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à vaincre les obstacles qui entravent sa marche. Leur forme doit varier suivant la nature du mal qu'ils sont appelés à guérir, suivant le peuple qu'ils ont à régir... Un gouvernement n'est pas, comme l'a dit un publiciste distingué, un ulcère nécessaire; c'est plutôt le moteur bienfaisant de tout organisme social.

L'auteur insiste sur l'existence du progrès absolu. Le progrès ne disparaît jamais, dit-il, mais il se déplace souvent; il va des gouvernants aux gouvernés. La tendance des révolutions est de le ramener toujours parmi les gouvernants. Lorsqu'il est à la tête des sociétés, il marche hardiment, car il conduit; lorsqu'il est dans la masse, il marche à pas lents, car il lutte. Dans le premier cas, le peuple coufiant se laisse gouverner; dans le second cas, il veut au contraire tout faire par luimême. Et la résistance qu'il rencontre arrête tout. »

Si ces lignes avaient été écrites hier, on pourrait les croire inspirées par l'observation des événements que nous avons vus se dérouler depuis quatre ans; mais on remarquera que Louis-Napoléon les écrivait en 1838. Ce n'était pas de la prévision sans doute; mais c'était une déduction judicieuse des faits de l'histoire parfaite ment observés; ce qui s'est passé en France en prouve encore la justesse.

Après avoir proclamé la continuité du progrès, l'auteur fait remarquer l'inconstance et la variété des formes gouvernementales. -«Les républiques, dit-il, sont aussi vieilles que le monde; l'élection et l'hérédité -se sont, depuis des siècles, disputé le pouvoir, et le pouvoir est resté tour à tour à ceux qui avaient pour eux les sciences et les lumières, le droit ou la force. Il ne saurait donc y avoir de gouvernement assis sur des formes invariables.... »

L'auteur, on le conçoit, n'attache pas une grande importance aux distinctions que les publicistes ont faites entre le gouvernement d'un seul et le gouvernement de plusieurs, entre les gouvernements démocratiques et les gouvernements aristocratiques. Il ne voit dans la monarchie ni le principe de droit divin, ni tous les vices qu'on veut y trouver. Il ne voit dans le système héréditaire que la garantie de l'intégrité d'un pays, et, pour le prouver, il rappelle que les deux monarchies de France et d'Allemagne naquirent en même temps du partage de l'empire de Charlemagne; la couronne devint élective en Allemague, elle resta héréditaire eu France. Huit siècles plus tard, l'Allemague était divisée en une foule d'Etats; sa nationalité avait disparu, tandis qu'en France le principe héréditaire avait détruit tous les petits souverains et formé une nation grande el compacte.

immense territoire qui s'étend de l'Atlantique à la mer du Sud, et du pôle nord à l'équateur. Le gouvernement, qui n'est qu'une simple administration, n'a eu, jusqu'à présent, qu'à mettre en pratique ce vieil adage: Laissez faire, laissez passer, pour favoriser cet nstinct irrésistible qui pousse vers l'ouest les peuples d'Amérique.

«En Russie, c'est à la dynastie impériale qu'on doit tous les progrès qui, depuis un siècle et demi, ont tiré ce vaste empire de la barbarie. Le pouvoir impérial doit lutter contre les vieux préjugés de notre vieille Europe: il faut qu'il centralise, autant que possible, dans les mains d'un seul, les forces de l'Etat. afin de détruire tous les abus qui se perpétuent à l'abri des franchises communales et féodales. L'Orient ne peut recevoir que de lui les améliorations qu'il attend.

«Mais toi, France de Henri IV, de Louis XIV, de Caruot, de Napoléon, toi qui fus toujours pour l'occident de l'Europe la source des progrès, toi qui possèdes les deux soutiens des empires, le génie des arts pacifiques et le génie de la guerre, n'as-tu plus de mission à remplir? Epuiseras-tu tes forces et ton énergie à lutter sans cesse avec tes propres enfants? Nou, telle ne peut être la destinée; bientôt viendra le jour où, pour te gouverner, il faudra comprendre que ton rôle est de mettre dans tous les traités ton épée de Brennus en faveur de la civilisation. »

Dans le chapitre suivant, l'auteur nous montre Napoléon arrivant sur la scène du monde pour être l'exécuteur testamentaire de la Révolution. La Révolution de 89 avait émis de grandes idées, mais elle avait produit aussi des ébranlements terribles. Napoleon eut pour mission d'asseoir une société encore bouillonnante de haine et de rancune sur de nouveaux principes, en employant, pour consolider, les mêmes instruments qui jusque là n'avaient servi qu'à abattre.

La liberté doit suivre la mème marche que la religion chrétienne. Au commencement elle a effrayé; puis, ayant revêtu des formes plus douces, elle s'est insinuće dans tous les raugs de la société. L'empereur Napoléon a contribué plus que tout autre à accélérer le règne de la liberté en sauvant l'influence morale de la Révolution et en diminuant les craintes qu'elle inspirait. Il la dessouilla, suivant son expression, affermit les rois et ennoblit les peuples... L'Empereur doit être considéré comme le Messie des idées nouvelles; il s'est armé d'un génie régénérateur; il s'est identifié avec les sentiments du peuple : voilà surtout ce qui faisait sa force.

«L'ancienne monarchie avait pour soutiens la noblesse et le clergé, parce que c'était alors dans ces denx classes que résidaient les deux principaux éléments de force, la richesse territoriale et l'influence morale. La Révolution avait détruit tout cet édifice féodal : elle avait déplacé les intérêts, créé de nouvelles sources de puissance et de richesse, fait naître de nonvelles idées. »

Au point de vue de l'auteur, le meilleur gouvernement est celui qui remplit bien sa mission, c'est-à-dire qui se formule sur le besoin de l'époque et qui, en se modelaut sur l'état présent de la société, emploie les moyens nécessaires pour frayer une route plane et facile à la civilisation qui s'avance. « Je ne vois, aujourd'hui, continue-t-il, et je le dis à regret, que deux Napoléou ne songea point à ramener l'ancien régime: ! gouvernements qui remplissent bien leur mission provi-c'eût eté folie. Il appuya sou autorité sur des intérêts dentielle; ce sont les deux colosses qui sont au bout du monde, l'un à l'extrémité du nouveau, l'autre à l'extrémité de l'ancien. Tandis que notre vieux centre européen est comme un volcan qui se consume dans son cratère, les deux nations orientale et occidentale marchent, sans hésiter, vers le perfectionnement : l'une par la volonté d'un seul, l'autre par la liberté.

« La Providence a confié aux Etats-Unis d'Amérique le soin de peupler et de gagner à la civilisation tout eet

nouveaux. Il rétablit la religion et la liberté des cultes; cela lui fut facile : c'était le vœu de la nation, de même qu'elle désirait un pouvoir héréditaire. Aussi, quand on lui demanda si elle en voulait un, réponditelle affirmativement par quatre millions de votes. C'est que les nations, comme les individus, sout esclaves de leurs habitudes. Un seul jour ne fait pas d'une monarchie de quatorze cents ans une république élective, pas plus qu'un seul jour n'avait pu faire à Rome, d'une ré

publique de cinq cents ans une monarchie héréditaire. Ainsi Rome conserva, sous les empereurs, les formes vénérées de la république, et la France républicaine conserva les traditions fondamentales de la monarchie en renforçant la centralisation du pouvoir qui avait été l'elément vital de la nationalité française.

Après avoir fait remarquer qu'au commencement du dix-neuvième siècle les idées étaient toutes portées pour l'hérédité du pouvoir de l'Empereur, soit par la force traditionnelle des anciennes institutions, soit par le prestige qui environnait l'homme investi de l'autorité, soit enfin par le désir d'un ordre de choses qui donnât plus de garantie de stabilité. l'auteur ajoute une observation fort judicieuse c'est que plus la France était démocratique, plus il était difficile de concevoir son existence en république, sans aristocratie. « Un corps aristocratique, dit quelque part M. Thiers, convient plus particulièrement aux républiques. » D'ail leurs, l'aristocratie n'a pas besoin de chef, tandis que

LA NATURE DE LA DÉMOCRATIE EST DE SE PERSONNIFIER DANS UN HOMME.

L'auteur, expliquant la nécessité de cette personnification, justifie Napoléon d'avoir surmonté d'une couroune ses lauriers républicains. « Il y a, dit-il, des esprits vulgaires qui, jaloux de la supériorité du mérite, semblent vouloir s'en venger en lui attribuant leurs ¦ mesquines passions. Ainsi, au lieu de comprendre qu'un grand homme n'a pu êre dirigé que par de grandes conceptions, par des raisons d'Etat de la plus haute portée, ils disent : « Napoléon s'est fail empereur par ambition personnelle; il s'est entouré de noms illustres de l'ancien régime pour satisfaire son amour-propre; il a dépensé les trésors de la France et le plus pur de son sang pour agrandir sa puissance et pour mettre ses frères sur des trónes; enfin il a épousé une archiduchesse d'Autriche pour mettre une vraie princesse dans son lit. » « Ai-je donc régué sur des pygmées en intelligence, qu'ils m'aient si peu compris? » s'écriait Napoléon à Sainte-Hélène, dans un moment d'humeur... Que son âme se console ! Les masses, depuis longtemps, lui ont rendu justice; chaque jour qui s'écoule, en dé couvrant une des misères qu'il avait guéries, un mal qu'il avait extirpé, explique assez ses nobles projets. Et ses grandes pensées sont comme des phares lumineux qui font entrevoir au milieu des ténèbres et des tempêtes un avenir de sécurité! »

Dans le chapitre III, l'auteur expose en détail le système politique de Napoléon à l'intérieur. En arrivant au pouvoir, il vit d'un coup d'œil quelles idées étaient passées sans retour, celles qui devaient prévaloir dans la suite, et enfin celles qui pouvaient être appliquées immédiatement.

« Le devoir de tout gouvernement est de combattre les idées fausses et de diriger les idées vraies en se mettant hardiment à leur tête; car si, au lieu de conduire, un gouvernement se laisse entraîner, il court à sa perte, et il compromet la société au lieu de la protéger. C'est parce que l'Empereur fut le représentant des idées vraies de son siècle qu'il acquit si facilement l'ascendant le plus immense. Quant aux idées nuisibles, il ne les attaqua jamais de front...; il savait que la violence ne vaut rien contre des idées. »

L'auteur des Idées napoléoniennes soutient que le but de l'Empereur était de conduire la France à la liberté.

« Oui, la liberté!... s'écrie-t-il, et, plus on étudiera l'histoire de Napoléon, plus on se convaincra de cette

:

vérité. Car la liberté est comme un fleuve pour qu'elle apporte l'abondance et nou la dévastation, il f' ut qu'on lui creuse un lit large et profond. Si, daus son cours régulier et majestueux, elle reste dans ses limites naturelles, les pays qu'elle traverse bénissent son passage; mais, si elle vient comme un torrent qui déborde, ou la regarde comme le plus terrible des fléaux; elle éveille toutes les haines, et l'on voit alors des hommes, dans leur prévention, repousser la liberté parce qu'elle détruit, comme si l'on devait bannir le feu parce qu'il brûle, et l'eau parce qu'elle inonde. »

Voilà, certes, qui est bien pensé et noblement exprimé; ceux qui ont observé les faits accomplis depuis quatre ans savent combien la remarque qui précède est juste et fondée en raison. «Mais, dit-on, la liberté n'était pas assurée par les lois impériales. Son nom, répond l'auteur, n'était pas, il est vrai, en tête de toutes les lois, ni affiché à tous les carrefours, mais chaque loi de l'Empire en préparait le règne pais.ble

et sûr. »

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Puis il continue par cette éloquente énumération :

« Quand, dans un pays, il y a des partis acharnés les uns contre les autres, des haines violentes, il faut que ces partis disparaissent, que ces haines s'apaisent, avant que la liberté soit possible.

<«< Quand, dans un pays démocratisé comme l'était la France, le principe d'égalité n'est pas appliqué généralement, il faut l'introduire dans toutes les lois avant que la liberté soit possible.

« Lorsqu'il n'y a plus ni esprit public, ni religion, ni foi politique, il faut se créer au moins une de ces trois choses avant que la liberté soit possible.

« Lorsque les changements successifs de constitution ont ébranlé le respect dû à la loi, il faut recréer l'influence légale avant que la liberté soit possible.

« Lorsque les anciennes mœurs ont été détruites par une révolution sociale, il faut en recréer de nouvelles d'accord avec les nouveaux principes avant que la liberté soit possible.

« Quand le gouvernement, quelle que soit sa forme, n'a plus ni force ni prestige, que l'ordre n'existe ni dans l'administration, ni dans l'Etat, il faut recréer le prestige, il faut rétablir l'ordre, avant que la liberté soit possible.

« Lorsque dans une nation il n'y a plus d'aristocratie, et qu'il n'y a d'organisé que l'armée, il faut reconstituer un ordre civil, basé sur une organisation précise et régulière, avant que la liberté soit possible.

«Enfin, lorsqu'un pays est en guerre avec ses voisins et qu'il renferme encore dans son sein des partisans de l'étranger, il faut vaincre les ennemis et se faire des alliés sûrs avant que la liberté soit possible. »>

On voit, par cet exposé, quelles difficultés l'Empereur avait à vaincre avant de pouvoir faire entrer la France dans le régime de la liberté. — « Il faut, ajoute l'auteur, plaindre les peuples qui veulent récolter avant d'avoir labouré le champ, ensemencé la terre, et donné à la plante le temps de germer, d'éclore et de mûrir. Une erreur fatale est de croire qu'il suffise d'une décla ration de principes pour constituer un nouvel ordre de choses! >>

En parlant ensuite des constitutions, le prince LouisNapoléon apprécie ces espèces de factums avec une grande sagesse. - « Après une révolution, dit-il, l'essentiel n'est pas de faire une constitution, mais d'adop ter un système qui, basé sur les principes populaires, possède toute la force nécessaire pour fonder et étas

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blir, et qui, tout en surmontant les difficultés du moment, ait en lui cette flexibilité qui permette de se plier aux circonstances. D'ailleurs, après une lutte, une constitution peut-elle se garantir des passions réactionnai res? et quel danger n'y a-t-il pas à traduire en principes généraux des exigences transitoires? « Une constitution, a dit Napoléon, est l'œuvre du temps; on ne saurait y laisser une trop large voie aux améliorations. >>

On comprend l'intérêt qu'ont aujourd'hui ces observations. Le prince président ne les avait sans doute pas oubliées lorsqu'il s'est trouvé appelé à faire la Constitution de 1852; c'est ce que nous aurons lieu de reconnaître quand nous examinerons cette œuvre importante.

L'auteur des Idées napoléoniennes fait un tableau de la situation de la France au moment où Napoléon arriva de l'Egypte. On sait quel désordre régnait partout: nullité dans le gouvernement, corruption dans toutes les branches de l'administration, découragement et misère dans les armées, guerre civile et anarchie à l'intérieur, revers et désastres à l'extérieur; tel était, en résumé, l'état des affaires de la République. Napoléon, accueilli avec transport par la France entière, et bientôt revêtu d'un pouvoir indispensable, rétablit l'ordre dans les diverses parties du corps social; alliant l'indulgence à la fermeté, il ménagea tous les partis; avec lui s'éteignirent les passions réactionnaires. Fort de l'assentiment du peuple, il procéda rapidement à l'abolition de toutes les lois injustes, il cicatrisa toutes les plaies, récom

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pensa tous les mérites, adopta toutes les gloires et fit concourir tous les Français à un seul but : la prospérité de la France.

Ici, l'auteur énumère les premiers actes de Napoléon; il le représente rappelant les déportés de fructidor et les conventionnels Barrère et Vadier, de même qu'il ouvrait les portes de la France à plus de cent mille émigrés. Nous n'insisterons pas sur ces faits, qui sont connus de tous nos lecteurs. Personne n'ignore que, fidèle aux principes de conciliation qu'il avait adoptés, il s'entourait des honnêtes gens de tous les partis; son conseil d'Etat renfermait des constituants aussi bien que des royalistes, et même des jacobins. Il récompensait les services récents en même temps qu'il cherchait à illustrer les grands souvenirs. S'il don

Paris-Imp. Simon Raçon &-Gree d'Erfurth, 4.

nait une pension de 2,000 francs à la sœur de Robespierre, on a vu qu'il en faisait payer une de 400,000 francs à la mère du duc d'Orléans, depuis roi des Français.

«N'oublions pas, surtout, de remarquer, dit avec raison l'auteur des Idées napoléoniennes, que tout ce qu'entreprit Napoléon pour opérer une fusion générale, il le fit sans renoncer aux principes de la Révolution. Il avait rappelé les émigrés sans toucher à l'inviolabilité de la vente des biens nationaux. Il avait rétabli la religion catholique, tout en proclamant la liberté des consciences, et en donnant une rétribution égale aux ministres de tous les cultes. Il se fit sacrer par le souverain pontife sans souscrire à aucune des concessions que lui demandait le pape sur les libertés de l'Eglise

gallicane. Il épousa la fille de l'empereur d'Autriche sans abandonner aucun des droits de la France sur les conquêtes qu'elle avait faites. Il rétablit les titres nobiliaires, mais sans y attacher de priviléges ni de préro gatives; ces titres allaient atteindre toutes les naissances, tous les services, toutes les professions.

«Napoléon, ajoute encore son auguste panégyriste, en donnant l'élan à toutes les passions élevées, en montrant que le mérite et la vertu conduisaient aux richesses et aux honneurs, prouva au peuple que les sentiments nobles du cœur humain ne sont que les drapeaux des intérêts matériels bien entendus, de même que la morale chrétienne est sublinie, parce que, même comme loi civile, elle est le guide le plus sûr que nous puissious suivre, la meilleure conseillère de nos intérêts privés. »

L'auteur passe en revue les détails de l'organisation administrative et de l'organisation politique. Il convient que l'Empereur s'était fait le centre de tout son système de gouvernement. C'était nécessaire : « Dans un gouvernement dont la base est démocratique, le chef seul doit avoir la puissance gouvernementale; la force morale ne dérive que de lui, tout aussi remonte directement jusqu'à lui, soit haine, soit amour. Dans une telle société, la centralisation doit être plus forte que dans toute autre... La centralisation était alors le seul moyen de constituer la France, d'y établir un régime stable et d'en faire un tout compacte, capable tout à la fois de résister à l'Europe et de supporter plus tard la liberté. Au reste, continue l'auteur, l'excès de centralisation, sous l'Empire, ne doit pas être considéré comme un système définitif et arrêté, mais plutôt comme un moyen. Dans toutes les institutions, c'est l'idée prédominante et la tendance générale qu'il faut surtout rechercher et approfondir.

« Une bonne administration se compose d'un système régulier d'impôts, d'un mode prompt et égal pour les percevoir, d'un système de finances qui assure le crédit, d'une magistrature considérée, qui fasse respecter la loi; enfin d'un système de rouages administratifs qui porte la vie du centre aux extrémités et des extrémités au centre. Mais ce qui distingue surtout une bonne administration, c'est lorsqu'elle fait appel à tous les mérites, à toutes les spécialités, pour éclairer sa marche et mettre en pratique tous les perfectionnements; c'est lorsqu'elle réprime avec force tous les abus, qu'elle améliore le sort des classes pauvres, qu'elle éveille toutes les industries, et qu'elle tient une balance égale entre les riches et les pauvres, entre ceux qui travaillent et ceux qui font travailler, entre les dépositaires du pouvoir et les administrés. »

Tels furent précisément les caractères de l'administration de l'Empereur. Par la création des préfets souspréfets, maires et adjoints, il facilita l'exercice du pouvoir Il avait institué un ministre du trésor et un ministre secrétaire d'Etat. Le premier couce..trait toutes les ressources et contrôlait toutes les dépenses de l'Empire. Du ministre secrétaire d'Etat éman ient tous les actes: c'était le ministre des ministres donnant la vie à toutes les actions intermédiaires, le grand notaire de l'Empire signant et légalisant tou es les pièces.

On sait quel ordie et quelle économie furent introduits dans la perception des impôts et dans le maniement des finances, et combien, à cette époque, le budget était modéré. L'Empereur estimait qu'il fallait à la France un budget de 800 milions pour l'état de guerre, et de 600 millions pour l'état de paix. Il créa

la Cour des comptes pour examiner et contrôler la comptabilité générale de l'Etat. La Banque de France reçut aussi de l'Empereur un appui considérable. Enfin, grâce aux mesures énergiques que prit Napoléon, le crédit public se releva rapidement.

L'ordre judiciaire attira é alement son attention et subit une modification importante par la création des Cours impériales. Comme preuve de la bonté des institutions judiciaires sous l'Empire, l'auteur fait remarquer que les crimes allèrent toujours en diminuant, et que le nombre des prisonniers d'Etat, qui était de neuf mille au 18 brumaire, se trouva réduit à cent cinquante en 1814.

Les institutions de l'Empereur, en vue de l'amélioration des classes pauvres ou souffrantes, l'extension et l'importance qu'il entendait donner aux administrations communales, ses encouragements à l'agriculture, à l'industrie, aux travaux publics, au commerce extérieur, forment autant d'articles où l'auteur des Idées napoléoniennes fait ressortir la grandeur des conceptions de Napoléon.

L'instruction publique était faible et fort restreinte à l'avénement de l'Empire. Napoléon, en créant l'Université, ouvrit des établissements et des écoles où chacun pût acquérir librement les connaissances nécessaires à ses besoins ou à ses projets d'avenir. On a regardé comme un chef-d'œuvre l'ordre hiérarchique qui était la base du système de l'Université impériale. On a aussi reproché à ce système d'entraver la liberté; « mais, comme le dit encore l'auteur des Idées, le temps de la liberté n'était pas venu; et lorsqu'un gouvernement se trouve placé à la tête d'une nation qui vient de s'affranchir de toutes les idées du passé, il est de son devoir, non-seulement de diriger la génération présente, mais d'élever la génération qui surgit dans les principes qui ont fait triompher cette Révolution. » Quoi qu'il en soit, il est certain que l'Université créée par l'Empereur était un magnifique et solide monument, parfaitement en harmonie avec l'ensemble de l'organisation impériale, qui s'adressait à toutes les capacités, frayait le chemin, le traçait avec précision, en faisant disparaître les entraves qui auraient empêché de le parcou rir; et, après la chute de l'Empire, on s'en souvient, ce sont les élèves des lycées qui ont continué dans les arts, les sciences et les lettres, la gloire de la France.

Pour dire un mot de l'armée, l'auteur regarde la conscription, qui, malheureusement, dit-il, pesa tant sur la France, à cause de la prolongation de la guerre, comme une des plus grandes institutions du siècle. Nonseulement elle consacrait le principe d'égalité, mais elle devait être, suivant l'observation du général Foy, le palladium de notre indépendance, parce que, mettant la nation dans I armée et l'armée dans la nation, elle fournit à la défense des ressources inépuisables. Au reste, le principe qui avait présidé à l'institution de la loi sur la conscription devait recevoir de plus grauds développements. Il ne suffisait pas que l'armée fût recrutée dans la nation, il fallait que toute la nation pût, dans un cas de malheur, servir de réserve à l'armée. Mais les guerres continuelles ne permirent pas de créer celte vaste organisation. Cependant le rétablissement de la garde nationale, en 1806. parut montrer un coin du réseau militaire dout Napoléon songeait à couvrir la France. « A la paix, disait-il, j'aurais amené tous les souverains à n'avoir plus que leur simple garde; j'au rais procédé à l'organisation de la garde nationale, de manière à ce que chaque citoyen connût son poste au

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