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traité quelconque dont l'application ou l'interprétation aura été, à teneur de l'ultimatum de l'un des belligérants, la cause directe de la guerre. »

M. VALLOTON fait les observations suivantes :

<< L'histoire des guerres les plus récentes démontre que la cause directe de la guerre n'est généralement pas avouée par celui qui recourt aux armes. Sera-t-il admissible d'invoquer, comme cause de suppression d'un traité, les griefs invoqués par exemple dans la presse, alors que l'Etat assaillant n'aura peut-être jamais officiellement allégué les griefs qui ont en réalité causé la guerre? Il importe d'ailleurs, au point de vue du droit désirable, que l'absence de tout ultimatum emporte une sanction consistant dans le maintien du traité dont l'assaillant n'a pas demandé une meilleure application.

Comment le juge chargé de statuer, après la guerre, sur les contestations, pouvant naître de l'interprétation de l'art. 2, 4°), pourra-t-il dire quelle a été la cause directe de la guerre, si l'on ne précise les sources auxquelles il devra puiser sa conviction? C'est dans l'ultimatum, énumération officielle des griefs de l'un des belligérants, que cette cause directe sera alléguée ».

M. POLITIS combat l'amendement de M. Vallotton qui, selon lui, a une portée trop théorique.

M. LAMMASCH fait remarquer que l'ultimatum n'est pas un acte absolument nécessaire. Il propose d'élargir ainsi l'amendement de M. Vallotton: « A tout traité quelconque, dont l'application ou l'interprétation aura été, suivant les actes officiels, émanés d'un des gouvernements avant l'ouverture des hostilités, la cause directe de la guerre. »

M. VALLOTTON déclare se rallier à l'amendement de M. Lammasch.

M. POLITIS ne s'oppose pas à cette rédaction qui, selon lui, n'ajoute rien à son texte, puisqu'il y aura toujours des textes officiels pour constater la cause d'une guerre.

Le 4 alinéa de l'art. 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. L'assemblée décide sur la proposition de M. de Lapradelle la suppression du mot « quelconque ».

M. le Président propose de remplacer l'art. 5 par le texte suivant : « Les traités qui ont été conclus en vue de la guerre ne sont pas visés par les art. 2-4 ». L'amendement, mis aux voix, est adopté.

«

M. le Présidenr lit l'amendement suivant de M. Catellani. << Les règles énoncées dans l'art. précédent doivent servir à l'effet d'interpréter le silence et de combler les lacunes du traité de paix. >>

Il est donné lecture d'un autre amendement de M. Mercier, qui est ainsi conçu :

<< En dehors de la responsabilité qu'entraînerait la violation de ces règles, celles-ci doivent servir à interpréter le silence et à combler les lacunes du traité de paix. »

M. MERCIER. Mon amendement est parfaitement conforme aux idées défendues par M. le Rapporteur et tend uniquement à éviter toute équivoque. Les art. qui précèdent ont en effet un double but : les uns (p. ex. les art. 1 et 4) établissent une obligation absolue pour les Etats qui ne pourront pas y faillir sans engager leur responsabilité. Les autres art. (2 et 3), fixent les règles à suivre pour interpréter le silence des traités de paix. Or, dans la rédaction actuelle, le 1er alinéa de l'art. 6 pourrait être interprété comme excluant le premier but. II importe que le texte soit parfaitement précis afin de couper court à une interprétation erronée.

M. CATELLANI déclare se rallier à l'amendement de M. Mercier.

M. POLITIS accepte l'amendement de M. Mercier. L'article est voté ainsi amendé.

:

M. le Président donne lecture d'une réserve dont les signataires MM. Goudy, Barclay, Macdonnell, von Bar, Harburger, Kennedy, Sherston Baker, Oppenheim et Wilson, demandent l'insertion au procès-verbal.

Cette réserve est ainsi conçue :

Attendu qu'il est impossible d'énumérer complètement les exceptions au principe affirmé dans l'article 7;

Qu'il est utile d'éviter autant que possible des conflits entre la diplomatie et la doctrine;

Qu'on devrait tenir compte des circonstances spéciales à chaque cas;

Qu'il est dangereux de définir strictement les limites de la validité des traités, entre les belligérants et les Etats tiers ou des traités collectifs;

Les soussignés désirent que leurs réserves à ce sujet soient inscrites au procès-verbal :

L. v. Bar, Harburger, W. R. Kennedy, Sherston Baker, L. Oppenheim, Geo. G. Wilson, A. Goudy, Thomas Barclay, John Macdonell.

Séance du Samedi matin 31 août 1912

Présidence de M. HAGERUP, président

M. le PRÉSIDENT donne lecture du texte du projet de règlement concernant les effets de la guerre sur les traités, tel qu'il a été voté sauf rédaction définitive.

Après un court échange d'observations auquel prennent part MM. le Rapporteur, Kebedgy et Beichmann l'expression conclus en vue de la guerre est remplacée dans l'art. 11 par les mots relatifs au droit de la guerre.

Personne ne demandant plus la parole, M. le Président met aux voix l'ensemble du projet dans son texte définitif. Conformément au règlement le vote a lieu par appel nominal; le résultat en est: 33 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

M. le Président, au milieu des marques unanimes d'assentiment de l'assemblée, adresse à M. le rapporteur Politis ses félicitations les plus chaleureuses pour le talent qu'il a déployé dans la préparation et dans la discussion du règlement qui vient d'être pté.

Texte du Règlement concernant les Effets de la

guerre sur les traités

CHAPITRE [er

Des traités entre les Etats belligérants

Art. 1er. L'ouverture et la poursuite des hostilités ne portent pas atteinte à l'existence des traités, conventions et accords, quels qu'en soient le titre et objet, conclus entre eux par les Etats belligérants. Il en est de même des obligations spéciales nées des dits traités, conventions et accords. Art. 2. Toutefois la guerre met de plein droit fin :

1° aux pactes d'associations internationales, aux traités de protectorat, de contrôle, d'alliance, de garantie, de subsides, aux traités établissant un droit de gage ou une sphère d'influence, et, généralement, aux traitès de nature politique;

2° à tout traité dont l'application ou l'interprétation aura été la cause directe de la guerre, suivant les actes officiels émanés de l'un des gouvernements avant l'ouverture des hostilités.

Art. 3. Pour l'application de la règle établie dans l'article 2, il doit être tenu compte du contenu du traité. Si, dans le même acte, il se rencontre des clauses de nature diverse, on ne considérera comme annulées que celles qui rentrent dans les catégories énumérées en l'art. 2. Toutefois le traitė tombe pour le tout quand il présente le caractère d'un acte indivisible.

Art. 4. Les traités restés en vigueur et dont l'exécution demeure, malgré les hostilités, pratiquement possible, doivent être observés comme par le passé. Les Etats belligérants

ne peuvent s'en dispenser que dans la mesure et pour le temps commandés par les nécessités de la guerre.

Art. 5. Les traités qui ont été conclus en vue de la guerre ne sont pas visés par les articles 2, 3 et 4.

Art. 6. En dehors de la responsabilité qu'entraînerait la violation de ces règles, celles-ci doivent servir à interprêter le silence et à combler les lacunes du traité de paix. A défaut de clause formelle contraire dans le traité de paix, on devra décider :

1° Que les traités atteints par la guerre sont définitivement annulės;

2° Que les traités non atteints par la guerre, qu'ils aient été ou non suspendus pendant le cours des hostilités, sont tacitement confirmés;

3° Que néanmoins les traités dont les clauses se trouvent en contradiction avec le contenu du traité de paix sont implicitement abrogés;

4° Que l'abrogation expresse ou tacite d'un traité n'atteint pas rétroactivement les effets produits dans le passé par le traité abrogé.

CHAPITRE !I

Des traités entre les Etats belligérants et des Etats tiers

Art. 7. Les dispositions des art. 1 à 6 s'appliquent, dans les rapports des Etats belligérants, aux traités conclus entre ceux-ci et des Etats tiers, sous les réserves suivantes.

Art. 8. Lorsque les obligations qui lient les Etats belligėrants entre eux ont le même objet que leurs engagements envers les Etats tiers, elles doivent être exécutées dans l'intérêt de ces derniers. Ainsi les traités collectifs de garantie demeurent en vigueur malgré la guerre survenue entre deux des Etats contractants.

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