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dans cette étude, le persounage éminent que le choix libre et pour ainsi dire spontané du peuple a chargé des destinées de la France.

pour qu'il soit permis de les juger : nous les apprécierons donc à notre point de vue d'historien, et, si quelques-uns de ses actes peuvent être regardés comme des dé-fautes, nous ne dissimulerons point le blame qu'ils auront mérité, en recherchant toutefois, avec une loyale franchise, les motifs qui pourront les justifier ou du moins les excuser.

« J'entreprends, me dit-on, une œuvre difficile et licate. Ecrire l'histoire d'un homme vivant, d'un homme politique, dont la carrière commence à peine, c'est vouloir marcher sur une cendre brûlante, c'est asseoir un édifice sur des sables mouvants, c'est m'exposer à des enhuis, à des persécutions, si je dis la vérité; c'est encourir le blâme public, ou tout au moins me vouer à l'indifférence du lecteur si mon œuvre est une palinodie des actes que nous voyous s'accomplir, le panégyrique anticipé d'un personnage qui est loin d'avoir dit son dernier mot. »

Ces raisonnements me touchent peu, je l'avoue. L'histoire contemporaine, je le sais, ne s'écrit pas de la même manière que celle des temps passés : celle-ci permet des allures indépendantes, le ton tranchant, caustique, satirique même; l'autre exige des formes prudentes, un ton réservé; elle impose, en un mot, des inénagements de diverses natures. Certes, je tiendrai compte de la différence des deux genres. Seulement, je soutiens que le prince Louis-Napoléon, s'appuyant sur un nombre, jusqu'alors inoui, de sept millions et demi de suffrages, est assez fort pour n'avoir point à redouter l'examen impartial de ses actes. Sans doute, si je me proposais de dénigrer ses intentions, je ferais mieux de briser ma plume, Mais, en exposant les faits loyale. ment, sans être guidé par un sentiment louangeur ou hostile, je veux éclairer mes concitoyens sur la valeur morale de l'homme qu'ils ont si majestueusement élu; je veux prouver que l'instinct du peuple, dans cette circonstance, n'a pas été aveugle, comme certaines gens feignent de le croire; je veux enfin plutôt recueillir des matériaux pour l'histoire future que porter un jugement sur des actes qu'on ne pourra justement apprécier qu'à distance.

Ce travail comprendra trois parties. Premièrement, j'exposerai les actions du jeune prince, depuis son bas àge jusqu'à sa rentrée en France. Dans cette première partie, nous le verrons grandir et se préparer, par l'étude, au rôle immense que lui réservait l'avenir. Nous analyserons ses écrits, ses publications. Les faits dont nous parlerons sont assez éloignés

La seconde partie comprendra l'exposé des actes et de la conduite du prince président de la République depuis le 10 décembre 1848 jusqu'au 2 décembre 1851. Ce sera une période de trois années, où nous verrons LouisNapoléon, devenu déjà dépositaire de la confiance du peuple français par une première consécration de cinq millions et demi de votes favorables à son élection, préparer, au milieu des difficultés que lui suscitaient les partis qui se tiraillaient dans l'Assemblée législative, la mise en œuvre de ses idées pour la régénération et la grandeur de la nation française,

Cette seconde partie se présentera aussi sous un jour assez éloigné pour être susceptible de certaines appréciations, pour lesquelles nous tâcherons de nous garantir de l'influence des passions du jour, Cette partie comprendra, du moins succinctement, les actes de l'Assemblée nationale législative. Celle-là est morte et bien morte: nous pourrons la traduire librement au tribunal de l'histoire, et nous n'y manquerons pas,

Enfin, la troisième partie commencera avec la journée du 2 décembre; elle se continuera indéfiniment. Nous l'arrêterons provisoirement au 29 mars 1852, jour de l'installation du nouveau pouvoir législatif. mais nous avons le projet de publier tous les ans une ou deux livraisons pour mettre constamment ces annales au courant; ces livraisons seront paginées de manière à faire suite aux précédentes, avec lesquelles elles devront se relier.

Cette dernière partie comprendra généralement le ta bleau exact et complet des faits qui se seront accomplis ou qui s'accompliront dans la période écoulée depuis le 2 décembre 1851 jusqu'au jour où il sera possible de la terminer. On conçoit qu'ici les appréciations seront difficiles; si la position indépendante de l'écrivain peut les lui permettre, les convenances les lui interdiront peut-être. Sur ce point, il consultera sa conscience, et fera en sorte de concilier les droits de l'histoire avec les exigences de la situation politique.

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LOUIS-NAPOLÉON

SA VIE POLITIQUE ET PRIVÉE

SES ÉCRITS, SES DISCOURS, SES ACTES, DEPUIS SA NAISSANCE JUSQU'A NOS JOURS.

PREMIERE PARTIE.

ENFANCE ET EXIL.

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CHAPITRE PREMIER.

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Son nom.

Nissance éclatante du prince. Qui le tient sur les fonts baptismaux. La reine Hortense. - Première éducation. Napoléon instituteur. Le roi de Rome. - Le roi de Hollande jugé par sa femme - Caractère de la reine. - Observations de Napoléon à ce sujet. L'invasion. La charpie. Les Cosaques. Départ de l'impératrice. - Intrépidité de la reine Hortense. -Les alliés dans son hôtel. - Conventions de Fontainebleau à l'égard de la reine et de ses enfants. L'empereur Alexandre à la Malmaison. Visite à Marly. Mort de l'impératrice Joséphine. Les deux enfants d'Hortense. Education maternelle. petit marchand de violettes. de la reine. Le procès. Louis XVIII. Fin du procès. léon. Les enfants en retraite. - Le 20 mars.

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La dent arrachée. Voyage Les défenseurs.

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Visite à

Débarquement de Napo

e prince Louis-Napoléon Bonaparte est né à Paris le 20 avril 1808. Il était le troisième fils de Louis-Napoléon, alors roi de Hollande, et d'Hortense Beauharnais, sœur du prince Eugène et fille de l'impératrice Joséphine.

Voici comment le Moniteur du temps rendait compte de l'événement de sa naissance sous la date du 21 avril: « Hier mercredi, à une heure du matin, S. M. la reine de Hollande est heureusement accouchée d'un prince. En conformité de l'article XL de l'acte des constitutions du 28 floréal an XII, S. A. S. Monseigneur le

prince archi-chancelier de l'Empire a été présent à la naissance. Son Altesse a écrit de suite à S. M. l'EMPEREUR ET ROI, à S. M. l'impératrice et reine, et à S. M. le roi de Hollande pour leur apprendre cette nouvelle.

« A cinq heures du soir l'acte de naissance a été reçu par S. A. S. le prince archi-chancelier, assisté de S. E. M. Regnault (de Saint-Jean-d'Angely), ministre d'Etat et secrétaire de l'état de la famille impériale. Attendu l'absence de S. M. l'EMPEREUR ET RO, le prince nouveauné n'a reçu aucun prénom; à quoi il sera pourvu par un acte ultérieur d'après les ordres de Sa Majesté. »>

Le prince Louis-Napoléon ne fut, en effet, baptisé qu'en 1811, au palais de Fontainebleau, par le cardinal Fesch, et tenu sur les fonts de baptême par l'Empereur lui-même et par la nouvelle impératrice Marie-Louise. Il reçut alors les noms de Napoléon-Louis-Charles, qu'avait portés son frère aîné.

Le fils aîné d'Hortense était né en 1802; il s'appelait, comme nous venons de le dire, Napoléon-Louis-Charles; il était mort prince royal de Hollande en 1807, le 5 mai, date fatale, car ce sera aussi celle de la mort de Napoléon le Grand. A l'approche du couronnement, le 11 octobre 1804, Hortense avait donné le jour à un second fils, qui fut baptisé par le pape Pie VII sous les noms de Napoléon-Louis. L'un et l'autre de ces enfants avaient eu aussi Napoléon pour parrain.

Après la mort de son second frère Napoléon-Louis, le prince Charles Louis-Napoléon signera ainsi son nom: Napoléon-Louis Bonaparte. C'est que l'Empereur avait décidé que l'aîné de sa famille s'appellerait toujours Napoléon; or, le prince actuellement président de la République française étant, d'après les lois du

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sénatus-consulte de 1804 (1), l'aîné des fils de la famille impériale, il a dû, în conséquence, changer sa signature. Toutefois, lors des élections de 1848, pour éviter toute confusion avec le nom d'un de ses cousins qui s'appelait Napoléon Bonaparte, il fut décidé qu'on le désignerait par ces deux noms : LOUIS-NAPOLÉON, et la consécration imposante que cette dénomination a reçue du suffrage universel a déterminé le prince à l'adopter désormais pour sa signature.

La naissance de Louis-Napoléon fut marquée par des fêtes et des réjouissances éclatantes. Des salves d'artillerie annoncerent cet événement dans toute l'étendue de l'Empire, depuis Hambourg jusqu'au Rhin, et depuis le Danube jusqu'aux Pyrénées. L'Empereur, alors, n'avait pas d'enfants, et les fils de son frère Louis lui paraissaient destinés à hériter un jour de sa puissance et de sa gloire. «La France, dit un historien, était en ce moment à l'apogée de ses grandeurs et de ses prospérités. Le génie de Napoléon réorganisait l'Europe, et la suprématie de la Révolution française dominait toutes les puissances. Pour donner à sa force continentale l'idée de la durée et de la fixité, l'Empereur saluait avec bonheur la venue des héritiers mâles de sa fortune politique. A cette époque glorieuse, le divorce avec l'impératrice Joséphine n'était nullement entrevu, pas même de Napoléon. C'était donc des continuateurs futurs de ses projets, de sa pensée, de son nom et de son pouvoir, qu'il voyait dans les fils de ses frères, que le plébiscite de l'an XII (1804) appelait à lui succéder. Le prince Louis-Napoléon était pour lui le second héritier de l'Empire aussi sa naissance fut-elle accueillie avec les plus vives démonstrations de joie par l'Empereur et par le peuple français. Les plus brillants honneurs et la solennité des réjouissances publiques entourèrent son berceau.

Une circonstance remarquable, signalée par les mê

(1) Il est bon de rappeler textuellement les principales dispositions de ce sénatus-consulte organique. On sait qu'il est du 28 floréal an XII (18 mai 1804).

Les premiers articles instituent le gouvernement impérial, et en établissent l'hérédité dans la descendance directe, naturelle et légitime de Napoléon Bonaparte, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

4. Napoleon Bonaparte peut adopter les enfants ou petitsenfants de ses frères, pourvu qu'ils aient atteint l'âge de dixhuit ans accomplis, et que lui-même n'ait point d'enfants mâles au moment de l'adoption.

5. A défaut d'héritier naturel et légitime ou d'héritier adoptif de Napoléon Bonaparte, la dignité impériale est dévolue et déférée à Joseph Bonaparte et à ses descendants naturels et légi

times, etc.

6. A défaut de Joseph Bonaparte et de ses descendants mâles, la dignité impériale est dévolue et déférée à Louis Bonaparte et à ses descendants naturels et légitimes, par ordre de primogéniture, et de mâle en mâle, à l'exclusion perpétuelle des femmés et de leur descendance.

(On voit que Lucien Bonaparte et Jérôme sont exclus de l'hérédité, car l'article 7, qui suit, dispose qu'à défaut d'héritier naturel et légitime ou d'héritier adoptif de Napoléon Bonaparte; à défaut d'héritiers naturels et légitimes de Joseph Bonaparte et de ses descendants mâles, de Louis Bonaparte et de ses descendants mâles, un sénatus-consulte organique, proposé au sénat par les titulaires des grandes dignités de l'Empire, et soumis à l'acceptation du peuple, nomme l'empereur, et règle dans sa famille l'ordre de l'hérédité, etc. Or, Joseph n'ayant laissé que des filles, le droit d'hérédité s'est trouvé naturellement, après la mort du roi de Rome, dévolu à Louis et à ses pescendants.)

mes écrivains (Sarrut et Saint-Edme), mérite bien d'être consignée ici.

« Un registre de famille, destiné aux enfants de la dynastie impériale, fut déposé au sénat comme le grandlivre des droits de successibilité. Le nouveau prince Louis y fut inscrit le premier avec toute la pompe d'une consécration. Le roi de Rome y prit seul place après lui. De ces deux princes, entrés dans la vie avec tant de splendeurs et tant de sympathies nationales, l'un est mort en exil, on ne sait de quelle mort; l'autre... » L'autre, après avoir été proscrit, puis incarcéré, puis expulsé de nouveau par le drapeau qui l'avait vu naître, est rentré en France au bruit des acclamations populaires, tant les destins et les flots sont changeants.

La reine Hortense vivait alors à Paris, séparée de fait de son mari, qu'elle avait épousé malgré elle, et dont le caractère n'avait jamais pu sympathiser avec le sien. Elle habitait un modeste hôtel qu'elle possédait rue Cerutti, aujourd'hui Laffitte. C'était une femme d'une amabilité rare, d'une douceur charmante, instruite, spirituelle, amie des beaux-arts, bonne musicienne; outre cela, indulgente pour les fautes de ceux qui l'entouraient, obligeante, généreuse, elle avait toutes les qualités qui peuvent faire adorer une femme, et elle les rehaussait moins encore par la dignité de son rang que par les grâces de sa personne. Elève de madame Campan, elle s'était signalée dans la célèbre maison d'Ecouen par ses succès littéraires, et principalement par ses dispositions pour la musique et le dessin.

Louis-Napoléon, élevé sous les yeux d'une telle mère, reçut une première éducation dont les principes sages et sévères tout à la fois eurent une grande influence pour l'avenir du jeune prince. La reine Hortense pressentait sans doute que, dans le temps où elle vivait, la véritable grandeur consistait dans le vrai mérite, et que c'était par l'âme et le cœur qu'un homme pouvait aspirer à devenir quelque chose. Destiné éventuellement à régner, soit en Hollande, soit ailleurs, Louis-Napoléon fut, de bonne heure, élevé sans mollesse comme un enfant du peuple. La sévérité du régime auquel on le soumettait pour fortifier son corps en même temps que pour développer les facultés de son âme inquiétait souvent l'excellente impératrice Joséphine, sa grand'mère, dont il était l'idole de prédilection. Elle ne put cependant obtenir aucune modification aux principes d'éducation virile et forte que la reine Hortense avait heureusement adoptés.

Napoléon, absorbé par les grandes affaires de son règne, pouvait à peine donner à sa famille ses heures de repas; encore déjeunait-il seul dans son cabinet, sur un petit guéridon où personne n'était admis à manger avec lui, excepté les deux fils du roi de Hollande. Il se les faisait amener fréquemment pour s'assurer, par luimême, du progrès de l'instruction et du développement des idées des deux jeunes princes sur lesquels reposaient toutes ses espérances d'avenir napoléonien. Il les questionnait avec intérêt, s'amusait de leur langage enfantin, et leur faisait réciter des fables qu'il choisissait lui-même, il leur en expliquait le seus; puis, pour exercer leur intelligence, il leur demandait de lui en rendre compte en abrégé, et, quand il remarquait chez ces enfants des éclairs de raison, des signes de progrès intellectuel, il en témoignait une vive satisfaction.

En voyaut le grand Napoléon, dans tout l'éclat de sa gloire, tenir d'une main le sceptre du monde et prendre de l'autre la férule du professeur pour animer l'instruc

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