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usines modèles, pour constituer des patrimoines corporatifs ou des réserves familiales.

Tout ce que dit M. Harmel a le rare mérite d'être pratique. Il aurait pu ajouter, s'il l'a trouvé, un moyen d'empêcher tant d'ouvriers de dépenser au cabaret le plus gros de leurs salaires, ou de faire des dépenses exagérées en primeurs, gibiers ou autres comestibles de luxe; il aurait pu aussi parler des toilettes des filles, des théâtres, etc. Quíconque a vêcu avec des ouvriers sait qu'il y a, sur ces divers points, de grandes réformes désirables pour le bien-être des travailleurs, et que ces réformes augmenteraient singulièrement leurs ressources.

Il y a là un mal peu connu dans le monde de la presse, mais que nul n'ignore dans le monde pratique, chez les fournisseurs et aussi parmi ceux qui s'occupent réellement des ouvriers. Certains luxes, non des moins coûteux, sont bien plus ordinaires dans beaucoup de ménages d'ouvriers que dans cette bourgeoisie qu'il est aujourd'hui de mode et de bon goût de vilipender pour aduler les socialistes. Peu de gens ont un acquis suffisant pour savoir la vérité ; moins encore ont le courage de la dire toujours, même quand elle serait si utile. Or, nous croyons que sur les points ci-dessus, il y aurait à dire beaucoup de choses des plus profitables.

On a trop souvent l'occasion de lire, sur les questions ouvrières, des élucubrations où il n'y a rien de pratique, ni même de sensé. Sans parler des déclamations radicales et socialistes, qui sont d'ordinaire de simples provocations à la guerre civile, bien des écrits humanitaires, souvent se disant chrétiens, sont vides et sans aucune portée. On voit qu'ils sont l'œuvre de réformateurs en chambre, n'ayant pas la moindre idée de ce qu'ils prétendent traiter ex professo, et qui font de l'économie sociale et ouvrière comme tant de piliers d'estaminets font de la politique, comme les apothicaires, devenus généraux au 4 Septembre, faisaient la guerre.

La lettre de M. Harmel repose de toutes ces billevesées dangereuses. Il parle de ce qu'il sait, et sa méthode pratique est de main d'ouvrier.

La situation est de plus en plus mauvaise à Madagascar. On le verra bientôt, quand il sera trop tard.

- Nous apprécierons ultérieurement le changement du cabinet autrichien. Le prince Windischgraetz a remplacé le comte Taaffe, qui gouvernait l'empire depuis tant d'années.

La révolution qui mine le Brésil depuis quatre ans va probablement aboutir à la restauration de l'Empire. Attendons toutefois pour savoir où va aller ce pays à surprises.

L'Italie a fait un pas en avant sur le chemin de sa perte. On a parlé quelque peu de l'entrevue assez obscure de Monza. La situation financière empire toujours. Le ministère Giolitti a été renversé. Lemmi, qui est le véritable maitre de la péninsule, comme de la secte maçonnique, veut faire revenir Zanardelli.

On a parlé aussi de Crispi. Les Francs-Maçons ont décidé de l'affaire. Aujourd'hui, 5 décembre, Zanardelli a formé le nouveau cabinet.

On croit qu'une alliance plus étroite unit depuis quelque temps l'Italie à l'Angleterre. La question de la monnaie italienne a enfin été réglée par la commission internationale. Nous verrons quel est ce règlement quand on le soumettera au Parlement. Quelques Italiens commencent à croire que l'unité de l'Italie est funeste et qu'il faudrait revenir à une confédération de petits Etats. Le symptôme est à noter.

En l'état, nous croyons qu'un effort nouveau et plus viot lent que jamais va être fait contre la Papauté et contre la France. Lemmi a surtout dans l'âme la haine de l'une et de l'autre. Or Lemmi est, non pas au figuré, mais dans la plus pratique réalité, le Pape ou le Vicaire de Lucifer. On s'en apercevra bientôt. Ces excellents conservateurs dironalors, en Italie comme en France : « Si j'avais su ! » C'est ce qu'ils disent d'ordinaire quand tout est perdu. Mais ils ne veulent pas bouger quand on leur montre seulement le danger. Cela pourrait nuire à leur bien-être et troubler leur quiétude ou leurs plaisirs.

A. DESPLAGNES,
Ancien magistrat.

BIBLIOGRAPHIE

INTRODUCTION A L'ETUDE DE LA SCIENCE POLITIQUE Essais et Conférences par sir Frederick PAOLLOCK, trad. française; in-8 Thorin, éditeur, 1893.

Rien n'est plus difficile pour des Français que de comprendre la manière dont les Anglais conçoivent les problèmes de la politique intérieure et internationale. Leur science juridique est elle-même très différente de la science continentale. Aussi sommes-nous heureux de posséder dans une traduction merveilleusement claire les principaux écrits d'un des hommes qui représentent le mieux certains courants supérieurs de la pensée anglaise. Sir Frederic Paollock n'est pas étranger aux études philosophiques; on lui doit un volume sur Spinoza ; mais il est avant tout un juriste de premier ordre, un praticien qui s'est fait une spécialité des lois sur la propriété foncière, la partie la plus obscure du droit anglais; en même temps il est un homme de science et enseigne le droit à l'université d'Oxford. Cet enseignement se produit principalement sous la forme de conférences, d'articles de revues, d'essais. C'est un genre très anglais où les résultats de grandes recherches per. sonnelles sont souvent très brièvement exprimées Dans ce volume-ci, nous remarquons une esquisse de l'Histoire de la science politique, trois grandes études sur l'histoire du droit anglais Les origines de la coutume d'Angleterre — la Paix du Roi le Manoir anglais. Ces dernières sont à notre sens les plus originales; nous recommandons particulièrement l'étude sur le Manoir anglais à ceux que les généralisations hátives et sans critique de Laveleye dans son livre sur les Formes primitives de la propriété auraient séduits. La question y est serrée d'aussi près que possible sur le terrain des faits anglais avec quelques indications relatives, aux faits allemands et il nous semble que la part respective dans le passé de la propriété collective des clans et des villages et celle des familles individuelles est définitivement délimitée.

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Le volume se termine par une étude sur les théories successives de la persécution religieuse, puis par deux articles sur le disestablishment de l'église anglicane et le Home rule. Quoiqu'au point de vue philosophique sir Frederik Paollock fasse profession d'un grand scepticisme et qu'il prétende séparer le droit de la morale, sur le terrain politique il appartient au parti conservateur pour ces raisons de fait, de bon sens, d'utilité auxquelles l'esprit anglais est surtout accessible. Nous venons d'indiquer le grand intérêt de ce volume au point de vue de la haute personnalité de l'auteur et d'une connaissance plus intime de l'Angleterre. Chacun de ces essais soulève un monde d'idées qui en rendent la lecture singulièrement attrayante. Bien des théories de l'auteur comportent des réserves et, quelquefois mème, des contradictions. Le traducteur, qui a des principes très sûrs, n'a pas manqué de les faire. Ses notes sont souvent des positions de questions, des résumés de controverse qui ont une grande valeur. Mais il faut les lire elles-mêmes avec une grande attention. M, R. de K. (nous ne trahissons pas son anonymat) est un des esprits les plus penétrants de notre temps. Il semble avoir pris pour devise: intelligentibus pauca. Auprès d'un public d'élite comme celui des lecteurs de la Revue catholique des Institutions et du Droit, ce ne doit pas lui être un défaut. C. J.

COMMENTAIRE

HISTORIQUE ET PRATIQUE DU CODE CIVIL par M. THEOPHILE HUC, conseiller à la Cour de Paris, tome V, un vol. in-8° de 603 p., Paris 1893, Pichon, édit, 24, rue Soufflot.

Avant d'être terminé, l'ouvrage de M. Huc a conquis une grande et légitime autorité. Chaque nouveau volume confirme le succès de cette œuvre de mérite.

Avec celui que nous signalons aujourd'hui à nos lecteurs, l'auteur aborde l'explication du titre III du code : des différentes manières dont on acquiert la propriėtė. Il nous donne le commentaire du titre préliminaire dispositions générales et de tout le titre premier des successions. Cette vaste matière est exposée méthodiquement dans un seul volume avec tous les développements nécessaires et avec les utiles additions que M. Huc ajoute toujours si opportunément au commentaire proprement dit de notre loi civile. Nous avons fait connaitre à propos des précédents volumes les qualités du livre de M. Huc. Nous pensons n'avoir point à y revenir et pouvoir nous contenter de dire que le tome V est en tout le digne complément des premiers, comme clarté de l'exposition, comme harmonie des proportions.

Dans le paragraphe, fort intéressant du reste, consacré à l'exposé critique des réformes à opérer en faveur des enfants nės hors mariage, un passage ne nous a pas permis de bien saisir la pensée de l'auteur. Il admet sans doute une difference nécessaire entre l'enfant légitime et l'enfant naturel, mais il souhaite l'amélioration du sort de ce dernier. Irait-il jusqu'à estimer que le législateur, en édictant des réformes en sa faveur, n'a pas à tenir compte de l'utilité de rehausser la famille légitime? Nous ne sommes pas certain de l'opinion de l'éminent magistrat sur ce point: sa formule nous laisse un doute. Pour nous, il nous semble que, sans sacrifier les droits que peut avoir l'enfant illégitime, le législateur ne doit jamais négliger ce qui peut, même par voie de conséquence indirecte, augmenter la dignité du mariage, le relever et l'honorer.

A la suite du volume, M. Huc nous donne l'explication de la loi du 6 février 1893, modifiant le régime de la séparation de corps. C'est le nécessaire et très interessant complément de la matière de la séparation de corps que contient le tome II, publié avant la promulgation de cette loi. L'auteur a en à cœur de tenir son livre bien au courant. Nous devons lui en être reconnaissants. Il serait bien avantageux de pouvoir relier ces quelques pages avec le 2 volume; maintenues jointes au 5o, elles perdraient un peu de leur utilité; du moins lorsque les volumes seront placés sur les rayons de nos bibliothèques, il pourrait être long et incommode d'avoir à chercher dans deux volumes différents et assez éloignés l'un de l'autre les questions relatives à un même sujet. A. C.

LA

HISTOIRE DES INSTITUTIONS ET DU DROIT DE FRANCE par E. GLASSON, tome V, in-8 de LXIII-548 pp. Paris 1893. Pichon, édit., 24, rue Soufflot.

L'œuvre magistrale de M. Glasson est classée dans l'opinion des juges compétents. La Revue a donné son appréciation sur les précédents volumes; nous n'avons donc point à insister sur la valeur bien connue du livre. Il nous suffit de signaler ce nouveau volume à l'attention et à la sympathie de nos lecteurs. Ils y trouveront une étude particulierement intéressante pour eux. L'auteur, qui a commencé à traiter des différents éléments de la feodalité, est amené par son sujet à examiner le rôle de l'Eglise au moyen-age, après avoir décrit celui de la commune, et avant d'exposer celui de la royauté. Ce chapitre VI, consacré à faire connaître la place occupée par l'Eglise, l'influence exercée par elle dans la Société féodale,

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