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blent gagner du terrain en Europe : « J'ai remarqué que l'on faisait exception dans nos traités pour les questions intéressant l'honneur national et soustraites par suite à l'appréciation des cours d'arbritrage. Je ne vois personnellement aucune raison pour que les questions intéressant l'honneur national ne soient pas portées devant les Cours d'arbitrage, aussi bien que celles concernant la propriété ou le domaine national. Je sais que ce serait aller plus loin que maintes personnes n'y sont disposées, mais je ne vois pas pourquoi des questions d'honneur ne seraient pas soumises à un tribunal composé d'hommes d'honneur qui comprennent les questions d'honneur national, et abandonnées à leur décision aussi bien que toute autre question d'honneur surgissant entre les nations. » Vous remarquerez, Messieurs, que certains traités ne contiennent pas cette clause de réserve dont le caractère trop vague a été justement critiqué par Sir Barclay, le rapporteur de la deuxième commission.

L'activité des trustees parmi lesquels figurent deux de nos membres M. Eliah Root et M. James Brown Scott a été considérable. Il m'est impossible de vous en exposer le tableau. Je dois cependant signaler le fait que l'un des premiers actes de la section juridique de cette espèce de Conseil d'Administration, fut de voter une subvention importante à l'Institut de Droit international pour lui permettre d'indemniser, dans une certaine mesure, les membres et associés qui font des voyages parfois énormes pour assister à ses sessions et nous l'en remercions vivement. Ils ont compris que, si nous ne nous appelons pas l'Institut de la Paix, tous nos efforts tendent à faire pénétrer plus de justice et un sentiment plus profond du droit dans les rapports entre nations, que le droit est le seul fondement solide d'une paix durable entre elles, que la Paix qui ne repose point sur la justice n'est qu'une paix éphémère et chancelante, que la statue de la Paix ne doit point nous apparaître sous la forme d'une Minerve guerrière, d'une

moderne Bellone armée de pied en cape et épuisant pour son armement le sang et la vie des Etats. Toutes les aspirations de ceux-ci vers la réduction proportionnelle des armements sont destinées à un lamentable échec, aussi longtemps que la Paix ne reposera pas sur une justice internationale assurée par l'extension de l'arbitrage.

Les trustees du fonds Carnégie nous ont rendu un autre hommage auquel j'ai été plus sensible pour ma part. Ils nous ont demandé si nous acceptions le titre de conseiller juridique du Carnégie Endowment On demandait au Bureau une réponse immédiate par câble. Il a estimé que c'était un honneur pour l'Institut et a cru devoir accepter. Cet honneur lui impose une charge, celle de contribuer dans la mesure de ses forces, dans la mesure de la mission qu'il s'est tracée, à la réalisation sinon complète et perpétuelle, (c'est peut-être un rêve mais un beau rêve, n'en déplaise à un illustre guerrier), du vœu de Carnegie, du moins à la marche de plus en plus progressive de l'humanité vers ce noble idéal.

J'ai à vous signaler un autre fait intéressant de la vie internationale, c'est la fondation d'une Académie de droit international à La Haye, grâce à l'intervention d'un des nôtres, d'un des fondateurs de notre Institut, de M. Asser, une de nos gloires, le Président de tant de Conférences de droit international. Vous savez tous qu'à cette institution nouvelle, sur l'objet et sur l'organisation de laquelle je n'ai pas le loisir de m'étendre, il a consacré généreusement une partie importante de la récompense si bien méritée qui lui a été décernée ici même par le Parlement Norvégien, le prix de la Paix.

Une autre récompense l'attendait, et je puis ajouter qu'elle attendait l'Institut aussi. Dès 1863 notre éminent collègue avait proposé à l'Association pour le progrès des sciences sociales, la mise à l'étude d'un projet de loi uniforme sur les lettres de change. Le commerce mondial attendait cette loi avec une

impatience bien légitime, mais qui ne devait recevoir satisfaction qu'après de longues années. L'Institut s'empara de la question, sur la motion de M. Asser. Il adopta, il y a près de vingt ans, un projet de loi uniforme et un projet de règlement des conflits en matière de lettre de change élaboré par notre savant collègue, feu M. Goldtschmidt. Le problème était résolu théoriquement. Il ne l'était pas en droit positif. Il vient de l'être; la voie était ouverte; et comme vous le savez, M. Asser a eu la joie et l'honneur de présider la Conférence de La Haye dans laquelle cette tâche importante a été accomplie. Est-ce exprimer une prétention excessive que d'en attribuer en partie l'honneur à M. Asser et à notre Institut?

J'ai à noter enfin l'apparition d'un nouvel Institut, l'Institut américain de droit international qui réunit dans son sein des jurisconsultes des deux Amériques. Vous n'y verrez certainement pas un rival, mais un précieux auxiliaire dans votre grande œuvre. Et fût-ce un rival, ce serait une noble et fructueuse rivalité dont nous n'aurions pas à nous plaindre. Vous saluerez donc, je pense, le nouveau venu, avec la sympathie que beaucoup de vos membres lui ont déjà témoignée, d'autant plus que l'un de ses principaux promoteurs est un de nos membres M. James Brown Scott assisté d'un éminent jurisconsulte américain M. Alvarez que j'espère voir figurer un jour parmi nous. Cette création nouvelle ne tend-elle pas du reste à seconder le succès de nos efforts parmi les habitants du vaste Continent américain et ne répond-elle pas, avec ampleur, aux aspirations que révèle l'article 8 de nos Statuts ? Ajoutons que, par une tradition presque séculaire, les Etats relativement jeunes de l'Amérique du Nord, et de l'Amérique du Sud, sont les partisans ardents de certaines doctrines progressives du droit international, par exemple de l'arbitrage sans réserve aucune et de l'abolition de la saisie et de la confiscation de la propriété privée ennemie même sous pavillon ennemi dans la guerre maritime, doctrine admise par l'Institut depuis plus de trente ans.

Je me hâte, Messieurs de terminer ce trop long rapport par lequel je crains d'avoir abusé de votre temps et peut-être dépassé ma mission. Mais en terminant je ne puis m'empêcher de faire un rapprochement. C'est de ce pays au rude climat, aux sites sauvages mais d'une beauté sublime, que partaient, il y a dix siècles environ, ces fiers guerriers qui allaient porter sur les côtes de l'Europe centrale la dévastation et la terreur, qui remontant, dans leurs frêles embarbations nos fleuves et nos rivières firent trembler parfois nos plus grandes cités. C'est dans ce pays que, par un retour providentiel, est décernée chaque année une glorieuse récompense à tous ceux qui ont le plus travaillé au triomphe de cette grande cause de la Paix à laquelle tous vous consacrez votre opiniâtre labeur avec une ardeur passionnée. C'est dans ce pays que, pour la première fois, on a reconnu, en la décernant à notre Institut, que la voie la plus sûre pour y arriver est celle que vous avez choisie : préconiser le respect du droit entre les nations, en tracer les règles d'une main ferme, en recommander solennellement l'observation. Nous avions donc une dette à payer à cette Norvège autrefois si belliqueuse, aujourd'hui vouée avec la même indomptable énergie à tous les arts, à toutes les nobles occupations de la Paix. Nous lui faisons bien tardivement du reste une visite de reconnaissance. Mais je crains fort que nous ne contractions une nouvelle dette, et je crois être l'organe de tout l'Institut en adressant nos remerciements au Comité de réception pour le sympathique accueil qu'il nous a préparé. Ai-je besoin de dire que tous les membres de l'Institut qui n'ont qu'une seule âme, lorsqu'il s'agit de la cause de la civilisation de la justice et de la Paix, applaudissent de tout cœur à l'acte par lequel S. M. Haakon VII a manifesté, en venant inaugurer solennellement leurs travaux, l'intérêt qu'il prend à cette cause sacrée et joignent leurs remerciements à ceux qui lui ont été adressés par leur Président, avec tant de chaleur et d'éloquence.

IV

Délibération en séance plénière sur la proposition faite à l'Institut par MM. les Trustees de la Fondation Carnegie dans l'intérêt de la paix.

Séance du Lundi matin 26 août

Présidence de M. HAGERUP, président

M. le Président rappelle que la Fondation Carnegie a donné à l'Institut une somme de cent mille francs, dont l'emploi a été laissé à la libre initiative de celui-ci. Il fait connaître les décisions qui ont été prises en séance administrative, pour utiliser cette somme, de manière à favoriser et à faciliter autant que possible les réunions des Commissions, dans les intervalles entre les sessions et l'assistance des membres et associés aux sessions mêmes. Le Bureau proposera à l'Assemblée plénière de voter une motion de remerciements à la Fondation Carnegie. L'Institut aura d'ailleurs à se prononcer d'une manière définitive sur la proposition, que la Fondation Carnegie lui a faite, d'être son Conseiller juridique et qui a été provisoirement acceptée par le Bureau. M. le Président prie M. James Brown Scott, Directeur de la Division juridique de la Fondation Carnegie, de bien vouloir faire connaître ses vues personnelles sur les relations que la Fondation Carnegie serait heureuse de voir s'établir entre elle et l'Institut.

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