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8. Le droit qu'un propriétaire se réserve de prendre, sur les terrains par lui vendus à une compagnie de chemin de fer, des points de jonction à la voie ferrée, et de les établir à ses frais, constitue une servitude. Dès lors la prescription peut avoir lieu par le non-usage pendant trente ans, mais la prescription n'est pas admise si la compagnie y a renoncé. Sauf stipulation spéciale, le droit ainsi réservé d'établir un embranchement ne confère pas d'avantages particuliers; les conditions et le mode de fonctionnement de cet embranchement restent régis par le droit commun (art. 62 du cahier des charges; Cass. req., 21 nov. 1900, S. 1901. 1. 364, D. 1901. 1. 389).

9. La convention par laquelle une des parties s'interdit à perpétuité d'extraire des pierres de taille dans certains terrains lui appartenant, interdiction devant s'attacher à ces terrains pour les suivre en cas de mutation, peut être considérée, en raison des circonstances de la cause, et malgré l'expression de << servitude >> employée dans l'acte, comme ne constituant pas un droit de servitude, mais comme ayant pour objet, dans l'intention des contractants, de conférer un droit personnel au stipulant dans l'intérêt exclusif du commerce alimenté par des carrières dont il était propriétaire au moment de la convention (Cass. req., 20 mars 1900, Pand. fr., 1901. 1. 290, D. 1901. 1. 168).

Lorsque le service établi ou le droit concédé tend à l'avantage personnel du propriétaire et non au profit d'un fonds, il ne peut, en effet, constituer une servitude; c'est un droit purement personnel.

10. Lorsque l'un des immeubles bordé par le mur mitoyen est incorporé dans le domaine public, ce mur cesse d'être mitoyen, car l'immeuble incorporé disparaît de la circulation, cesse d'être aliénable. Le droit de mitoyenneté n'existe plus au profit de cet immeuble. Telle est la doctrine de l'arrêt de Cass. req., 20 févr. 1900 (S. 1901. 1. 41). Cette décision, comme le fait remarquer la note, est peu conciliable avec la jurisprudence antérieure, selon laquelle il est reconnu que, si le droit de mitoyenneté ne peut exister contre le domaine public, il peut appartenir au domaine public sur le mur qui le sépare d'une propriété privée (Cass. civ., 14 févr. 1900, S. 1900. 1. 221 et Paris, 11 nov. 1897, S. 1900. 2. 105 et la note de M. WAHL).

R. DR. Civ. - 1.

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11. L'acte constatant la translation de propriété d'un immeuble a non domino, constitue, au point de vue de la prescription, un juste titre au regard du véritable propriétaire. Il en est spécialement ainsi de l'acte sous seing privé enregistré par lequel le propriétaire apparent de l'immeuble litigieux l'a cédé en échange à un tiers (Cass. req., 18 janv. 1899, S. 1901. 1. 415).

12. Une compagnie de chemins de fer, simple concessionnaire, et par suite détenteur précaire, ne peut prescrire les terrains compris dans sa concession (art. 2229). Ayant-cause de l'État, elle pourrait invoquer la prescription qui a còuru au profit de celui-ci, qui est propriétaire (Cass. civ., 29 nov. 1899, S. 1901. 1. 287).

13. Les polices des compagnies d'assurances fixent fort souvent une prescription abrégée. Elles indiquent aussi en général les causes d'interruption. Mais si elles sont muettes à cet égard, il faut appliquer les causes d'interruption des prescriptions ordinaires. La jurisprudence décide généralement qu'après interruption d'une prescription spéciale, la prescription qui court est semblable à celle qui a été interrompue et s'accomplira dans le même délai. La Cour de cassation a encore confirmé cette manière de voir (Cass. req., 14 nov. 1899, S. 1900. 1. 289 et note de M. TISSIER).

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14. La jurisprudence tend de plus en plus a étendre le droit de rétention. La Cour de cassation (Cass. req., 26 avr. 1900, S. 1901. 1. 193, note de M. FERRON) a fait dans cette voie un pas si considérable, qu'on peut considérer que cet arrêt a excédé l'intention même des magistrats qui l'ont rendu. Une femme mariée emprunte sans autorisation de son mari. Le contrat est nul. Mais la femme a tiré profit des sommes versées et doit les restituer (art. 1312). Elle avait remis des valeurs en gage; ce contrat aussi était nul, mais le créancier avait-il droit de rétention jusqu'au paiement de la créance née du quasi-contrat? La Cour l'a admis, ce qui est fort contestable. En effet, il n'y avait pas connexité entre la créance du détenteur et la chose détenue, ni entre cette créance du détenteur et son obligation de livrer. La détention se rattachait non au quasi-contrat, mais à un contrat de gage qui avait été annulé, ce

qui veut dire que la détention était sans cause. Le droit de rétention ne devait donc pas être reconnu, car ce droit ne saurait exister toutes les fois que le créancier détient à un titre quelconque, ou même sans titre, un objet appartenant à son débiteur (1). Les frais de licitation constituent-ils des frais de justice privilégiés? La Cour de cassation a répondu que, pour donner

15.

(1) Signalons, à propos du droit de rétention, une espèce curieuse tranchéc par un jugement inédit du tribunal de Montpellier le 21 décembre 1901 (Ce jugement a été frappé d'appel).

Le créancier A, nanti d'un fonds de commerce à titre de gage, peut-il en conserver la détention par son séquestre D après la vente faite par son débiteur B, alors que le prix a été consigné par l'acheteur C, qu'il est en distribution, et que le créancier gagiste A produit à cette distribution?

Le jour de l'entrée en jouissance, l'acheteur C avait vu s'installer à la caisse de son établissement, et dans son établissement, en maîtres, et s'y maintenir par la force, les sieurs A et son agent d'affaires D.

Le tribunal a repoussé la prétention du créancier gagiste et donné raison à l'acheteur C.

« Attendu, en admettant avec A que la loi de 1898 n'a pas abrogé les articles 2075 et suiv. en ce qui concerne le nantissement de fonds de commerce. et par voie de suite que la convention en vertu de laquelle il a constitué un séquestre D, tiers détenteur de son gage, est valable, et le droit de rétention non contestable parce que la convention fait la loi des parties et n'est pas contraire à l'ordre public, il est bien certain que le droit de rétention n'a pu s'exercer valablement que jusqu'au jour de la réalisation du gage, c'est-à-dire jusqu'au jour où, la vente ayant été consentie à un prix bien supérieur à la créance du gagiste A, la consignation du prix à la Caisse des dépôts et consignations, rendue nécessaire par les oppositions de nombreux créanciers, a été effectuée;

« Attendu, en effet, qu'à partir de ce jour, le contrat de gage avait produit tout son effet; que le privilège s'était transporté sur le prix; qu'une fois la consignation opérée, le sieur A n'avait plus d'intérêt à la rétention, son gage étant représenté par la somme d'argent nécessaire à le désintéresser;

« Attendu, sans doute, que la loi indique que le privilège ne subsiste sur le gage, qu'autant que le gage a été mis et est resté en la possession du créancier; mais qu'il ne faut pas conclure de ce texte que le créancier a l'obligation, dans tous les cas, de détenir le gage même après la réalisation; qu'en effet, à ce moment, le contrat va sortir à effet, et qu'il n'y a plus d'autre faculté et même d'obligation pour le créancier que de produire à la distribution;

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« Attendu, en conséquence, que l'acheteur Cdoit être mis en possession exclusive de l'établissement par lui acheté et payé, et que le sieur D séquestre, tiers détenteur, doit être tenu de vider les lieux par lui occupés; — le tribunal dit que c'est abusivement et sans droit que le créancier gagiste A entend maintenir dans le dit établissement le sieur D, que ce dernier devra se retirer sans délai, que le sieur A n'a pas le droit de s'immiscer dans l'exploitation et la jouissance de l'établissement et que les recettes sont la propriété exclusive de l'acquéreur C. »

lieu au privilège de l'article 2101, les frais de justice doivent avoir été faits dans l'intérêt commun des créanciers sur lesquels la préférence a lieu, et qu'il n'en est pas ainsi des frais d'une licitation, qui, provoquée par des héritiers dont quelques-uns étaient mineurs et suivie en l'absence et sans la participation des créanciers, n'a eu d'autre but que de mettre fin à l'indivision. La circonstance que la licitation a en même temps profité aux créanciers ne saurait permettre à l'avoué licitant d'imposer le paiement de ses frais auxdits créanciers (Req., 8 mai 1900, S. 1901. 1. 409; M. NAQUET, dans sa note, émet des doutes sur le bienfondé de la doctrine de cet arrêt).

16. En principe, le privilège du premier vendeur d'un office sur le prix de la revente est subordonné à la condition que ce prix soit encore dû au vendeur, et il ne peut plus, en conséquence, être invoqué contre ceux à qui tout ou partie du prix a été cédé lorsque le transport a été fait dans les conditions prescrites par l'article 1690. Mais il en est autrement quand ce transport a un caractère frauduleux et a été concerté entre le second vendeur et ceux à qui a été consenti, dans le dessein d'annihiler ou de diminuer le droit du premier vendeur (art. 1167) (Cass. civ., 10 janv. 1900, S. 1901. 1. 33 et la note de M. WAHL, D. 1901. 1. 89 et la note de M. Louis SARRUT, Pand. fr., 1901. 1. 197.

17. Selon l'article 2 de la loi du 19 février 1889, les créanciers hypothécaires ou privilégiés se voient attribuer suivant leur rang, et sans délégation expresse, les indemnités dues par suite d'assurances. Mais cela n'empêche pas les créanciers de prendre, vis-à-vis de leurs débiteurs, toutes les mesures conservatoires qu'ils estiment nécessaires. L'opposition à notifier en pareil cas n'est soumise à aucune forme spéciale. Ainsi, ils peuvent procéder par voie de saisie-arrêt entre les mains de la compagnie d'assurances, alors que, au moment où ils ont notifié leur opposition, ils avaient de justes motifs de craindre que des paiements ne fussent faits à leur détriment par la compagnie à certains autres créanciers (Cass. req., 15 janv. 1901, D. 1901. 1. 102).

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Le femme qui s'est obligée solidairement avec son mari pour les affaires de celui-ci ou de la communauté a droit à une indemnité garantie, par l'hypothèque légale (art. 2132), qui est la garantie personnelle du créancier envers lequel elle s'est ainsi

solidairement obligée et qui a été subrogé à l'hypothèque légale; et le créancier seul est fondé à se faire attribuer cette indemnité à l'exclusion de tous autres créanciers (Trib. de Dijon, 11 août 1898, S. 1901. 2. 148). Ce jugement, comme le remarque la note, était intéressant à signaler à cause de la formule précise qu'il donne en ce qui concerne la situation de ce créancier.

19. Les inscriptions hypothécaires prises au nom des sociétés de crédit foncier sont dispensées, pendant toute la durée du prêt, du renouvellement décennal prescrit par l'article 2454. Cela s'applique-t-il encore, si le Crédit foncier, remboursé par un tiers, le subroge dans le bénéfice de son inscription? Les deux solutions opposées comptent des partisans. Le tribunal de Pau (27 mai 1899, D. 1901. 2. 153) s'attache à un système intermédiaire. Il distingue deux périodes, séparées par le fait de la subrogation. Pendant la première période, la créance repose sur la tête du Crédit foncier et la dispense de renouvellement existe. Mais elle cesse si un tiers se fait subroger, car c'est sur sa tête que repose désormais la créance, et la dispense de renouvellement est un privilège spécial établi en faveur du Crédit foncier seulement. Ce système paraît fort soutenable (Voir la note sous cette décision).

20. Autre privilège du Crédit foncier. Le décret du 28 février 1852 (art. 38) lui permet, dans le délai de huitaine après la vente sur saisie de l'immeuble hypothéqué, d'être remboursé des annuités dues, avant même l'ouverture de l'ordre sur le prix. La loi du 10 juin 1853, art. 7, a étendu cette faveur au cas d'aliénation volontaire. Quelle est la situation juridique de l'acquéreur vis-à-vis du Crédit foncier? Paie-t-il une dette propre vis-à vis de l'établissement prêteur, ou paie-t-il la dette du vendeur en ses lieu et place, en sorte qu'il est subrogé aux droits du Crédit foncier et, comme lui, dispensé de se soumettre aux formalités de l'ordre ? C'est cette dernière solution qu'adopte le tribunal de Toulouse (23 mars 1901, D. 1901. 2. 393). La Cour n'a pas abordé directement la difficulté, car, quelle que fût la solution, il était certain en l'espèce que le paiement des annuités, s'il était justifié provenir de l'acquéreur, devait le libérer jusqu'à due

concurrence.

21. Les notifications à fin de purge, faites selon les articles 2183 et 2184, doivent contenir, de la part du tiers détenteur, l'offre d'affecter l'intégralité du prix de vente à l'acquittement des charges hypothécaires. Une stipulation particulière du con

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