, et par l'art. 139 il permet de la demander, 1° pour cause de diffamation publique d'un époux envers l'autre ; 2o pour abandonnement ; 3° pour attentat à la vie;

Le Code sarde, art. 140, dit que les époux ne pourront même d'un commun accord se séparer sans y être autorisés par le juge ecclésiastique ;

Suivant le Code bavarois, la séparation de corps a lieu, 1o quand un des époux ne peut vivre avec l'autre sans un grand danger pour son âme ou pour son corps ; 2o pour adultère de l'un d'eux, mais cette cause cesse lorsque le délit est réciproque;

L'art. 255 du Code hollandais autorise à demander le divorce après une séparation depuis cinq ans :

En Autriche, la séparation de corps par consentement mutuel doit être autorisée par le juge après trois comparutions devant le curé, art. 103 à 106.

Elle peut, d'ailleurs, être demandée :

1o Pour condamnation comme adultère ou coupable d'un crime; 20 pour abandon coupable; 3° pour excès, sévices ou injures; 4° pour la dilapidation de la fortune du conjoint ; 5° pour infirmitès el maladies contagieuses et invélérées.

trième cause, savoir le consentement mutuel exprimé de la manière sous des conditions et après des épreuves déterminées par le chap. 3 du titre du Divorce. (V. les art. 275 et suiv.)

Mais cette cause de divorce et les règles qui s'y appliquent doivent rester étrangères à la séparation de corps. Car l'article 307 déclare que la séparation de corps ne pourra avoir lieu par le consentement mutuel.

Cette disposition est conforme au droit ancien. Jamais les tribunaux n'ont admis les séparations volontaires entre époux L'ordre public et intéressé au maintien des engagements qui résultent du mariage. Ces engagements formés sous l'autorité de la loi ne peuvent être détruits ni même modifiés par une simple convention privée. L'intervention de la justice est nécessaire pour apprécier les motifs de la séparation pour veiller aux intérêts des enfants nés du mariage, à celui des époux eux-mêmes, et pour juger si des circonstances impérieuses commandent une séparation qui est contraire au but du mariage et à l'ordre social.

1355. Plusieurs autres causes déterminées de divorce ou de séparation de corps avaient été aussi proposées:

1o Savoir, la démence, la fureur ou la folie de l'un des époux ;

2o L'absence;

3o L'abandon:

4° L'impuissance.

La première de ces causes avait été admise par la loi du 20 septembre 1792 (§ 1o, art. 4, no 1).

Mais elle blessait l'essence du mariage.

« Cet état, dont la condition et le charme inexprimable sont dans l'étroite communauté des biens et des maux, des plaisirs et des peines, oser le rompre devant le malheur involontaire, ce serait outrager les sentiments que les hommes les plus étrangers entr'eux éprouvent, la bienveillance et la pitié.

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