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La première réunion du Conseil eut lieu en juillet 1902. Depuis sa constitution le Conseil a tenu de nombreuses réunions plénières ainsi que partielles. Deux comités surtout ont été chargés d'étudier, l'un, la migration de certains poissons et l'autre, la relation de la pêche avec la reproduction. L'assemblage des données est l'œuvre du Bureau de Copenhague dont les rapports constituent une précieuse documentation des questions de pêche, élément essentiel dans l'étude de la question de la mer territoriale.

Du côté anglais deux commissions officielles importantes sur les pêcheries ont siégé en 1901-2 et 1907-8; il y a été plusieurs fois question de l'extension de la mer territoriale.

En 1910 se sont tenues les séances de la Cour d'arbitrage de La Haye pour interpréter une convention du 20 octobre 1818, entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, réglant la pêche sur la côte Nord-Atlantique de l'Amérique. La Cour était composée de notre éminent Collègue M. Lammasch comme président, Jonkheer A F. de Savornin-Lohman (Pays-Bas); M. Louis Maria Drago (Argentine), M. George Gray (ÉtatsUnis), et M. Charles Fitzpatrick (Canada). Dans cet arbitrage, la situation des baies et golfes donnait lieu à une divergence d'opinion entre les arbitres. Les représentants des États-Unis avaient prétendu que la marge de 3 milles marins était un principe de droit international qui s'appliquait aux baies ainsi qu'aux autres sinuosités de la côte. La Cour n'acceptait pas cet argument pour les raisons suivantes.

<< Parce qu'il est admis que le caractère géographique d'une baie renferme des conditions concernant les intérêts du souverain territorial, dans une mesure plus intime et plus importante que ceux qui se rattachent à la côte ouverte. Ainsi, les conditions d'intégrité nationale et territoriale, de défense, de commerce et d'industrie sont toutes rattachées d'une façon vitale au contrôle des baies qui pénètrent la ligne nationale cotière. Cet intérêt varie, en thèse générale, en proportion de la

pénétration de la baie dans le territoire; mais, comme aucun principe de droit international ne reconnaît une relation spécifique entre la profondeur de la baie et les exigences du contrôle de la souveraineté territoriale, cette Cour ne peut pas subor. donner à des conditions, par l'application d'un nouveau principe, son interprétation du Traité de 1818, pour exclure les baies en général de l'application stricte et systématique de la règle des trois milles; la Cour ne peut non plus prendre connaissance, en l'espèce, d'autres principes concernant la souveraineté territoriale sur des baies avec des limites d'exclusion de 10 ou 12 milles, basées sur des actes postérieurs au Traité de 1818 et se rattachant à des côtes d'une configuration différente et à des conditions d'un caractère différent ».

La Cour a essayé de donner une définition du mot « baie ». C'est, disait-elle, « une indentation de la côte ayant une configuration d'un caractère particulier facile à déterminer specifically, mais difficile à décrire generally. (1) Les négociateurs de la convention de 1818..... croyaient sans doute que tout le monde savait ce que c'était qu'une baie. C'est dans ce sens populaire qu'il faut interpréter le terme. Cette interprétation doit tenir compte de toutes les circonstances individuelles de chaque baie, la relation de sa largeur à la longueur de sa pénétration dans le territoire, la possibilité et la nécessité de sa défense par l'État quelle pénètre, la valeur spéciale qu'elle a pour l'industrie des habitants de ses côtes, la distance qui la sépare des voies maritimes des nations sur la mer ouverte et d'autres circonstances qu'il est impossible d'énumérer généralement ».

La décision concluait que dans le cas de baies, les 3 milles marins seraient mesurés d'une ligne droite tirée à travers l'ouverture, à l'endroit où elle cessait d'avoir la configura

(1) La décision fut rendue en anglais.

tion et les caractéristiques d'une baie ». A tous autres endroits les 3 milles seraient mesurés le long des sinuosités de la côte.

M. Drago ne se ralliait pas à cette décision qui esquivait véritablement la question à résoudre, déclarant, non sans raison, qu'il y aurait lieu de faire une nouvelle convention pour décider quelles ouvertures avaient «< la configuration et le caractère d'une baie ».

Dans la Grande Brétagne où l'industrie de la pêche dépasse en importance celle de tout autre pays, l'opinion est très divisée au sujet de l'extension de la limite de 3 milles marins et quant au traitement des baies. Tandis qu'on est obligé d'admettre que, pour les grandes baies écossaises qui pénètrent à une profonde distance dans le territoire, la police cotière devrait avoir le droit d'imposer le respect des règlements établis par l'Etat adjacent pour la conservation de la pêche surtout, on craint que l'extension des limites reconnues par la convention de la mer du Nord ne puisse avoir pour effet de restreindre la sphère libre de la pêche maritime en général, au détriment de la pêche britannique. L'utilité de procéder de tous les côtés avec soin a été démontrée par la proposition du gouvernement russe, au commencement de 1910, d'interdire aux pêcheurs étrangers de poursuivre leur industrie dans une vaste étendue de la mer de Barentz, propre à l'exercice de la pêche. On voulait faire partir une zone de 12 milles d'une ligne entre les deux caps Sviatoi et Kanin séparés d'environ 120 milles marins. Cette prétention n'a pas été maintenue.

Dans un autre ordre d'idées, il faut, dans le nouveau règlement à établir, tenir compte de la Convention de La Haye de 1907 «< concernant les droits et devoirs des puissances neutres en cas de guerre maritime », règlement qui contient un certain nombre de dispositions touchant les «< eaux territoriales ». Soit dit en passant: cette convention assez mal rédigée a besoin d'être remaniée.

Les modifications que je propose ont, pour les raisons indiquées plus haut, nécessairement un caractère provisoire. Je ne crois pas opportun d'essayer de faire plus pendant cette session; que de poser quelques bases pour l'étude plus approfondie que la commission pourra entreprendre.

Il y aura surtout lieu de faire une nouvelle enquête sur différents points. J'en soulève trois, concernant les baies, les îles et les bancs submergés.

Dans l'avant-projet de règlement qui suit, j'ai divisé la matière en trois parties.

1o La nature des eaux territoriales (terme que la Conférence de La Haye a emprunté aux Anglais, plutôt que la << mer territoriale » qui entraine des circonlocutions dans la rédaction);

2o Les droits de l'Etat riverain;

3o Les relations entre belligérants et neutres.

Là où je n'ai pas expliqué les modifications et additions que j'ai faites dans ce rapport, je les explique en notes au fur et à mesure du développement de cet avant-projet.

N. B. Les articles de notre règlement de 1894 sont imprimés en caractères gras, les passages dont je propose la radiation sont placés entre guillemets, les additions sont indiquées par des italiques, et les articles de la Convention de La Haye sur les belligérants et les neutres en caractères ordinaires.

AVANT-PROJET

L'Institut,

Considérant qu'il n'y a pas de raison pour confondre en une seule zone la distance nécessaire pour l'exercice de la souveraineté et pour la protection de la pêche littorale et celle qui l'est pour garantir la neutralité des non-belligérants en temps de guerre ;

[Que la distance la plus ordinairement adoptée de trois milles de la laisse de basse marée a été reconnue insuffisante pour la protection de la pêche littorale ;

Que cette distance ne correspond pas non plus à la portée réelle des canons placés sur la côte ;]

Que, les questions relatives à la protection de la pêche maritime étant en train de se transformer, il est utile de laisser ces questions hors de cause;

Que l'usage de la Haute Mer est libre, sous réserve, toutefois, de telles restrictions que les Etats intéressés conviennent de s'imposer d'un commun accord (1);

Que toute souveraineté revendiquée sur une partie de la mer ouverte au delà des 3 milles marins implique pour l'Etat littoral l'exercice effcctif de la dite souveraineté (2);

(1) Au courant des débats dans l'affaire des pêcheries du Nord-Atlantique à La Haye, les représentants des Etats-Unis ont soutenu qu'on ne pouvait pas abandonner son droit à la liberté de la Haute Mer.

(2) Il s'agit ici d'un principe qui semble indiqué par des dispositions (voir art. 8 et 25) de la Convention de La Haye de 1907, dont il est question dans le présent Avant projet, et dont l'opération est restreinte de façon à produire l'impression que, sans elles, la souveraineté effective serait de rigueur. D'ailleurs les analogies sont favorables à la reconnaissance de ce principe.

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