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5.

b) Renonciation à succession.

Effets de la renonciation sur les frais faits pendant la durée des délais pour faire inventaire et délibérer. Pendant la durée des délais accordés pour faire inventaire et délibérer, l'héritier ne peut être contraint à prendre qualité; il bénéficie d'une exception dilatoire contre les actions que les créanciers de la succession peuvent intenter. S'il renonce au moment de l'expiration des délais, les frais « par lui faits légitimement »>< jusqu'à cette époque sont à la charge de la succession (art. 797). - L'héritier supporterait donc les frais qui ne seraient pas faits légitimement, c'est-à-dire les frais causés par sa faute personnelle et qui par conséquent auraient pu être évités. Y a-t-il faute de l'héritier lorsqu'ayant renoncé, il n'a pas porté cette renonciation à la connaissance des créanciers qui ont agi contre lui?

De nombreuses décisions ont déclaré qu'il y avait faute de l'héritier dont le silence a occasionné des frais inutiles, et elles lui ont fait supporter ces frais. Logiquement l'héritier n'aurait dû supporter que les frais résultant directement de sa faute, c'est-à-dire ceux qui avaient été faits depuis la renonciation jusqu'au jour où le demandeur en a eu connaissance (Limoges, 23 juill. 1838, D. 39. 2. 86; Toulouse, 5 nov. 1889, Gaz. Palais, Répertoire, vo Frais, nos 11 et s.). La plupart des décisions cependant faisaient supporter à l'héritier renonçant la totalité des frais sans distinguer entre les frais antérieurs et les frais postérieurs à la renonciation au greffe (Colmar, 21 déc. 1830, S. 32. 2. 62; Lyon, 21 mai 1831, S. 32. 2. 97; Dijon, 21 mars 1897, S. 1900. 2. 305, note de M. WAHL).

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D'après la Cour de Paris, au contraire, la validité des renonciations n'étant soumise qu'à la formalité d'une simple déclaration au greffe, les renonçants n'ont aucune notification à faire aux créanciers de la succession. C'est aux créanciers qu'il appartient de consulter les registres publics du greffe; la publicité établie par la loi se suffit à elle-même. Par le seul fait de sa renonciation, l'héritier est donc devenu étranger à la succession; il ne peut être tenu de rapporter les frais d'une procédure qui se trouve avoir été indûment exercée contre lui. Mais si les frais ne sont pas supportés par l'héritier renonçant, ils ne le sont pas non plus par les créanciers lorsqu'ils obtiennent gain de cause; en agissant, ceux-ci ont usé également de leurs droits. Les pour

suites, inefficaces à l'égard de l'héritier renonçant, ont été efficaces à l'égard de la succession les frais avancés ont donc été légitimement faits et doivent être recouvrés contre la succession (Paris, 2 août 1900, Pand. franç, 1901. 2. 113, note de M. J. CHARMONT).

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6. — Effels de la révocation de la renonciation prononcée sur la demande des créanciers en ce qui concerne l'obligation du rapport. Les libéralités non préciputaires faites à un héritier s'imputent sur la quotité disponible lorsque, par sa renonciation, l'héritier s'est rendu étranger à la succession. Mais les créanciers de l'héritier, invoquant l'article 788, peuvent se faire autoriser à accepter la succession du chef de leur débiteur. Quel peut être l'effet de la rescision de la renonciation en ce qui concerne l'imputation des libéralités faites à l'héritier renonçant?

La Cour de cassation, saisie de la question, a rappelé que la renonciation n'était annulée qu'en faveur des créanciers et jusqu'à concurrence seulement de leurs créances, tandis qu'elle ne l'était pas au profit de l'héritier renonçant ; dans ces conditions, la libéralité reçue doit toujours s'imputer sur la quotité disponible et ne doit être supportée que si elle l'excède.

Dans une note insérée au recueil de Sirey, M. ESMEIN observe qu'il pourrait en être différemment dans les rapports entre les héritiers acceptants et les créanciers de l'héritier renonçant. La renonciation étant rescindée, les héritiers acceptants doivent se trouver dans la même situation que si l'héritier renonçant avait accepté. Dans tous les cas, les créanciers de l'héritier renonçant doivent donc, en ses lieu et place, opérer le rapport des libéralités non préciputaires dont il a été gratifié, rapport qui, ne pouvant être fait en nature, sera naturellement fait en valeur (Cass. req., 2 mai 1899, S. 1901. 1. 449).

c) Curateur à la succession vacante.
faculté d'accepter.

Prescription de la

7. Il résulte des dispositions de l'article 790 que l'héritier renonçant est admis à rétracter sa renonciation lorsque la succession n'a pas été acceptée par d'autres héritiers ou successeurs irréguliers et lorsque la prescription du droit d'accepter, qui est de trente ans, n'est pas acquise contre lui.

La jurisprudence admet que cette prescription de l'article 789 peut être invoquée par tout intéressé, en particulier par les détenteurs des biens héréditaires et par les débiteurs de la succes

sion; elle peut l'être aussi par les successibles appelés à défaut de l'héritier, soit que, cohéritiers de ce dernier, ils aient dejà accepté pour leur part, soit qu'héritiers au degré subséquent, leur droit d'accepter n'ait pas été prescrit. Le curateur à la succession vacante pourrait-il opposer la prescription à l'héritier renonçant ?

La Cour de cassation lui a reconnu ce droit. Le curateur à une succession vacante représente en effet les héritiers qui pourront venir plus tard et, s'il administre les biens de la succession, c'est en partie dans l'intérêt des créanciers. La Cour de cassation a donc décidé qu'il lui appartenait de soulever, dans l'intérêt des ayants droit éventuels à la succession et des créanciers, toutes exceptions légales, notamment celle de prescription (Cass. civ., 18 juin 1895, Pand. franç., 1901. 1. 369, note de M. CUENOT).

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d) De la renonciation à la séparation des patrimoines.

8. - En vertu de l'article 879 du Code civil, la séparation des patrimoines ne peut plus être demandée « lorsqu'il y a novation dans la créance contre le défunt par l'acceptation de l'héritier pour débiteur »>. Sur le sens de cet article, voir Grenoble, 9 janv. 1891 (S. 92. 2. 81, note de M. WAHL, D. 91. 2. 193, note de M. PLANIOL); Aix, 4 déc. 1893 (S. 96. 2. 17, note de M. TISSIER, D. 95. 2. 273, note de M. de LOYNES).

La Chambre civile de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 12 juill. 1900, consacré la théorie déjà adoptée par les cours de Grenoble et d'Aix. D'après cet arrêt, la renonciation au droit de demander la séparation des patrimoines ne peut résulter que d'une déclaration expresse ou d'actes faits par les créanciers héréditaires avec ou contre l'héritier. Il ne suffit pas que par ces actes les créanciers aient reconnu l'héritier pour leur débiteur, puisqu'il l'était déjà; l'article 879, dont la rédaction ne peut s'expliquer que par les précédents historiques, ne doit donc pas être pris à la lettre. Il faut que les actes accomplis supposent nécessairement de la part des créanciers l'intention d'accepter l'héritier pour seul et unique débiteur; c'est alors seulement qu'il y a novation dans le sens de l'article 879. Et puisqu'il doit en résulter la perte d'un privilège pour les créanciers, on doit se montrer d'autant plus difficile dans l'appréciation des actes accomplis.

Appliquant son système, la Cour de cassation a admis, en fait, que la séparation des patrimoines pouvait encore être demandée

après l'acceptation par les créanciers de l'engagement provenant de l'héritier, car il résultait des circonstances de la cause que le créancier n'avait accepté cet engagement personnel que comme une garantie supplémentaire et sous réserve de tous ses droits. La Cour de cassation reconnaît donc ainsi la validité des réserves stipulées par les créanciers du défunt (Cass. civ., 12 juill. 1900, Pand. franç., 1901. 1. 177, note de M. ALBERT LEGRIS, S. 1901. 1. 441, note de M. NAQUET).

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a) Clause d'inaliénabilité insérée dans un legs.

9. -La jurisprudence est depuis longtemps fixée sur la validité des clauses portant défense d'aliéner, clauses assez fréquentes dans les dispositions entre-vifs et testamentaires. La Cour de Paris, dans un arrêt du 9 mars 1900, vient encore de consacrer la distinction établie en cette matière parde nombreux arrêts tant de cassation que d'appel (Cass. req., 18 avril 1901, Pand. franç., 1901. 1. 255). Elle a déclaré que d'une part la prohibition absolue d'aliéner contenue dans un testament était nulle comme contraire à l'intérêt public de la libre circulation des biens, mais que d'autre part l'interdiction temporaire d'aliéner imposée comme condition d'une libéralité par le testateur à son légataire relativement aux choses léguées était licite quand cette interdiction se justifiait par l'intérêt légitime d'un tiers et du gratifié.

Appliquant cette théorie à l'espèce qui lui était soumise, la Cour de Paris a déclaré valable une disposition en vertu de laquelle un testateur léguait à son neveu l'usufruit incessible et insaisissable de tous les biens composant la succession, et la nue propriété de ces mêmes biens à ses petits-neveux, sous la condition que tous ces biens seraient incessibles et insaisissables pendant toute la vie de son neveu et, après le décès de ce dernier, pour chacun des légataires jusqu'à sa vingt-cinquième année, ou jusqu'à son mariage s'il avait lieu auparavant. Ces mesures ont été reconnues valables, parce qu'elles avaient été inspirées au testateur par un juste souci de l'intérêt du neveu et des petits-neveux: les petits-neveux étaient ainsi protégés contre eux-mêmes à un âge où de dangereux entraînements sont à craindre; le neveu était garanti contre les inconvénients qui auraient pu résulter pour lui de la cession à des tiers du droit

d'usufruit. Par suite du maintien de la clause, la Cour a déclaré nulles les aliénations faites en mépris de la prohibition (Paris, 9 mars 1900, D. 1901. 2. 505, note de M. E. BOUtaud).

b) Interprétation souveraine du testament par les juges du fait.

10. Les juges du fait ont le droit d'interpréter souverainement les testaments. Ils doivent avant tout rechercher quelle a été l'intention du testateur plutôt que de s'attacher au sens littéral des termes, et leurs décisions ne peuvent être infirmées par le Cour de cassation que si elles dénaturent le sens et la portée des clauses du testament.

C'est en reconnaissant ces pouvoirs des juges du fait que la Cour de cassation a admis la validité de certaines décisions intéressantes.

1° Défense d'aliéner et défense d'hypothéquer.

Il appartient aux juges du fait de décider, en se fondant sur l'intention du testateur, que la prohibition d'aliéner, dérogatoire au droit commun, ne comprend pas, pour le légataire, la défense d'hypothéquer pendant le même temps le bien légué (Cass. req., 18 avr. 1901, Pand. franç., 1901. 1. 255). — V. suprà, no 9.

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11. 2o Legs universel d'usufruit et legs particulier d'usufruit. Lorsque deux légataires ont été gratifiés d'un droit d'usufruit portant sur le même bien, on se demande parfois si, au décès d'un des deux légataires, sa part d'usufruit doit faire retour au nu propriétaire ou accroître à la part du co-légataire d'usufruit. On pense généralement que l'usufruit doit faire retour à la nue propriété; la théorie de l'accroissement est, en effet, hors de cause, puisqu'elle suppose des libéralités caduques, tandis qu'ici les libéralités ont produit chacune leur effet.

Mais la Cour de cassation a reconnu qu'il appartient au juge du fait de décider qu'au cas où le testament a constitué un légataire universel d'usufruit et un légataire particulier d'usufruit, le légataire universel doit recueillir l'usufruit du légataire particulier s'il semble que telle a été vraiment l'intention du testateur, indiquée par l'économie générale des dispositions qu'il a prises (Cass. civ., 29 nov. 1899, S. 1901. 1. 317).

12.-3° Legs de eo quod supererit. - Charge de transmettre ou simple désir.

Un testateur avait gratifié son conjoint en exprimant « le désir» que, lorsqu'il aurait disposé de tout ce qui lui était nécessaire, le reste de ce qu'il lui léguait fût recueilli par des per

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