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413. Si les causes alléguées pour la séparation de corps sont justifiées, elle devra être prononcée immédiatement. La loi n'admet pas en cette matière le délai d'épreuve qu'elle autorisait pour les divorces par l'art. 259. (Arrêt du 21 février 1826, Cour de Rennes; autre du 2 août 1824, Cour de Corse.)

On conçoit facilement la raison de cette différence.

Par le divorce le mariage était dissous, et il n'était même plus permis aux époux de se réunir. Il était digne de la sagesse du législateur de fournir aux époux une dernière occasion de réconciliation, en retardant la rupture de l'union, d'une année pendant laquelle leur isolement pourrait amener chez l'un le repentir, chez l'autre le pardon.

Cette mesure bienveillante est inutile pour des séparations de corps qui laissent subsister le nœud de l'union tout en le relâchant, et que les époux peuvent faire cesser au moindre mouvement d'une volonté commune.

1414. Si les preuves ne paraissent pas suffisantes la demande en séparation de corps doit être rejetée. Cependant les tribunaux peuvent surseoir de quelque délai à l'exécution de leur décision qui oblige les époux à se réunir. Ils accorderont ce délai s'ils le jugent nécessaire pour calmer les passions et appaiser l'irritation respective.

1415. La séparation de corps emportera toujours séparation de biens (art. 311 du Code civil).

Mais comme elle ne dissout pas le mariage, elle laisse toujours subsister les devoirs respectifs des époux, autant que ces devoirs peuvent se concilier avec les effets de cette séparation.

De cette vérité on doit conclure que, si les revenus de l'un des époux sont insuffisants pour ses besoins, le jugement de séparation doit lui attribuer aux dépens de l'autre époux une pension alimentaire dont le taux sera calculé sur leur condition sociale et sur la fortune de celui qui en sera chargé.

SII.

Des mesures provisoires pendant l'instance en séparation.

SOMMAIRE.

1416. Les mesures provisoires pendant l'instance en séparation sont empruntées de la loi sur le divorce.

1417. Auquel des époux doit être confiée l'administration provisoire des enfants?

1418. Dé la résidence de la femme et d'une pension alimentaire.

1419. Peut-elle quitter le domicile marital avant que cette résidence lui soit fixée?

1420. Doit-elle obtenir une provision pour les frais du procès et une pension alimentaire?

1421. Si elle quitte la résidence fixée à quoi s'expose-t-elle ?

1122. La femme demanderesse ou défenderesse peut faire apposer les scellés sur les biens de la communauté.

1423. Le mari en devient après l'inventaire gardien judiciaire.

1416. Pour les mesures provisoires que peut rendre nécessaires la demande en séparation, dans le silence du chapitre 5 relatif à cette demande, on doit consulter la loi sur le divorce, loi qui dans sa section 2 règle ces mesures provisoires.

Nous remarquons, au reste, que les principales dispositions de cette section avaient été adoptées par la Chambre des Pairs dans le projet de loi qu'elle arrêta sur la séparation de corps, à sa séance du 28 décembre 1816. Cette circonstance est un motif de plus pour s'en référer à cette partie de la loi sur le divorce.

1417. L'art. 267 de cette loi s'exprime ainsi :

« L'administration provisoire des enfants restera au mari Art. 267. >> demandeur ou défendeur, à moins qu'il n'en soit autre»ment ordonné par le tribunal sur la demande, soit de la » mère, soit de la famille ou du ministère public, pour le plus grand avantage des enfants (1). »

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(1) Sur les mesures provisoires le Code sicilien, art. 144 à 148, est conforme au Code Napoléon, art. 267 à 271.

TOME 11.

51

Art. 268,

Cet article avait été littéralement copié dans le projet de loi de 1816 il formait l'art. 20 du projet.

Il suffit de le lire pour l'approuver. C'est le plus grand avantage des enfants qui doit d'abord diriger le choix de la personne à laquelle l'administration provisoire de ces enfants sera confiée.

Mais s'il n'y a pas de motif grave pour en priver le mari, il doit la conserver, parce qu'elle lui appartient, tant que la société conjugale n'est pas dissoute ou modifiée, comme chef de cette société et comme investi de la puissance paternelle. 1418. L'art. 268 a aussi une disposition qui doit s'appliquer à la demande en séparation de corps.

«La femme demanderesse ou défenderesse pourra quitter le domicile du mari pendant la poursuite, et demander une pension alimentaire proportionnée aux facultés da mari. Le tribunal indiquera la maison dans laquelle la femme sera tenue de résider, et fixera, s'il y a lieu, la provision alimentaire que le mari sera tenu de lui payer. >>

La femme pourra quitter le domicile de son mari pendant la poursuite.

La loi veut, dans le même article, que le tribunal indique la maison où la femme sera tenu de résider; mais elle ne dit pas si avant cette indication la femme pourra quitter le domicile marital.

1419. La rédaction de la Commission était plus claire : Si la femme a quitté ou déclaré vouloir quitter, disait le projet.

Cependant, quoique la forme de la rédaction ait été changée, elle ne refuse pas à la femme la faculté de quitter ce domicile sur-le-champ, sauf à demander plus tard l'indication de la maison où elle devra résider. Elle l'y autorise même par ces mots : La femme pourra quitter le domicile du mari.

C'est ainsi, au reste, que l'article doit être entendu, comme l'atteste Locré dans l'Esprit du Code. La femme peut être dans la nécessité de se soustraire par une prompte fuite

aux violences et aux excès auxquels le mari demandeur ou défendeur pourrait se porter.

L'art. 21 du projet de 1816 portait une disposition semblable à celle de l'art. 268 du Code, quant à l'indication de la maison où elle serait tenue de résider pendant la poursuite, si d'ailleurs cette résidence ne lui avait pas déjà été fixée, conformément à l'art. 878 du Code de procédure, par l'ordonnance qui l'avait autorisée à former la demande.

Le même art. 21 établissait la même règle pour la provision alimentaire.

1420. La jurisprudence a appliqué au cas de la séparation de corps la disposition de l'art. 268 sur la provision alimentaire. C'était justice la femme, pendant l'instance, qu'elle soit demanderesse ou défenderesse, doit recevoir de son mari ce qui lui est nécessaire, suivant sa condition, pour sa subsistance et son entretien, à moins qu'elle n'ait des ressources particulières; elle doit aussi obtenir une provision pour fournir aux frais du procès; et cette provision commandée par ses besoins elle devrait l'obtenir sur l'appel, quoiqu'elle eût négligé de la demander devant les premiers juges. (Arrêt de la Cour de cassation, du 14 juillet 1808; autre de la même Cour, du 28 juin 1815, rapportés par Denevers, t. 6. 1. 474, et t. 15. 1. 372.)

La loi ne s'occupe que de la femme, soit pour l'éloignement du domicile conjugal, soit pour la provision maritale.

Cette remarque a été faite au Conseil d'Etat.

Cependant le domicile commun peut être dangereux pour le mari; mais il ne lui est pas défendu de s'en éloigner luimême, ou, si les circonstances l'exigent, il peut obtenir du juge l'autorisation d'en éloigner son épouse. C'est un de ces cas que la loi abandonne à la conscience et à la sagesse des magistrats. (Procès-verbal du 26 vendémiaire an 10, Esprit du Code Napoléon.)

Quant aux aliments, le mari comme chef de l'union con

Art. 270.

jugale ne peut être dans le besoin, si la fortune de la femme est suffisante.

Car s'il est marié sous le régime de la communauté, il 'administre les biens de la femme et en perçoit les revenus. Il a aussi cette administration sous le régime dotal.

Enfin, lors même que les biens de la femme seraient paraphernaux, il aurait le droit d'exiger de celle-ci le tiers de ses revenus pour fournir aux besoins du ménage.

Au reste, sa qualité de mari l'autoriserait dans tous les cas à demander des aliments. (Esprit du Code Napoléon sur l'art. 268.)

1421. Mais la femme est tenue de justifier de sa résidence dans la maison qui lui a été indiquée toutes les fois qu'elle en est requise; à défaut de cette justification la provision alimentaire peut lui être refusée par le mari, qui peut même, si elle est demanderesse, la faire déclarer non-recevable à continuer ses poursuites.

Telle est la disposition de l'art. 269 du Code civil; et cette disposition avait été reproduite dans l'art. 22 du projet de 1816, qui cependant avait apporté à la règle une sage modification, pour le cas d'une excuse légitime au défaut de résidence.

Cette modification, au reste, commandée par la raison, serail appliquée par les tribunaux dans le silence de la loi. Car l'inobservation, légitimée par une excuse valable, ne doit pas être punie. On conçoit que l'abandon momentané seulement de la résidence fixée ne devrait faire encourir aucune peine à la femme qui rentrerait dans cette demeure.

1422. L'art. 270 du Code civil autorise la femme à pren'dre une mesure conservatoire qui peut placer le mari dans une position assez difficile. Voici en quels termes :

«La femme commune en biens, demanderesse ou défen>> deresse en divorce, pourra, en tout état de cause, à partir » de l'ordonnance dont il est fait mention dans l'art. 238, >> requérir, pour la conservation de ses droits, l'apposition

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