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dernes. Elle a provoqué le rejet de la proposition de considérer le recel de l'accouchement comme la preuve d'une naissance illégitime, même lorsque l'adultère est constant(1). Mais l'adultère doit-il être préalablement prouvé, et de quelle manière?

On pourrait dire que la première condition, la preuve de l'adultère, ne devrait résulter que d'un jugement public qui condamnât la femme et son complice ou qui prononcât contre la femme la séparation de corps pour cette cause déterminée. La nécessité d'un jugement public pour constater l'adultère fut déclarée par le tribun Duveyrier, lors de la discussion de l'article 313. Cependant l'article ne le prescrit pas expressément, et plusieurs arrêts ont admis l'action en désaveu sans que la preuve juridique et préalable fût rapportée. C'est ce qu'ont décidé, notamment un arrêt de la Cour de cassation, du 8 juillet 1812, et un arrêt de la Cour de Rouen, du 5 mars 1828. Un autre arrêt de cassation, du 25 janvier 1831, décide aussi, en rejetant un pourvoi formé contre une décision de la Cour de Paris, « que le recèlement de la naissance de l'enfant est la seule condition exigée par la loi pour l'admission du désaveu, fondé sur l'adultère de la femme; que l'article cité (l'article 313), n'exige rien de plus; que la preuve juridique de l'adultère serait même absolument sans objet, la preuve que le mari n'est pas le père de l'enfant désavoué ne pouvant être faite sans emporter nécessairement celle de l'adultère de la femme, et que c'est vraisemblablement pour le mari que la loi n'exige pas que l'adultère de la femme soit constaté par un jugement préalable; qu'il suffit donc, en point de droit, que la naissance de l'enfant ait été cachée au mari pour qu'il y ait lieu d'admettre le désaveu de l'enfant pour

cause d'adultère. >>

(1) V. l'Esprit du Code civil, par Locré, sur l'article 313, t. 5, éd. in-4, p. 28 et suiv.

Ces raisons paraissent décisives. On ne doit, d'ailleurs, admettre de fins de non recevoir que celles qui sont expressément écrites dans la loi (1).

Quant au recel de l'enfant, il sera établi par son éloignement du domicile des deux époux, par les divers faits de clandestinité qui auraient accompagné l'accouchement, et par ceux qui entoureraient l'éducation de l'enfant.

La désignation dans l'acte de naissance d'un autre père que le mari et la déclaration qui y serait faite que le mari est inconnu, seraient des circonstances indicatives que la naissance a été cachée au mari ( Arrêts du 9 août 1813; autres des 1er août et 28 juin 1819, et des 2 et 4 décembre 1820 (2). Mais ces énonciations dans l'acte de naissance ne suffiraient pas pour établir l'illégitimité. Arrêt du 14 juil→

let 1827 (3).

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On peut voir aussi Toullier, tome 2, no 861, qui prouve avec l'autorité de d'Aguesseau que l'acte de naissance est divisible, et qu'en constatant la maternité déclarée il prouve aussi la paternité du mari, quoique déniée par l'acte. Cette doctrine est vraie; car ce n'est pas la déclaration, c'est le fait qui constitue la maternité et par suite la paternité qui s'y rattache. Si donc la maternité est reconnue ou constatée par la déclaration de naissance, la paternité du mari en résulte de plein droit tant qu'elle n'est pas désavouée.

Lorsque ces deux conditions existent, le mari doit être admis à proposer les faits justificatifs d'une paternité étrangère, et à prouver, tant par des écrits que par des témoignages, et même par des présomptions, qu'il n'est pas le

(1) V. les arrêts cités à la page précédente, dans le Journal de Sirey., 28. 2. 143; et 31. 1. 81.

Voir aussi la dissertation de M. Merlin lors de l'arrêt du 8 juillet 1812; Répertoire, v° Légitimité, sect. 2, § 2, no 5. L'auteur convient qu'il avait été entraîné par l'autorité des discours de MM. Lahary et Bigot-Préameneu plutôt que par sa conviction personnelle.

(2) Dalloz jeune, 1. 20, 20, 49; Sirey, 20. 2. 7; et 21. 2. 98. (3) S., 28. 2. 206; D., 27. 2. 10.

père de l'enfant qu'il désavoue; et si ces preuves ne sont pas détruites par les preuves contraires que pourra présenter la mère ou que pourra produire l'enfant, ou pour lui un tuteur spécial; si, d'ailleurs, les preuves sont concluantes, l'enfant sera déclaré illégitime.

Mais si les preuves étaient équivoques, si quelques doutes restaient dans les esprits, le désaveu devrait être rejeté. Dans le doute, la présomption de la loi doit l'emporter ; la maxime pater is est quem nuptiæ demonstrant doit triompher; elle ne peut céder qu'à l'évidence contraire.

700. Nous avons dit que pour que le mari fût admis à présenter les faits propres à justifier son désaveu, il fallait que l'adultère de l'épouse fût constant et que le recel de l'enfant fût préalablement établi. C'est aussi ce qu'indiquent les discussions qui ont préparé la loi, et c'est ce qu'a jugé un arrêt de la Cour de Nimes, du 13 juillet 1827 (1).

Cependant, la Cour de Metz, par arrêt du 29 décembre 1825, a décidé que, sans qu'il fût besoin de rapporter la preuve juridique et préalable de l'adultère ni même celle du recel de l'enfant, on pouvait établir ces faits simultanément avec celui de la non paternité (2).

Cet arrêt ne paraît pas en harmonie avec la lettre et l'esprit de la loi, au moins relativement à la nécessité de la preuve préalable du recel, preuve qui peut, dans beaude cas, résulter de l'acte de naissance même de l'enfant, si le mari n'y est pas désigné comme père.

coup

Mais si le recel et l'adultère paraissent constants, le désaveu peut être admis, quoique ce recel n'ait pas été préala– blement constaté par jugement. (3).

Lorsque le fait de l'adultère et celui du recel de la naissance de l'enfant sont constants, il n'est pas toujours nécessaire que, pour justifier le désaveu, les tribunaux ordon

(1) S., 28. 2. 159.

(2) S., 27. 2. 186.

(3) Arrêt du 9 mai 1838, Cour de cassat.; S., 38. 1. 854.

nent une preuve par témoins. Si, comme nous l'avons déjà fait observer, des présomptions graves et précises se rencontrent et portent la conviction dans l'esprit du juge, il peut immédiatement admettre le désaveu. Car toutes les fois que la preuve testimoniale est admissible, les preuves morales ou des présomptions fortes et concordantes peuvent suffire. C'est ce que l'art. 1353 autorise, et c'est ce qu'a jugé la Cour de cassation, par arrêt du 4 avril 1837, rapporté par Sirey.

En général, les juges ont un pouvoir discrétionnaire sur l'appréciation des circonstances qui prouvent soit l'adultère, soit le recel, et qui justifient le désaveu (1).

701. Remarquons qu'en vain la mère elle-même reconnaîtrait l'illégitimité de la naissance. Sa déclaration devrait être repoussée. On la regarderait comme le fruit de la passion, de la colère, de la haine, et peut-être aussi de la crainte. On proposait au jurisconsulte Scævola une telle question :

An obsit professio à matre iralâ facta.

Voici sa réponse :

Veritati locum superfore. L. 29, § 1, ff. de prob. et præsumpt.

Le mari et la femme se réuniraient en vain pour attester l'illégitimité de l'enfant. Leur déclaration serait sans force. Car elle ne pourrait nuire à l'état de cet l'enfant, et il faudrait toujours en revenir à l'examen des conditions prescrites par l'art. 313 et à l'appréciation des preuves qu'il

exige.

Non nudis asseverationibus nec ementitià professione, licet ulrique consentiant, sed matrimonio, legitimè constituti filii, patri constituuntur. L. 14, Cod. de prob. et præs.

Les père et mère, disait d'Aguesseau, dans la cause du sieur de Vinantes, peuvent bien assurer par leur témoi

(1) Sirey, 37. 1. 439. Voir aussi dans le même Journal un arrêt de la Cour de cassat., du 9 mai 1838, S., 38. 1. 854,

gnage l'état de leurs enfants; mais ils ne peuvent jamais le détruire (1)

Tels sont les vrais principes sur l'action en désaveu pour impossibilité morale dans le cas d'adultère.

702. Cependant on doit reconnaitre que ces principes n'ont pas toujours été scrupuleusement observés.

Ainsi, par arrêt du 24 mars 1825, la Cour de Bastia a jugé qu'un mari était admissible à désavouer l'enfant né de sa femme, pour une impossibilité morale dont l'appréciation était abandonnée aux lumières et à la discrétion du juge.

Ainsi, la Cour de Paris a aussi décidé que, dans le concours de certaines circonstances, telles que la retraite de la femme dans une ville voisine de celle habitée par son mari, qui la poursuivait en séparation de corps, pour adultère et injures graves, les juges pouvaient trouver une impossibilité morale de cohabitation, et par suite admettre l'action en désaveu de paternité. — Arrêt du 29 juillet 1826.

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Ainsi, la même Cour a déclaré que la présomption de légitimité cessait, lorsqu'il était constant qu'à l'époque de la conception, la femme étant brouillée avec son mari cohabitait avec un autre homme, et que l'enfant, attribué à un père inconnu, n'avait pas cessé d'habiter avec la mère et son complice. Arrêts du 28 juin 1819, et 4 décembre 1820. Ces arrêts ont été entraînés par des circonstances particulières et des plus graves sans doute. Ces circonstances peuvent les justifier. Cependant ils ne sont pas exactement conformes aux règles; et leurs exemples ne doivent pas être suivis. Il est toujours plus sûr et plus convenable de s'en tenir à la loi, quelque imparfaite qu'elle puisse parattre dans certaines occasions. La méconnaître c'est vouloir être plus sage qu'elle; c'est la détruire sous prétexte de

(1) V. d'Aguesseau, 23 Plaidoyer, Menochius, de præsumptionibus. Lib. 6, præs. 53, no 6, et seq. Lacombe au mot Enfant, no 10; Cochin, dans la cause de la demoiselle Ferrand. Le Répertoire de Merlin, v. Légitimité.

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