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un individu déterminé, à un Camille, par exemple, à un Coriolan, à un Thémistocle, à un Charlemagne, à un Bonaparte?

Notez bien que nous ne demandons pas, si ces personnages de moralité fort différente ont pour eux le droit, mais si e peupents slala d lenécessité de se soumettre à eux? La réponse ne saurait être douteuse. Donc, concluons-nous, s'il se présentait un cas, une hypothèse dans laquelle l'ordre social dépendrait d'un homme déterminé, toute la multitude serait obligée de lui obéir tout aussi bien que chaque individu est obligé d'éviter le désastre des siens en conservant l'ordre social.

Mais ici se présente une question nouvelle. Y a-t-il des cas où le bien d'un peuple dépende d'un individu déterminé?

Pour y répondre On peut envisager soit une société normale, chez laquelle l'ordre est déjà constitué, soit une société dans laquelle, l'ordre n'existe pas encore.

Dans le premier cas (celui d'une société normale) le fait est évident; les lois organiques du corps gouvernemental, et les personnes qui, d'après ces lois sont investies du pouvoir sont tellement nécessaires à la société, que, sans elles l'ordre viendrait à faire défaut. D'où l'on peut conclure le délit que commettent ceux qui jettent les populations dans les aventures révolutionnaires.

Pour ce qui est de la seconde hypothèse l'histoire non seulement du peuple juif, mais même l'histoire profane ne nous offre-t-elle pas des cas nombreux où le salut d'un peuple a dépendu d'un individu déterminé? Eh bien ! dans ces cas, ou il faut dire que le peuple est tenu d'obéir à cet individu, ou il faut oser soutenir que les citoyens ne sont pas tenus de prêter leur concours au bien commun et de sauver la société.

Nous comprenons parfaitement que ce devoir d'obéir peut n'être que momentané, et que cette autorité relative peut n'être qu'une simple dictature; mais nos lecteurs comprendront à leur tour que cette dictature par sa longue durée peut devenir nécessaire; qu'elle peut conduire la société à un tel état de paix et de prospérité, que vouloir

un changement équivaudrait à vouloir le dommage public. Dans ce cas, cette autorité temporaire d'abord pourrait véritablement et durablement devenir souveraine.

Mais, quoiqu'il en soit de cette remarque, il nous suffit d'avoir démontré qu'il y a des cas où l'autorité sociale se trouve aux mains d'un individu, non pas parce que le peuple l'a voulu, mais parce qu'il a été obligé de lui obéir.

Nous ajouterons ici une remarque de grande importance qui pourra déplaire peut-être à certains esprits qui n'aiment pas les déductions logiques poussées jusqu'à leurs dernières conséquences surtout quand elles heurtent les préjugés de leur cœur.

Le droit de maintenir l'ordre au sein de la société, en d'autres termes l'autorité peut être acquis et être conservé injustement, sans que, pour cela les sujets soient dispensés de lui obéir.

En effet, lorsqu'un individu est arrivé, par un moyen quelconque, à se rendre tellement nécessaire à la société que, sans lui, la société périrait, il est de l'intérêt commun de la société qu'il vive et commande tant que le pouvoir légitime n'aura pas revécu. Le devoir personnellement de tous les associés est de lui obéir en tout ce qui concerne les rapports des citoyens entre eux. Mais, si les citoyens. ont le devoir de lui obéir, celui qui est au Pouvoir a donc le droit de requérir leur obéissance; attendu qu'au devoir correspond le droit. Or, ce droit d'ètre obéi dans l'intérêt du bien public s'appelle l'autorité, donc ce personnage possède l'autorité.

Etrange doctrine nous dira-t-on peut-être un droit créé par le délit ! Le droit de la tyrannie!

De grâce laissons de côté les déclamations de rhétorique que certains esprits introduisent même dans les questions où le caline serait le plus nécessaire, témoignant ainsi de la vivacité de leur imagination supérieure de beaucoup à leur jugement! Ce droit, nous l'avons suffisamment expliqué, croyons nous, ne prend pas sa source dans le délit de l'usurpateur, mais dans les exigences même de la société. Et puis est-il donc si étrange qu'un délit produise de la sorte indirectement un certain devoir? Les adultères par exemple

n'ont-ils pas le devoir et le droit d'élever les enfants issus de leur délit? Le corsaire, sur les fleuves africains, par exemple, n'a-t-il pas le devoir de conduire son butin au port? Celui qui a injustement occupé les propriétés d'autrui n'a-t-il pas le devoir de les conserver en bon état? Nous savons que tout cela devrait se faire avec le dessein de restituer le bien mal acquis; mais nous savons aussi que pendant tout le cours de sa disposition contraire, l'usurpateur augmenterait son crime, s'il rendait la restitution impossible en détruisant soit les biens, soit les droits usurpés. Quand les droits usurpés ne constituent pas son bien, mais celui d'autrui, dans ce cas, ces droits doivent être plutôt appelés des devoirs et de ce moment disparait l'apparente antilogie de cette première exclamation: <«< un droit créé par un délit. » Il faudrait dire plutôt un devoir créé par un délit et dès lors, on n'y verra plus la moindre difficulté.

Mais n'est-il pas manifeste que quiconque est obligé à poser un acte, acquiert par là même le droit de satisfaire à cette obligation? Donc un délit peut être la source d'un droit.

Est-ce là, nous le demandons, soutenir les droits du tyran, de l'assassin? Non certes! On pourrait nous le reprocher, si nous parlions ici de la possession de l'autorité, au lieu de parler des droits et des devoirs de l'autorité dont on est, pour une cause quelconque, le dépositaire, si nous disions qu'avoir le droit de gouverner, et avoir le droit de posséder le gouvernement sont une seule et même chose; si nous disions enfin que commander avec justice (chose qu'un usurpateur peut faire) est synonyme d'avoir le droit de commander (chose qui n'appartient qu'à l'autorité légitime.)

Le développement de ces principes, qui sont ceux de notre maître le P. Taparelli, ne répand-il pas une certaine lumière sur la mémorable Encyclique de Léon XIII aux Français ?

Est-il contestable que les républicains qui détiennent aujourd'hui le Gouvernement de la noble France, comme s'exprime le Saint Père, aient le devoir de gouverner, et par suite le droit d'être obéis chaque fois que leurs lois et leurs ordres ne sont pas contraires à la loi de Dieu et de la Sainte Eglise de J. C.?

S'ils n'avaient pas ce droit, à quel titre viendrait-t-on leur demander de faire justice des rapines du Panama par exemple?

Mais, où et quand Léon XIII a-t-il dit que ces mêmes républicains ont le droit de posséder le gouvernement de la France?

C'est une question à laquelle le Pape n'a pas touché et qu'il importe de ne pas confondre avec la première. Nous prions nos lecteurs d'y réfléchir et, avec le Saint Père et comme le Saint Père, nous les prions de travailler de concert à rétablir le règne de Dieu en France. C'est le vœu que nous émettions au Congrès de Lyon et par lequel nous cloturons de rechef ce travail : Dieu sauve la France, parce que le Christ aime les Francs!

AUG. ONCLAIR, prêtre.

LA RÉFORME DE LA SOCIÉTÉ ANCIENNE

PAR LE CHRISTIANISME

(Troisième et dernier article)

XIV. Le christianisme remédia encore à un des plus grands vices de la société romaine en donnant pour base le devoir religieux à l'obéissance due au pouvoir civil. Dès le temps des persécutions la révolte contre un gouvernement que l'on devait regarder comme légitime malgré l'imperfection de la constitution politique, fut toujours énergiquement désavouée par l'Eglise.

Après l'avènement de Constantin, Végèce exprimait ainsi es idées admises par tous les chrétiens:

On prête le serment; on jure par Jésus-Christ et le Saint-Esprit et par la majesté de l'Empereur qui doit être

chérie et honorée après Dieu; car, une fois que l'Empereur a reçu le nom d'Auguste, on lui doit un dévouement fidéle et un assidu service, comme au représentant de Dieu sur la terre. Soldat ou particulier, on sert Dieu, lorsqu'on aime fidèlement celui que Dieu a placé sur le trône.» (1)

Le résultat fut une plus grande stabilité dans le pouvoir et une marche progressive vers le principe de l'hérédité monarchique. Les peuples furent les premiers à bénéficier de cette modification graduelle de la constitution prétorienne de l'Empire.

Dans le siècle qui précèda Constantin (212-312), dit Champagny, nous comptons vingt-quatre règnes successifs, et trente-cinq personnages décorés de la pourpre et reconnus à Rome sous le titre d'Augustes ou de Césars, (je ne parle pas des tyrans dans les provinces); or, vingt-sept d'entre ces princes sont morts assassinés, deux ont péri à la guerre ou en captivité (Dèce et Valérien), un seul (Claude) est mort sous la pourpre, un seul (Dioclétien) a pu vivre après avoir abdiqué. Dans le siècle qui suivit la victoire de Constantin (312-412) nous comptons dix règnes seulement, douze empereurs reconnus à Rome ou à Constantinople; cinq périssent victimes de l'assassinat ou de la guerre civile; six meurent en paix; deux (Julien et Valens) meurent en combattant contre l'étranger. (2)

En devenant chrétien le pouvoir donna aux sujets des garanties qu'ils ne connaissaient plus depuis longtemps.

<«Il est de la dignité de celui qui règne de se confesser sujet des lois, disent Théodose II et Valentinien III. Notre puissance n'est autre que la puissance du droit et il y a quelque chose de plus grand que de commander, c'est de soumettre son commandement aux lois. Nous avons donc pour but dans le présent édit de faire connaître à nos pecples ce que nous interdisons non seulement à eux, mais à nous-mêmes. (3)

(1) De re militari, II, 15.

(2) Les Césars du 111a sïècle, t. III p. 483.

(3) C. Justin. de legibus 1. 4, et C. Theodos. de conductoribus et hominibus domus augustæ, 1. 2.

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