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sation de la justice, « qui est investie d'un droit de contrôle sur l'exercice de la puissance paternelle », toute délibération du conseil de famille étant écartée. Elle annule, en conséquence, la vente, en tant qu'elle porte sur la part indivise du mineur, et ordonne la licitation, entre le mineur et les acquéreurs, de la part qui avait appartenu au père.

Ces deux systèmes ont des précédents en jurisprudence. D'après un troisième système, soutenu en doctrine, le père devrait, pour les actes d'aliénation, requérir l'autorisation du conseil de famille, et, en outre, dans certains cas, celle de la justice, d'après les mêmes distinctions que le tuteur. Voir l'exposé complet de la controverse dans une note de M. de Loynes sous un arrêt de Dijon, 31 décembre 1891 (D. 92. 2. 233), qui avait appliqué la première théorie.

Signalons encore, comme se rattachant au premier système, un jugement du Tribunal de la Seine du 28 mại 1900 (Pand. fr., 1902.-2. 45), aux termes duquel le père, « comptable » des biens de son enfant mineur (art. 389), a le droit d'aliéner ses valeurs mobilières; car il est tenu, non pas comme dépositaire, mais comme débiteur de deniers «< in genere ». Par suite il peut, sans remplir les formalités prescrites par l'article 467, disposer du montant d'un legs mobilier attribué à l'enfant, et transiger sur les difficultés relatives à sa délivrance.

14. Qui a qualité pour nommer un tuteur ad hoc quand il y a opposition d'intérêts entre le mineur et ses père et mère?

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de la cour de Paris du 1er mai 1901 (D. 1902. 2. 90), il s'agissait d'un partage de succession où le mineur et ses parents avaient des intérêts opposés. Le tribunal avait nommé un tuteur dd hoc; mais le jugement était frappé de tierce-opposition par un tuteur qui tenait ses pouvoirs du conseil de famille, et qui alléguait que le conseil de famille avait seul qualité pour nommer un tuteur ad hoc (art. 968, C. proc. civ.). Voir en ce sens, Cass. civ., 24 nov. 1880 (D. 82. 1. 52, conclusions de M. Desjardins). Subsidiairement il faisait valoir que si l'on avait des exemples de tuteurs ad hoc nommés par des tribunaux (V. Paris, 9 janv. 1875, D. 76. 5. 23; Bordeaux, 17 févr. 1897, D. 98. 2. 197), ces prétendus tuteurs n'étaient en réalité que des administrateurs ad hoc, nommés dans des cas d'urgence à titre provisoire, et en vue d'un acte spécial rentrant dans la catégorie des actes d'administration mais que, pour donner au mineur un représentant dans une liquidation impor

tante, il fallait procéder selon les règles de la tutelle. Cette distinction a été adoptée par la Cour (1).

15. Un père divorce, et n'ayant pas la garde de ses enfants mineurs, peut-il cependant, et sans formalités, les représenter dans des opérations relatives à la rente sur l'État?

Le Conseil d'État, consulté par le ministre des Finances, a répondu, par avis du 16 novembre 1899 (D. 1902. 3. 18), que le père conservait l'administration des biens de ses enfants mineurs, et qu'il pouvait l'exercer sans être astreint aux formalités que la loi du 27 février 1880 prescrit au tuteur (2).

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16.

Le conseil de famille doit-il être consulté par le tuteur pour l'emploi à faire des capitaux du pupille?

Bien que cela ne soit pas dit expressément par la loi du 27 février 1880, la jurisprudence est en ce sens. Voir Trib. de Montpellier, 27 juillet 1901 (S. 1902. 2. 21). Ce jugement décide en outre que le conseil de famille, en attendant d'indiquer le mode d'emploi, peut prescrire le dépôt des fonds chez un notaire.

17. Quelles peuvent être les attributions du mandataire spécial nommé à un aliéné par les tribunaux en vertu de l'article 33 de la loi du 30 juin 1888, à l'effet de le représenter en justice?

Mandat peut lui être donné en vue de toute contestation judiciaire, même à fin de représenter le mineur dans un procès relatif à la liquidation d'une communauté ou d'une succession, et ce droit comprend pour le mandataire le pouvoir d'accepter sous bénéfice d'émolument ou d'inventaire (Nancy, 10 août 1901, S. 1902. 2. 77. — Cf. Angers, 6 nov. 1899, S. 1900. 2. 128; Paris, 26 janv. 1892, S. 92. 2. 185) (3).

18.

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La propriété des œuvres musicales de l'un des époux faitelle partie de la communauté, et doit-elle être comprise dans la masse partageable?

Sur cette question très discutée, v. l'arrêt de la cour de Paris,

(1) Sur ce conflit entre la famille et l'État pour exercer la haute tutelle, Cf. suprà, no 13.

(2) Cf. notre précédente chronique, nos 19 et 22 (Revue, p. 191 el 193). (3) Cf. suprà, no 14.

du 1er février 1900 (Pand. fr., 1902. 2. 121), qui, contrairement à la jurisprudence antérieure, se prononce pour la négative. M. l'avocat général Jacomy, dans ses conclusions, soutient le système appliqué jusqu'alors en jurisprudence, tout en en reconnaissant les inconvénients pratiques. V. dans le sens de l'arrêt, la note de M. SALEILLES (S. 1900. 2. 121) (1).

-

19. Une femme peut-elle, avec autorisation de son mari, disposer par partage anticipé, au profit d'enfants communs, « de tout les biens lui appartenant, soit à titre de propres et de reprise, soit comme dépendant de la communauté de biens existant entre elle et son mari? »

Un arrêt de la cour de Limoges du 29 novembre 1897 (D. 1902. 2. 97) annule cette donation, parce que, en dehors des cas prévus par l'article 1441, la communauté est impartageable, même provisionnellement, du vivant des époux, sauf s'ils y procèdent simultanément par un acte de donation-partage, et parce que la femme, en disposant de sa part à venir, accepte implicitement la communauté, avant sa dissolution, contrairement à l'article 1453. La jurisprudence est constante en ce sens.

M. DE LOYNES, en note, fait observer que cette jurisprudence aboutit à un mauvais résultat, mais il la juge conforme aux principes. Il passe en revue les divers systèmes proposés pour échapper à cette solution, et les réfute.

Une autre note fait observer que cette solution peut se baser sur l'article 1599; la femme, n'ayant pas de propriété actuelle sur la communauté, ne pourrait donner ce qui ne leur appartient pas. Cette argumentation hasardée n'est évidemment pas celle de la cour.

20. — Quand une dot a été constituée par des époux communs en biens au profit d'un de leurs enfants « en avancement d'hoirie avec imputation sur la succession du prémourant, et subsidiairement sur celle du survivant », le survivant peut-il exercer ses reprises sur la succession de son conjoint au préjudice de l'enfant qui a rapporté sa dot?

Dans l'espèce, le notaire liquidateur avait prélevé la reprise de la femme survivante sur la masse formée des biens du défunt, de sa part de communauté et de la dot rapportée; puis il avait partagé le reliquat entre les enfants; tout compte fait, la

(1) Cette question fera l'objet d'une étude spéciale dans un prochain nu

méro.

fille dotée se trouvait frustrée d'une partie de sa dot, tandis que, sans les reprises de la mère, elle eût retrouvé sa dot intégrale. Elle prétendait rendre sa mère garante de cette éviction.

La mère opposait que ce recours ne devait être exercé que contre sa succession, et que sa fille retrouverait dans sa part de succession maternelle la portion de sa dot dont elle était momentanément privée.

Le Tribunal de la Seine et la cour de Paris donnèrent raison à la mère, mais l'arrêt fut cassé le 2 mai 1899 (D. 99. 1. 505, et la note) et, sur renvoi, la cour d'Orléans a décidé le 28 mars 1900 (D. 1902. 2. 101) que la fille dotée pouvait recourir contre la mère pour se faire rembourser la partie de sa dot dont elle était privée, et que, afin d'éviter un circuit d'actions, on ne devait admettre la mère à exercer ses reprises qu'après prélèvement de la somme nécessaire pour compléter la dot.

21. La femme survivante, au profit de laquelle le mari avait constitué une assurance sur la vie, doit-elle récompense à la communauté pour les primes qui ont été payées sur les deniers communs?

Un arrêt de Nancy du 16 mars 1901 (S. 1902. 2. 7, D. 1902. 2. 170) décide que la femme doit récompense lorsque, à raison de la situation de fortune des époux, les primes ont été prélevées, non pas sur le revenu, mais sur le capital de la communauté, et que d'ailleurs le mari n'a manifesté de manière ni expresse, ni implicite, l'intention de l'exonérer de la récompense. Cette distinction était déjà appliquée par quelques arrêts (Amiens, 18 mai 1897, D. 97. 2. 425). Mais la jurisprudence est très incertaine. V. la critique de ce système par M. Wahl, dans le précédent numéro, p. 72.

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22. Le privilège de séparation des patrimoines, qui porte sur tous les biens composant la succession du mari prédécédé, est-il opposable à des créanciers de la femme qui ont obtenu d'elle, après la dissolution de la communauté, hypothèque sur des biens communs, et qui ont inscrit cette hypothèque postérieurement à l'inscription du privilège?

Ce conflit entre droits réels sera résolu différemment, suivant l'idée qu'on se fait de la nature des droits de la femme sur les biens communs pendant la liquidation de la communauté.

En l'espèce, un arrêt de la cour de Douai, du 27 mai 1889, avait décidé que le privilège de séparation des patrimoines s'étendait à tous les biens communs, comme compris dans la suc

cession du mari, et que la femme, n'ayant encore aucun droit de propriété sur l'actif de la communauté, n'avait pu concéder hypothèque sur la part de conquêts qui pouvait éventuellement lui revenir.

Cet arrêt fut cassé le 15 juillet 1891 (Pand. fr., 92. 1. 257). La Cour de cassation déclara que « à la liquidation de la communauté les biens communs ne faisaient partie de la succession du mari ».

On pouvait en conclure logiquement qu'ils n'étaient en aucune mesure atteints par le privilège de séparation des patrimoines. C'est ce que ne manquèrent pas de soutenir les mêmes créanciers hypothécaires; ils prétendirent exercer leur hypothèque sur les biens communs, alors que la succession du mari n'était pas encore liquidée. L'arrêt de la cour de Douai du 5 mars 1897 (Pand. fr., 1900. 2. 177) déclara que c'était mal interpréter l'arrêt de la Cour suprême, que la femme et la succession du mari étaient, en attendant la liquidation définitive, copropriétaires des biens communs, que le privilège de séparation et l'hypothèque portaient respectivement sur les parts indivises et se trouvaient subordonnés, quant à leurs effets, au résultat défi nitif du partage.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Chambre civile du 29 janvier 1900 (Pand. fr., 1902. 1. 17).

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Voir l'analyse critique des différents systèmes appliqués par ces arrêts, dans la note de M. PAUL HENRY.

23.

b) Séparation de biens.

- L'article 1539, qui dispense le mari de rendre compte des fruits consommés à la dissolution du mariage, quand la femme séparée lui a laissé la jouissance de ses biens, s'applique-t-il encore s'il s'agit d'un immeuble indivis entre la femme et le mari?

Peut-on considérer comme fruits, et soumettre à cette règle intégralement tous les revenus de cet immeuble, quand la femme participe à son exploitation?

Ces deux questions, qui sont nouvelles, ont été tranchées affirmativement par la Chambre des requêtes, le 28 janvier 1901 (S. 1902. 1. 73). Il s'agissait, dans l'espèce, d'une auberge, copropriété indivise des deux époux, et dirigée pareux deux, chacun dans la sphère de ses attributions. Voir la note de M. NAQUET. qui approuve le présent arrêt sur le premier point, mais le cri

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