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encore la jurisprudence et la doctrine hésitent sur la portée qu'il convient de donner au mandat tacite réciproque des débiteurs solidaires, notamment en matière de signification de jugement, de déchéance de l'appel, ou en cas d'appel interjeté... M. Barde analyse ces difficultés avec beaucoup de finesse et de clarté (not. nos 1235, 1236).

Le problème de la responsabilité en cas de faute commune, inaperçu du Code civil, n'a été définitivement résolu ni par la doctrine, ni par la jurisprudence. M. Barde repousse l'application aux coauteurs d'un délit de la théorie de la solidarité ou de la théorie de l'indivisibilité, pour s'en tenir à l'idée d'obligation au tout. Il admet entre les coauteurs l'existence d'un recours par portións viriles et non pas d'un recours proportionné à la gravité de la faute (contrairement à la jurisprudence). D'ailleurs M. Barde estime qu'il n'existe aucun principe juridique, en dehors de l'équité, capable de justifier ce recours, affirmation qui nous paraft fort contestable (V. nos 1298 à 1307).

Deux appendices importants sont consacrés aux obligations naturelles et à la dation en paiement.

Les quelques solutions que nous relevons un peu au hasard ne constituent pas une analyse. Nous avons voulu seulement laisser entendre que l'ouvrage de MM. Baudry et Barde, tout en restant un commentaire du Code civil, faisait une place plus large aux notions théoriques, au courant des idées nouvelles, au droit comparé. Le droit des obligations évolue plus qu'on a coutume de se l'imaginer; MM. Baudry-Lacantinerie et Barde ont minutieusement scruté la jurisprudence et, ayant parfois conscience de la nécessité d'une mise au point nouvelle des conceptions doctrinales, ils ont en plus d'un endroit cherché les éléments des constructions futures.

En même temps paraissait la seconde édition du premier volume du même traité.

4. Le tome III du Traité des personnes, par MM. BAUDRYLACANTINERIE, CHAUVEAU et CHÉNEAUX, est consacré au divorce, à la paternité et à la filiation.

La question de la valeur du divorce au point de vue législatif est résolue dans le sens de l'affirmative. Les auteurs exposent que cette institution n'est contraire ni aux croyances religieuses, ni à l'intérêt social, ni à l'intérêt des enfants.

Quant à la procédure de divorce, les auteurs admettent que l'avoué est sans mandat pour transcrire le jugement de divorce

qu'il a obtenu. Ils vont même jusqu'à décider que l'avoué qui transcrit sans mandat spécial fait une transcription nulle.

Lorsque la séparation de corps est prononcée, ils donnent au tribunal un pouvoir discrétionnaire pour apprécier après trois ans s'il doit accorder le divorce et ils lui permettent en même temps de statuer sur les questions de garde ou de pension ali

mentaire.

La question de l'autorité de la chose jugée en matière de réclamation d'état a donné lieu à de très vives controverses. Le traité que nous signalons les résout en restant très fermement attaché au principe de l'autorité relative de la chose jugée, n'admettant l'extension de cette autorité qu'à l'égard des ayants cause à titre universel.

Sur une question voisine, l'autorité de la chose jugée en matière de noms de famille, l'ouvrage donne des développements très intéressants. Les auteurs admettent l'effet absolu du premier jugement rendu sur le nom. Ce jugement, d'après eux, produit effet à l'égard de tous. Il en est ainsi spécialement en ce qui concerne les jugements portant uniquement sur le nom.

Nous ne pouvons avoir la prétention d'analyser l'ensemble du volume, où les questions sont traitées en très grand nombre et avec une grande sobriété de développements. Les indications que nous venons de donner suffisent cependant pour en montrer tout l'intérêt.

La seconde édition du tome ler du Traité des personnes, par MM. BAUDRY-LACANTINERIE et HOUQUES-FOURCADE, a également paru. Il contient, notamment, une étude complète et très documentée sur les différents systèmes d'interprétation du droit qui ont été proposés dans ces dernières années.

5. Enfin le tome II du Traité du contrat de louage, par MM. BAUDRY-LACANTINERIE et WAHL, a paru en seconde édition. Il est consacré principalement aux diverses formes du louage d'ouvrage et à la responsabilité des accidents du travail.

6.

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En dehors des traités de droit civil dont nous venons de rendre compte, nous devons signaler encore quelques ouvrages dont la lecture ne manquera pas d'intéresser les civilistes.

L'ouvrage de VON IHERING sur le but dans le droit (Zweck im Recht), dont M. de Meulenaere vient de traduire un fer volume sous le titre de L'évolution du droit, se rattache en beaucoup de ses parties au droit civil; à vrai dire l'œuvre toute entière est singulièrement suggestive pour un civiliste, puisqu'elle ne

tend à rien moins qu'à donner le sens de l'évolution du droit et par conséquent à fournir au jurisconsulte une orientation. Mentionnons pourtant les chapitres consacrés au commerce juridique, plus spécialement à la notion du crédit, au contrat...

7. Nous dirons aussi de l'ouvrage de M. LÉON DUGUIT: L'État, le droit objectif et la loi positive, qu'il domine toute l'interprétation des lois civiles, puisqu'il tend à déterminer la limite des droits individuels, l'empire de la loi (1).

Le ch. III traite de l'acte juridique. Tout homme, d'après M. Duguit, a un pouvoir de vouloir, mais il n'a pas nécessairement un pouvoir d'obtenir. Il n'aura un pouvoir d'obtenir que lorsqu'il aura voulu conformément à la règle de droit, c'est-à-dire à la solidarité sociale. Une semblable volonté peut seule fonder une obligation. Tout acte de volonté individuelle déterminé par un but conforme à la solidarité sociale peut être qualifié d'acte juridique et fait naître un pouvoir d'obtenir. Toute manifestation de volonté contraire à la solidarité sociale fait naître le pouvoir de vouloir et d'obtenir une certaine réaction contre l'acte antisolidaire. Si nous ne craignions de trahir la pensée de M. Duguit en la résumant trop brièvement, nous montrerions comment l'auteur arrive à conclure que la notion de l'obligation, rapport entre deux sujets, est une notion trop étroite. Le pouvoir d'obtenir qui résulte de toute volonté conforme à la solidarité sociale n'implique pas forcément un pouvoir appartenant à un sujet contre un autre sujet. Ainsi M. Duguit émet des idées neuves qui méritent d'être méditées et en ce qui concerne le fondement de l'obligation et en ce qui concerne son domaine. Ou plutôt M. Duguit tend en quelque sorte à éliminer du droit la notion d'obligation rapport de droit, pour y substituer la notion d'une simple situation subjective engendrée par toute volonté sociale.

Les ch. IV et V, intitulés : Les gouvernants et La volonté des gouvernants, renferment des contributions importantes à la théorie de la personnalité morale et du droit d'association. M. Duguit nie la personnalité morale de l'État. Il démontre que l'État est tenu juridiquement de n'apporter aucun obstacle à la formation des libres associations et à la création des fondations, car en le faisant il irait directement contre la solidarité par division du travail.

(1) V. les intéressants comptes rendus de M. Gény, Rev. critique, 1901, p. 502 et de M. Combothecra, Rev. génér., 1901, pp. 164 et suiv.

Dans le ch. VII, les §§ VI et VII (La loi positive ne crée jamais une situation juridique subjective. Conséquences et controverses) contiennent sur la distinction des intérêts et des droits acquis et sur la théorie des droits acquis des idées neuves et profondes. Enfin, pour tout dire, l'ouvrage de M. Duguit est de ceux qui résistent à l'analyse, mais qui font beaucoup penser.

8. Le Traité de législation coloniale de M. DISLÈRE, dont la 2e édition est parue en 1901, et l'ouvrage intitulé Les colonies françaises, publié sous la direction de M. PETIT, s'occupent de l'application des lois civiles françaises aux colonies.

9. — M. MENTHA a publié dans le Bulletin de la Société de législation comparée (XXX, 1901, p. 361 à 385) une intéressante notice sur l'état des travaux préparatoires d'un Code civil suisse, dans laquelle il analyse sommairement les deux premiers livres du projet de M. Huber consacrés aux personnes et à la famille. 10. Une autre analyse de l'Avant-projet du Code civil suisse de Huber, contenant en outre l'analyse du liv. III (Successions) et du liv. IV (Droits réels), a été insérée dans la Revue critique de législation par M. ADAM (1901, p. 373). Voy. aussi : Un Code civil fédéral, Réforme sociale (1901), Va série, t. I, p. 733.

11.

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Nous devons rendre compte de l'état de la publication des Répertoires ou Codes civils annotés.

Nous relevons dans les deux volumes du Répertoire alphabétique du droit français, de FUZIER-HERMAN, parus en 1901, les mots suivants : Fidéicommis, Folle enchère, Minorité, Mise en demeure, Mitoyenneté, Noblesse, Noms et prénoms, Novation, Nullités...

12. Dans le Répertoire des Pandectes françaises, sont à signaler les mots : Interdiction, intérêt, inventaire...

13, Dans la Grande encyclopédie, nous avons remarqué dans le dernier volume paru d'importants articles sur les mots Saisine, Séparation, Société, Subrogation, Substitution, Succession....

14. La 3e livraison du nouveau Code civil annoté de DALLoz, qui vient de paraître, contient la continuation du titre des Successions et la meilleure partie du titre des Donations et testaments.

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15. Le Dictionnaire du commerce, de l'industrie et de la banque, de MM. YVES GUYOT et RAFFALOVICH, vient d'être achevé (chez Guillaumin). Il contient plusieurs articles intéressant le

droit civil Incapacité, Salaires, Syndicats professionnels, Travail (contrat de), Titres perdus ou volés, etc.

16.

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Dans son Introduction à une nouvelle synthèse complète de la législation et de la jurisprudence française (Rev. génér. du dr., 1901, p. 124 et s.), M. VIGOUROUX expose le plan d'un répertoire pratique, qu'il est sur le point de publier, et qui embrassera toutes les branches du droit français.

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17. Le 20° Annuaire de législation française, publié en 1901, contient le texte et le commentaire des diverses lois civiles promulguées en France dans le cours de l'année 1900.

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18. L'Annuaire de législation étrangère, paru en 1901, avec le millésime de 1900, est le 29o de la collection. Il contient la traduction ou l'analyse d'un grand nombre de lois civiles étrangères.

19. Enfin M. ERNEST LEHR a publié (chez Larose) ses Éléments de droit civil scandinave, avec la collaboration de divers jurisconsultes.

20.

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Suivant une doctrine encore aujourd'hui classique, le droit des personnes comprend à la fois l'étude des personnes physiques et l'étude des personnes morales. Pour nous conformer à cette conception, nous nous occuperons ici, et en premier lieu, des personnes morales.

C'est un livre d'une haute importance que l'ouvrage intitulé Les personnes morales, par le marquis de VAREILLES-SOMMIÈRES. L'Académie des sciences morales, à laquelle il était soumis, tout en lui attribuant le premier rang, ne crut pas devoir lui décerner de prix; il lui parut rompre avec l'opinion commune de façon trop délibérée, allant parfois jusqu'à l'erreur. Si nous rappelons cette circonstance, ce n'est point pour mettre le lecteur en garde contre des idées aventureuses, mais bien plutôt pour le prévenir de ce qui fait à nos yeux l'intérêt essentiel de l'ouvrage. La conception classique perd chaque jour du terrain dans l'école, son insuffisance apparaît à tous les yeux. Dès lors, un auteur qui ne craint pas de se mettre en opposition ouverte avec tous les principes admis ne peut manquer de rendre service à la science, - quand bien même il n'arriverait pas personnellement à construire du premier coup un système nouveau à l'abri de toute exagération et de toute erreur. La critique s'exercera sur la con

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