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que ce dernier n'a droit à aucune exemption, attendu qu'il n'appartient pas, comme le premier, à cette catégorie de fonctionnaires pour lesquels il existe une sorte d'incompatibilité morale avec le service militaire.

Un privilége analogue a été créé dans certains pays, en France notamment, en faveur des membres du corps enseignant.

Pinheiro Ferreira, qui est partisan des armées permanentes, soutient qu'on ne doit exempter du service militaire que les hommes que des causes physiques en rendent incapables, ou qui en raison du rang qu'ils occupent dans l'administration ne pourraient faire partie de l'armée sans nuire aux intérêts publics

Conscriptions, levées et enrôlements

§ 1796. Le droit de décréter des conscriptions, des levées d'hommes et des enrôlements volontaires appartient naturellement au pouvoir qui a la faculté de déclarer la guerre. Ce droit est rangé volontaires. en principe parmi les prérogatives du souverain; mais l'étendue et l'exercice en sont légalement régis par la constitution de chaque État, dont les dispositions présentent sous ce rapport d'assez nombreuses divergences. En Angleterre, par exemple, le roi a le droit de déclarer la guerre; mais il ne peut sans le concours du parlement décréter aucun enrôlement ni maintenir l'armée dans l'état de service actif. Aux États-Unis, au contraire, le Congrès fédéral intervient dans tous ces actes. En France, sous le régime monarchique, la déclaration de guerre émanait du souverain seul, tandis que le vote annuel du contingent de l'armée, l'enrôlement des volontaires et l'augmentation de l'effectif des troupes rentraient dans le domaine législatif**.

S 1797. Chaque État a le droit de prendre à sa solde des troupes étrangères, et celles-ci sont complètement assimilées aux troupes nationales; par le fait de leur incorporation dans l'armée elles reçoivent tous les droits et contractent toutes les obligations que les lois de la guerre accordent et imposent aux soldats des armées belligérantes.

Depuis que les armées sont devenues essentiellement nationales et permanentes, cette question du droit d'enrôler des troupes

* Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 2, §§ 10, 145 et seq.; Felice, 'Droit de la nat., t. II, lects. 20, 25; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 1; Real, Science, t. V, ch. 2, sect. 6, § 8; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 350, 351; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. 3, ch. 2, § 9.

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Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 2, §§ 7, 9; Kent, Com., vol. I, § 262, p. 277; Story, Com., § 950; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 1; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 20; Bowyer, ch. 20, p. 227; Bello, pte. 2, cap. 1, § 4.

Troupes

mercenaires.

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Corps francs, milices,

guerrillas.

mercenaires c'est-à-dire composées d'étrangers servant volontairement pour une solde débattue de gré à gré, a perdu toute importance pratique. Ce genre d'enrôlement constitue aujourd'hui une véritable exception; et, pour les pays où il a lieu, il est admis en principe que les mercenaires sont régis par les lois générales de la guerre et assimilés en tout aux troupes indigènes. On comprend seulement que lorsque les mercenaires sont engagés dans un conflit armé contre leur pays d'origine ils ne peuvent en cas de capture échapper aux rigueurs qui atteignent les individus coupables de s'être battus contre leur patrie sous un drapeau ennemi.

Sauf cette réserve il faut reconnaître que les enrôlements d'étrangers pour être valables, pour 'produire tous leurs effets, doivent être essentiellement libres, constituer des contrats souscrits de bonne foi, exempts de ruse ou de manoeuvre de nature à en entacher la portée.

Les contrées où se rencontrent encore des troupes mercenaires sont du reste en petit nombre : on ne peut guère citer que la France et la Hollande; encore ces deux pays n'emploient-ils que pour le service de leurs colonies les étrangers enrôlés sous leurs drapeaux *.

§ 1798. La formation des bandes de partisans et des guerrillas partisans et soulève deux ordres de questions. Il s'agit en effet de déterminer la situation personnelle de ces troupes essentiellement irrégulières, et d'apprécier le droit des belligérants à recourir à de semblables moyens pour faire ou pour prolonger la guerre. Liées intimement entre elles, ces deux questions se résolvent nécessairement l'une par l'autre.

Dans l'ancien droit, la guerre étant considérée comme un état de choses qui mettait en hostilité non seulement les gouvernements, mais les particuliers entre eux, on se montrait assez facile pour reconnaitre la qualité de belligérant à tout individu qui avec ou sans délégation de l'autorité publique prenait part aux hostilités.

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D'ailleurs le droit de guerre tel qu'on le comprenait au moyen

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 2, §§ 13, 14; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 22; Manning, pp. 172 et seq.; Ward, Hist., vol. II, p. 301; Bello, pte. 2, cap. 1, §5; Fiore, t. II, p. 277; Halleck, ch. 16, § 7; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. 3, ch. 2, § 13; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 357, 358; Berryer, Com. sur la charte, pp. 111 et seq.; Berryat Saint-Prix, Theorie, p. 665; Bluntschli, § 569.

âge et même jusqu'au XVIIIe siècle impliquant les conséquences les plus rigoureuses à l'égard de l'ennemi, on conçoit que les distinctions entre les troupes régulières et les troupes irrégulières n'avaient guère d'intérêt au point de vue du traitement réservé aux unes et aux autres. Aujourd'hui qu'il est admis, en théorie du moins, que la guerre constitue seulement une relation d'État à État et non d'individu à individu, l'existence d'une délégation de l'autorité publique ou de ses agents directs pour légitimer l'intervention des particuliers dans les hostilités est deveuue plus nécessaire.

publicistes.

§ 1799. En résumant les doctrines éparses dans les auteurs qui Opinions de ont écrit sur ce sujet et qui l'ont fait d'ailleurs très-brièvement, on peut constater que le point commun sur lequel les opinions sont d'accord, c'est qu'il faut à ceux qui prennent part aux hostilités une attache gouvernementale pour avoir droit au traitement de belligérants. Cependant certains publicistes se montrent trèslarges dans cette application: ainsi Wheaton dit que l'usage des nations légalise les actes hostiles commis par ceux qui y sont autorisés par ordre exprès ou tacite de l'État.

Bluntschli, professeur à l'Université de Heidelberg, dans son récent ouvrage sur le droit international, dit :

« On peut hésiter à assimiler aux armées régulières les corps francs non autorisés. L'opinion la plus sévère les déclare hors les lois de la guerre. L'opinion contraire a prévalu dans ces derniers. temps, et l'on admet que les corps francs doivent être traités en ennemis réguliers, lorsqu'ils sont organisés militairement et combattent pour des buts politiques et non pas, comme les brigands, par cupidité ou esprit de vengeance. »>

Les expéditions de Garibaldi en Sicile et à Naples en 1860 et à Rome en 1867 offrent un exemple récent et célèbre de corps francs organisés militairement et faisant la guerre avec autorisation expresse et publique de l'État.

Dans la pratique ordinaire les corps francs ne doivent agir que sur leur propre territoire, le motif de leur création provenant surtout des nécessités de la défense.

Le cas d'invasion d'un pays est celui qui favorise et justifie le mieux l'emploi des corps francs et des individus prenant part isolément aux hostilités.

« Le citoyen, dit Pinheiro Ferreira, cède à un devoir lorsque, appelé par son gouvernement à prendre les armes contre l'ennemi

Wheaton.

Bluntschi.

Pinheiro Ferreira.

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Les corps

francs fran

commun, il y court, soit par persuasion, soit sans autre motif que celui de la simple obéissance, ou lorsque, sans être appelé, par la simple conviction du bon droit de la patrie, il en épouse spontanément la querelle. Son zèle ne saurait le priver des égards qu'on aurait pour les soldats d'une tierce puissance qui sans provocation de notre part formerait contre nous une alliance avec notre adversaire. Or ce qui est vrai à l'égard des corps francs ou des partisans l'est encore bien davantage par rapport aux milices, qui n'agissent incontestablement que d'après les ordres des autorités auxquelles elles sont tenues d'obéir. »

S 1800. Pendant la guerre de 1870 la Prusse dans plus d'une çais en 1870. circonstance a méconnu les droits acquis aux corps francs et aux miliciens français, quoiqu'on fût pleinement fondé à soutenir que relativement aux francs-tireurs la commission qu'ils avaient reçue du ministère de la guerre à Paris satisfaisait aux exigences du droit international, et que quant aux gardes nationaux la loi militaire et toute spéciale du 29 août 1870 (1) les couvrait également du titre de belligérants.

Cependant le ministre des affaires étrangères de France ne tarda pas à recevoir communication d'une note dans laquelle le chancelier d'Allemagne faisait connaître que les francs-tireurs qui tenaient déjà la campagne ne seraient traités comme soldats qu'à la condition qu'ils pourraient être reconnus comme tels à portée de fusil, et que ceux qui n'auraient d'autres signes distinctifs la que blouse bleue et la croix rouge, visible seulement à une faible distance, et qui tomberaient entre les mains des troupes allemandes seraient traduits devant les conseils de guerre qui ordonneraient nécessairement leur exécution. En même temps plusieurs commandants allemands dans les départements occupés publiaient une proclamation prescrivant que les francs-tireurs devaient non seulement porter un costume propre à les faire reconnaître, mais encore, pour avoir droit au traitement des prisonniers, justifier qu'ils avaient été appelés sous les drapeaux par un ordre nominatif de l'autorité légale et portés sur la liste des corps organisés militairement.

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(1) ART. 1er. Les bataillons de la garde nationale mobile peuvent être appelés à faire partie de l'armée active pendant la guerre actuelle.

ART. 2. Sont considérés comme faisant partie de la garde nationale les citoyens qui se portent spontanément à la défense du territoire avec l'arme dont ils peuvent disposer, et en prenant un des signes distinctifs de cette garde qui les couvre de la garantie reconnue aux corps militaires constitués.

A cette prétention, qui aboutissait à supprimer l'action des volontaires dans l'oeuvre de la défense nationale, le gouvernement français répondit que, formés en vertu d'autorisations régulières et représentant une force constituée par la loi, avec la blouse bleue, les ornements rouges et le képi, les francs-tireurs ne pouvaient de bonne foi être confondus avec les paysans, et qu'en conséquence, si l'on ne les admettait pas au bénéfice du traitement réservé aux prisonniers de guerre, les chefs de corps français useraient de représailles envers les hommes de la landwehr et du landsturm, placés dans des conditions équivalentes (1)*.

$ 1801. Les autorités militaires prussiennes ne devaient cependant pas ignorer les lois de leur propre pays.

Vers le commencement de ce siècle un système militaire fut inauguré en Prusse sous le nom de Waffenpflicht (devoir des armes), d'après lequel tout Prussien est soumis au service militaire. La nation tout entière était obligée de se lever à l'appel du roi; et, afin d'assurer des forces suffisantes à tout événement, un nombre de jeunes gens aussi grand que possible étaient contraints de servir comme soldats pendant un temps déterminé, au bout duquel ils étaient renvoyés dans leurs foyers jusqu'à ce qu'ils fussent rappelés sous les drapeaux en cas de guerre. A la paix de 1814 cette organisation fut modifiée par la création de la landwehr (milice du pays), dans laquelle étaient incorporés les hommes qui avaient déjà servi trois ans dans l'armée permanente et deux ans dans la réserve. La landwehr était divisée en deux bans : le premier, composé des hommes de vingt-cinq à trente-deux ans, servait à appuyer l'armée permanente à l'extérieur comme à l'intérieur; le second, comprenant les hommes de trente-deux à trente-neuf ans, était employé uniquement à garder les places fortes et à soutenir au besoin le premier ban. L'armée permanente et le premier ban de la landwehr constituaient ensemble l'armée active destinée à faire campagne; en temps de guerre le premier ban de la landwehr se fondait dans l'armée permanente, chacun de ses régiments étant embrigadé

(1) Valfrey, Histoire de la diplomatie du gouvernement de la défense nationale, 3 partie, ch. 12, p. 162.

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Wheaton, lém., pte. 4, ch. 2, § 8; Bluntschli, § 570; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 15, § 226; Kent, Com., vol. I, § 94; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 20; Klüber, Droit, § 267; Heffter, § 126; Martens, Précis, § 271; Manning, p. 153; Phillimore, Com., vol. III, § 96; Halleck, ch. 16, §8; Hautefeuille, Des droits, tit.3, ch. 2; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 229-231; Pinheiro Ferreira, Précis de Martens, note sur le § 271; Rolin Jaequemyns, Revue de droit int. privé, t. III, p. 308.

Landwehr et landsturm allemandes.

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