Page images
PDF
EPUB

venir aux pieds du Trône le nom et le mérite de ceux qui sauront se distinguer dans l'exercice des vertus, et dans leur dévouement à S. M. et à l'Etat.

» Fait à l'Hôpital, le 22 janvier 1815. >>

» D'OSASQUE. » Vial Secrétaire.

Toutes les branches de l'administration furent successivement rétablies. Dans l'état des choses, la ville de Conflans, par sa position, était le point le plus propre au siége des Autorités; mais son peu d'étendue, qui ne permettait pas d'y faire les établissemens nécessaires, et la difficulté des communications entre les Provinces, s'opposaient à ce que les peuples de Savoie pussent jouir de tous les bienfaits de leur nouvelle administration. Le père commun d'une famille, où il retrouvait lui-même le berceau de ses illustres aïeux, ne pouvait oublier le reste de ses enfans: ceux-ci, ne pouvant renoncer à leurs espérances, quoique déçues, souffraient impatiemment la ligne politique qui les séparait de leurs frères. D'une part, il ne nous appartient pas de toucher au voile dont la sagesse enveloppe les cabinets et couvre les négociations politiques; de révéler ici les preuves multipliées que les Archives de ce célèbre Congrès de Vienne nous fourniraient de l'amour que n'avait cessé de nous porter un Prince que tous les coeurs payaient d'un retour si compfet, de sa persévérante sollicitude pour recouvrer ses peuples restés séparés de son sein. D'un autre côté sont déjà recueillis les traits nombreux et touchans de l'attachement de ces mêmes peuples, leurs voeux, leurs sollicitations, leurs instances pour rentrer à leur tour sous le sceptre paternel de leurs Souverains et sous la bannière si vivement désirée de la Patrie commune. Les événemens nous pressent, hâtons notre récit.

Neuf mois de démarches et d'espérances s'étaient écoulés, lorsqu'un fait extraordinaire et inattendu attira tous les regards et frappa l'Europe entière d'une sorte de stupeur. Le débarquement de Buonaparte au Golfe de Juan, sa marche rapide de Cannes à Paris, l'attitude que le Congrès de Vienne prit à cette nouvelle, ses déterminations et ses déclarations publiques; le mouvement de toutes les armées européennes s'ébranlant à-lafois et se précipitant à marches forcées sur les bords déjà trop fameux d'un fleuve tant de fois ensanglanté, l'appareil formidable déployé contre la France, les préparatifs de celle-ci pour une lutte qui n'avait point encore eu d'exemple, le signal

1

des combats et des scènes désastreuses dont l'humanité désolée avait à gémir encore, le commencement des hostilités, 'la bataille à jamais célèbre de Waterloo, où s'est enfin décidé le sort de l'Europe, tous ces événemens sont assez connus, lės détails en ont retenti dans les deux hémispheres, et leur histoire réclame une autre plume que la nôtre.

La situation géographique de la Savoie et une invasion imminente que rien ne pouvait arrêter, nous avaient fait prévoir dès le principe, que notre pays allait être le théâtre d'une partie des opérations militaires. En vain fut mis à la tête de l'armée des Alpes un Général habile dans la guerre des postes et des défilés; en vain ce Chef expérimenté avait-il fait avancer toute la ligne de ses avant-postes et occuper par surprise les positions militaires les plus importantes, enlevées par ses troupes le 15 de juin bientôt il fallut céder à la supériorité des forces, et dès le 28, il se replia sur la ligne du Traité de Paris, devant la division commandée par le Feld-Maréchal Comte de Bubna, sous les ordres du Baron de Frimont, Général en chef de l'armée impériale autrichienne d'Italie, lequel se trou vait alors à la Cité d'Aoste. Le 29, la retraite continua et devint générale, tandis que l'aile gauche de l'armée des Alpes. se retirait également aux approches des tronpes commandées. par le Baron de Frimont, qui passa les Alpes au Grand St, Bernard, et fit son entrée par le Chablais. Ce Général se fit précéder d'une Proclamation aux Français, datée du rer. juillet. Le 30 juin, il fut conclu, entre le Maréchal Suchet et le Comte de Bubna, un armistice de trois jours, qui devait expirer le 2 juillet à minuit; l'armée française fit, en conséquence. de la capitulation, sa retraite sur le Rhône, en gardant les passages des montagnes qui dominent à l'Ouest la vallée de Chambéry. Il fut convenu que le Département du Mont Blanc fournirait sur-le-champ la subsistance à l'armée autrichienne. Pendant la durée de l'armistice, les Notables de la ville de Chambéry s'assemblèrent deux fois pour délibérer sur l'état de crise où se trouvait le Département, pour aviser aux moyens de pourvoir aux réquisitions énormes et pressantes qui se succédaient, et conjurer les maux de tout genre qui étaient si près de fondre sur nous; la ville et les communes environnantes se trouvèrent dans la pénible nécessité de supporter seules tout le poids des circonstances, en attendant que les charges pussent se répartir et s'étendre avec régularité sur la totalité des communes du Département.

[ocr errors]

Le 3 juillet, les Autorités françaises se retirèrent; l'avantgarde de l'armée alliée et quelques Corps de S. M. le Roi de Sardaigne firent leur entrée à Chambéry; le quartier général fut établi le même jour.

y.

Une Ordonnance de l'Intendant de l'armée alliée, M. Reviczky, datée de Chambéry, du 3 juillet, créa, pour assurer le service des troupes et pourvoir aux besoins de l'administration civile, une Commission départementale, composée de sept Membres et d'un Secrétaire, et une Commission de cinq Membres pour l'arrondissement de Chambéry, avec ordre aux fonctionnaires publics de rester à leur poste. Au sein des malheurs qui venaient nous accabler une seconde fois, on trouva quelque consolation dans l'espoir de les voir alléger, autant que les circonstances pourraient le permettre, par les soins paternels d'une administration dont chacun des Membres offrait, par ses lumières et ses dispositions bien connues, quelques motifs d'espérance dans la sagesse des mesures qui seraient prises. On se reposait sur-tout avec une confiance illimitée, sur le caractère et les vues du digne Président de la Commission départementale (1), lequel, dans d'autres conjonctures non moins périlleuses, avait déjà rempli, au plus haut degré, l'attente du Public.

Les troupes françaises. après quelque résistance sur les hauteurs qu'elles occupaient, abandonnèrent les divers postes, et la totalité de la Savoie ne tarda pas à être évacuée.

Nous ne redirons point ici quels sont les sacrifices qu'ont dû entrainer le passage de cent mille hommes et une occupation de cinq mois et demi sur un territoire fatigué et appauvri par le concours des événemens antérieurs et des mauvaises saisons : chacun de nous a pu les apprécier, et les détails en sont d'ailleurs consignés dans des pièces officielles qui sont entre les mains de tout le monde. Nos pertes ont surpassé la mesure de nos forces et ont achevé d'épuiser notre malheureux pays : la plaie est grande et de nature à saigner long-tems; mais déjà le Traité du 20 novembre, si l'on nous permet cette image, est venu y mettre un appareil salutaire, et la bienfaisance royale de l'auguste Prince qui retrouve tant d'attachement dans le cœur de ses premiers enfans, achèvera de la cicatriser.

Déjà les armées des Alliés poursuivant leurs triomphes, étaient entrées dans la Capitale de la France; déjà l'illustre fils de

(1) M. le Marquis d'Oncieu.

Henri IV était remonté, pour la seconde fois, sur le trône de ses pères, et de nouvelles négociations venaient de s'ouvrir. Bientôt l'administration des Provinces occupées par les troupes étrangères fut remise aux agens du Gouvernement français. Le 3 août, M. le Baron Finot, Préfet du Mont-Blanc, qui s'était retiré dans le mois de mars, vint reprendre l'exercice de sés fonctions, et fit arborer le drapeau blanc dans les villes de Chambéry, d'Annecy et de Rumilly. Nous passons sous silence la suite des événemens qui ont eu lieu dans cette nouvelle période de l'administration française: le Journal du Mont-Blanc les a fait connaître.

Les circonstances majeures qui étaient survenues, les rapports nouveaux qui paraissaient devoir naître du sein des événemens, les divers motifs qui semblaient dicter de nouvelles combinaisons politiques et préparer des changemens dans le système général des compensations; et, plus que tout cela, le vœu soutenu, les désirs toujours croissans des fidèles sujets de S. M. réveillèrent toutes les espérances. On s'agita de nouveau dans tous les sens; ces vœux prononcés sur tous les points furent recueillis; de nouveaux députés, trop au-dessus de nos éloges par leurs qualités et leur noble dévouement, s'imposèrent de nouveaux sacrifices; ils allèrent reprendre et continuer auprès des arbitres du sort des nations, une mission que leurs prédécesseurs, quoique moins heureux, avaient remplie avec tant de persévérance; ils eurent le bonheur d'apprendre le complément d'un succès que les premiers avaient sans doute préparé. Ce qu'il y eut de remarquable dans la nouvelle qu'on en reçut à Chambéry, c'est qu'elle y parvint le 22 septembre, jour où les armées françaises avaient fait leur entrée dans la Savoie, en 1792.

A cette nouvelle, une nombreuse assemblée de Savoisiens fidèles, de différentes classes, se réunit à Chambéry, et arrêta de proposer qu'il fût voté, au nom de toute la Savoie, une Médaille pour consacrer et perpétuer le souvenir d'un événement qui commençait une ère nouvelle pour notre patrie. Une Commission de huit Membres fut chargée de prendre toutes les dispositions convenables pour ouvrir une souscription dans tout le Duché, recueillir les fonds, arrêter le type de la Médaille et en accélérer l'exécution (1). Le projet de ce monument,

(1) Les Membres de cette Commission, dans l'ordre alphabétique, sont:

[ocr errors]

devenu vraiment national par l'empressement de toutes les Pro vinces à y concourir, a été soumis à S. M. qui a daigné l'accueillir avec une bonté particulière. La Médaille est à la veille de paraître elle transmettra à nos descendans la fidèle expression des sentimens que la Nation savoisienne a fait éclater dans la circonstance mémorable où elle se trouve.

Enfin parut le Traité du 20 novembre 1815, qui mit le sceau irrévocable aux stipulations qui avaient fixé nos destinées.

[ocr errors]

S. Exc. M. le Chevalier de Revel avait été chargé de défendré auprès des Puissances alliées, les intérêts de son auguste Souverain; il était accompagné, dans cette légation, de M. le Comte de Lava! actuellement premier Officier au Bureau des affaires étrangères. Il n'est pas en notre pouvoir d'acquitter ici la dette de la Patrie envers ce respectable Ministre, dont le zèle et la constance, soutenus par les talens et les profondes lumières du Négociateur, ont triomphé de tous les obstacles. Il trouve une récompense plus digne de lui dans le suffrage de son Prince et dans la reconnaissance des peuples (1).

Par billet du 3o du même mois, S. M. le Roi de Sardaigne créa une Commission Royale pour la prise de possession du reste de la Savoie qu'elle venait de recouvrer, et pour l'administration provisoire du Duché. Cette Commission fut composée comme il suit :

[ocr errors]

Président: S. E. M. le Chevalier Thaon de Revel, Comte

M. Antonioz (Amédée); M. Le Chevalier Comte de Châteauneuf; M. le Marquis De Ville de Travernay; M. Dupuy, fabricant; M. Fortin, curé de Notre Dame; M. Leger, ancien archiviste; M. G. M. Raymond, Professeur; M. Vignet, cadet.

(1) Extrait du Traité de Paris, du 20 novembre 1815.

*

Art. I.er 4. Des frontières du canton de Genève jusqu'à la Méditerranée, la ligne de démarcation sera celle qui, en 1799, séparait la France de la Savoie et du comté de Nice. Les rapports que le traité de Paris de 1814 avait rétablis entre la France et la principauté de Monaco, cesseront ▲ perpétuité, et les mêmes rapports existeront entre cette principauté et S. M. le Roi de Sardaigne.

[ocr errors]

Art. II. Les places et les districts qui, selon l'article précédent, ne doivent plus faire partie du territoire français, seront remis à la disposition des puissances alliées, dans les termes fixés par l'art. 9 de la convention militaire annexée au présent traité, et S. M. le Roi de France renonce à perpétuité, pour elle et ses héritiers et successeurs, aux droits de souveraineté et de propriété qu'elle a exercés jusqu'ici sur lesdites places et districts.

« PreviousContinue »