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75. Si l'arrêt a pour objet d'enlever la propriété à celui à qui appartiennent les choses assurées, il faut, en outre, que l'assuré ne reçoive aucune indemnité pour prix de la dépossession: autrement il est simplement recevable à réclamer des assureurs, par l'action d'avarie, le complément de la valeur des objets assurés. Boulay-Paty, t. 4, p. 240; Pardessus, n. 843.

76. Le délaissement ne peut au surplus, dans aucun cas, être effectué qu'à l'expiration du délai déterminé; il ne saurait avoir lieu si l'arrêt était levé pendant ces délais, qui sont, suivant les régions, de six semaines à un an. C. com., 387.

77. Les assurés sont même tenus de faire toutes les diligences qui dépendent d'eux, pour obtenir la mainlevée des effets arrêtés avant l'époque où le délaissement est autorisé. C. com., 388.

78. Spécialement, lorsqu'un tribunal saisi d'une demande en délaissement a autorisé, préparatoirement et sous toutes réserves, les assureurs à faire ramener dans un port de France, à leurs risques et périls, le navire assuré qui se trouve en relâche dans un port étranger, pour y être examiné et réparé, s'il y a lieu, si, au moment où ce jugement va s'exécuter, le navire se trouve séquestré par l'autorité du pays pour répondre des dommages-intérêts qu'il pourra devoir au propriétaire du chargement, et que les assureurs offrent une caution pour obtenir la levée du séquestre, l'assuré doit être tenu de présenter lui-même, sous son nom, cette caution, pourvu qu'elle déclare renoncer à tout recours contre lui; et si, sur son refus de la présenter sous son nom, la caution est rejetée et le séquestre maintenu, l'assuré doit demeurer responsable de toutes les conséquences de ce refus. Marseille, 17 avr. et 12 mai 1863 (J. Mars., 63. 1. 219).

79. Les assureurs peuvent, de leur côté, ou de concert avec les assurés, faire toutes démarches à mêmes fins. C. com., 388. 80. 6° Défaut de nouvelles. On ne peut pas toujours avoir une connaissance positive de la perte d'un navire. Pour remédier aux inconvénients qu'entraînerait une incertitude trop longtemps prolongée, on a décidé que le défaut de nouvelles pendant un temps déterminé serait considéré comme une preuve de la perte. C'est là une présomption légale qui dispense l'assuré de toute autre justification.

81. Si, après six mois expirés à compter du jour du départ, porte l'art. 375 du Code de commerce, ou du jour auquel se rapportent les dernières nouvelles reçues, pour les voyages ordinaires; après un an pour les voyages de long cours, l'assuré déclare n'avoir reçu aucune nouvelle de son navire, il peut faire le délaissement à l'assureur, et demander le paiement de l'assurance sans qu'il soit besoin d'attestation de la perte. L. 3 mai 1862, art. 6.

82. Dans le cas d'une assurance pour temps limité, après l'expiration des délais établis comme ci-dessus pour les voyages ordinaires et pour ceux de long cours, la perte du navire est présumée arrivée dans le temps de l'assurance. C. com., 376. 85. Sont réputés voyages de long cours ceux qui se font au delà des limites suivantes :

Au sud, le 30° degré de latitude nord;

au nord, le 72° de

gré de latitude nord; à l'ouest, le 15° degré de longitude du méridien de Paris; à l'est, le 44° degré de longitude du

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méridien de Paris. L. 14 juin 1854; C. com., 377.

84. Tous autres voyages pour des lieux moins éloignés sont considérés comme voyages ordinaires ou de cabotage.

85. Le défaut de nouvelles du navire reçues par l'assuré devient sans importance si d'autres personnes en ont obtenu. 86. La demande en délaissement doit être déclarée non recevable dans le cas où l'assureur justifie de l'existence du navire à une époque moins reculée que celle fixée par l'art. 375 du Code de commerce. Pothier, n. 119; Boulay-Paty, t. 4, p. 244; Pardessus, n. 844; Fleury, p. 54.

87. Il s'agit, au surplus, d'une matière arbitraire où les circonstances particulières ont une influence décisive, et un pouvoir discrétionnaire est laissé aux juges pour l'appréciation des preuves fournies par les parties. Pardessus, n. 844.

88. Dans le doute, le navire est censé péri du jour qu'il a disparu ou des dernières nouvelles qu'on en a eues, de même que l'absent est réputé mort du jour de son absence. Boulay-Paty, t. 4, p. 245; Hoechster et Sacré, t. 4, p. 862; Fleury, p. 53.

89. Ce principe sert à résoudre une question posée par Emerigon :

J'ai fait assurer, dit ce jurisconsulte, mon navire pour trois mois à compter du jour de son départ. N'en ayant, après ce terme, aucune nouvelle, je fais faire de secondes assurances. Un an ou deux s'écoulent sans qu'on sache ce qu'il est devenu. La perte retombera-t-elle sur les premiers ou sur les seconds assureurs?

Il est évident que ce sera sur les premiers et que la seconde assurance donnera lieu au ristourne. Boulay-Paty, t. 4, p. 246; Pardessus, n. 844; Fleury, p. 54 et 55.

En effet, s'il était prouvé que le navire a péri dans le temps des risques dont étaient chargés les premiers assureurs, il en serait incontestablement ainsi. Or, le défaut de nouvelles a le même résultat ; il fait naître la présomption légale que le navire a péri pendant les risques.

90. Mais si l'assurance était faite après les dernières nouvelles, et à une époque avant laquelle, d'après les présomptions de la loi, le navire était perdu, cette assurance serait valable,

puisque l'assurance contractée après la perte est valide, à moins que l'assuré n'eut connaissance de l'événement. Boulay-Paty, t. 4, p. 247.

91.7° Perte ou détérioration des trois quarts. La perte et la détérioration sont deux genres de sinistres qu'il ne faut pas confondre la perte concerne la quantité, la détérioration, la qualité. Pardessus, n. 845; Boulay-Paty, t. 4, p. 249; Boistel, n. 1407; Fleury, n. 56; de Courcy, Quest. de dr. (2a série), p. 359. C'est par le nombre, le poids, la mesure qu'il faut déterminer la quotité perdue; au contraire, la détérioration s'apprécie par la comparaison de la valeur qu'ont les objets assurés après le sinistre avec celle qu'ils auraient à l'état sain, ou par la comparaison de cette dernière valeur avec les dépenses nécessaires pour les rétablir dans leur état primitif. Fleury, ibid. — V. inf., n. 96.

92. Du moment que la perte ou la détérioration s'élève aux trois quarts des objets assurés, elle est assimilée à la perte totale, et autorise le délaissement. C. com., 369.

Le législateur a considéré que la privation des trois-quarts de sa chose peut produire pour l'assuré un dommage à peu près égal à la privation du tout. Boistel, ibid.; Fleury p. 56.

93. Que faut-il entendre par perte ou détérioration des trois quarts?

S'agit-il, comme le prétendent certains arrêts et quelques auteurs, uniquement de la perte ou détérioration matérielle, c'està-dire de la perte ou détérioration qui diminue la quantité ou la valeur de la chose assurée, qui la détruit dans sa substance ou l'altère dans sa qualité. Marseille, 20 févr. 1817 (J. Mars., t. 1. 1. 303); Aix, 29 nov. 1859 (Rec. Havre, 61. 2. 84); Bordeaux, 3 mars 1852 (S. 52. 2. 326. P. 54. 1. 49); Rennes, 13 avr. 1869 (S. 69. 2. 258. P. 69. 1016. D. 69. 2. 243); Estrangin, p. 428; Boulay-Paty, t. 4, p. 252; Pardessus, t. 3, p. 386; Bédarride, t. 4, n. 1440; Labraque-Bordenave, n. 383 et 384; Hoechster et Sacré, t. 2, p. 859; Fleury, p. 57.

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C'est à notre avis donner aux termes de l'art. 369 une interprétation trop restrictive. Nous préférons l'opinion qui applique l'art. 369 toutes les fois que, par suite d'événements fortuits, l'assuré n'a plus au lieu de destination la libre disposition des trois quarts au moins des objets assurés, lors même qu'il n'y aurait aucune détérioration matérielle. Car il y a toujours privation d'une partie de la chose qui équivaut, vu son importance, à la privation du tout. Bordeaux, 22 déc. 1857 (Rec. Havre, 58. 2. 148); Dageville, t. 3, p. 411 et suiv.; Lemonnier, n. 284; Alauzet, n. 2187; Boistel, p. 1041, n. 1407. V. inf., n. 132 et suiv. 94. Bien entendu, il faut : -1° que le sinistre ait porté sur les objets assurés eux-mêmes. Cass., 10 janv. 1859 S. 59. 1.

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405. P. 59. 118. D. 59. 1. 60); Rouen, 20 juin 1866 (S. 67. 2. 18. P. 67. 103); Rennes, 13 avr. 1869 (S. 69. 2. 258. -P. 69. 1016.D. 69. 2. 243); Alauzet, t. 4, n. 2186; Boistel, n. 1407; - V. inf., n. 208 et suiv. 20 le sinistre soit que de ceux dont répondent les assureurs, qu'il ne puisse être attribué notamment au vice propre de la chose assurée. Paris, 25 févr. 1859 (J. trib. com., t. 9. 370); Havre, 25 juin 1860 (Rec. Havre, 60. 1. 13); 22 avr. 1861 (ibid., 61. 1. 81); Rennes, 19 janv. 1864 (S. 64. 2. 156. P. 64. 831); Rouen, 24 mars 1872 (S. 72. 2. 302. P. 72. 1201. D. 74. 2. 5); Hoechster et Sacré, t. 2, p. 857; Boistel, n. 1407. — V. inf., n. 124, 314.

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V.

95. Avant de tirer les conséquences de ces principes, inf., n. 132 et suiv., il faut remarquer que la perte des troisquarts s'applique aussi bien au navire qu'aux marchandises. Les mots effets assurés de l'art. 369 ont un sens général; le même qu'ils ont dans les art. 381, 385, 395 et 396. Lorsque le Code de commerce veut désigner les marchandises séparément, il emploie le mot marchandises, comme dans les art. 386 et 391. Fleury, p. 58.-Contra, de Courcy, Réf. internat., p. 147. 96. Passons maintenant à la détermination de la perte ou de la détérioration des trois quarts.

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En cas de perte, pas de difficulté. Car pour le navire si la perte n'est pas entière ou presque entière, il y aura simple détérioration. Quant aux marchandises, on s'attachera à la quantité ou au poids si leur valeur est la même pour toutes. Ainsi, si trois sacs de blé périssent sur quatre ayant même qualité, il y a lieu à délaissement. Mais si les marchandises n'ont pas la même valeur, il faut s'attacher à la valeur, comparer la valeur de chaque objet avec la valeur totale de toutes les choses assurées, Ainsi, si de deux colis l'un vaille 3,000 fr., et l'autre 1,000 fr., la perte du colis de 3,000 fr. entraînera seule le délaissement. Fleury, p. 60 et 61. V. sup., n. 91.

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97. Lorsque les marchandises sont divisées en séries, il suffit que dans quelques séries il y ait eu perte des trois quarts pour que les marchandises de cette série puissent être délaissées, lors même qu'il n'y aurait pas perte des trois quarts sur la totalité des marchandises assurées. Bordeaux, 15 déc. 1828 (Dalloz, vo Dr. marit., n. 2136); Bédarride, n. 1443; Alauzet, n. 2196; Boistel, n. 1407, p. 1042.

98. Mais la disparition des marques et numéros de la marchandise assurée par le fait d'un naufrage ou d'un échouement avec bris du navire, ne saurait suffire pour autoriser l'assuré à faire délaissement, si d'ailleurs l'identité de la marchandise sauvée, avec la marchandise chargée et assurée, se trouve suffisamment établie. Havre, 15 déc. 1866, et 3 juin 1867 (Rec. Havre, 67. 1. 44 et 144).

TOME III.

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99. Il en est ainsi, encore bien qu'il y ait à bord du navire des marchandises de la même espèce appartenant à divers réclamateurs, et que les marques de toutes ces marchandises aient disparu, si les marchandises, étant de la même espèce, sont aussi de la même qualité et de la même provenance. Ibid.

100. Jugé spécialement, en pareil cas, que les divers récla mateurs sont tenus de se partager au prorata les marchandises sans marques ou de les liciter et vendre pour s'en partager le prix, et que les assurés ne peuvent, dès lors, faire délaissement qu'autant que la perte pour avaries, absence de marques et déficit de poids constaté sur l'ensemble des marchandises reçues ou licitées atteindrait les trois quarts de la valeur assurée. Autrement les assurés sont tenus de régler en avaries. Havre, 3 juin 1867 (Rec. Havre, 67. 1. 144).

101. En cas de détérioration, il faut distinguer entre les assurances sur facultés et les assurances sur corps.

102. Dans les assurances sur facultés, on compare la valeur des facultés à l'état sain et à l'état d'avaries; la différence constitue le montant de la perte. A cet effet, divers procédés ont été présentés, l'art. 369 ne prescrivant aucun mode particulier d'évaluation.

Ainsi supposons, par exemple, une cargaison de grains. Dans un premier système, on dit : Les experts ne doivent pas prendre pour base le prix de vente au lieu d'arrivée, prix qui peut varier suivant le degré de rareté des choses assurées, parce que jamais les bénéfices ou les pertes d'une opération commerciale ne doivent être pris en considération pour régler les rapports de l'assureur et de l'assuré, qu'il est de l'essence du contrat d'assurance que la fixation des pertes à la charge de l'assureur ne porte que sur la chose considérée en elle-même. Il faut donc établir pour première base la valeur du grain au lieu et au temps du chargement, et la fixer à telle somme. Les experts examinent ensuite le grain avarié qui leur est présenté et déclarent combien du grain en cet état aurait valu dans le même lieu et dans le même temps, comparativement à celui non avarié qu'ils ont fixé à telle somme. Alors si le résultat de l'opération prouve que la cargaison est réduite au quart de ce qu'elle valait, il y a lieu au délaissement. Daus le cas contraire, l'action d'avarie est seule recevable. Nîmes, 19 déc. 1844 (J. Mars., t. 24. 2. 161); Boulay-Paty, t. 4, p. 251; Bédarride, n. 1436.

103. Mais ce système est défectueux, car il ne repose sur aucune base certaine. Dans la pratique, les choses se passent autrement. Des courtiers constatent le cours de la marchandise (dans notre hypothèse des grains), à l'état sain au lieu de destination, et on vend aux enchères la marchandise avariée. Si le

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