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tinée à l'aider dans les soins qu'il donne aux pauvres et aux infirmes. Usant du pouvoir souverain qu'ils ont d'interpréter tout testament, les juges peuvent accorder la délivrance de ce legs à l'établissement non autorisé si, d'après eux, l'intention du testateur a été de gratifier ledit établissement. Le représentant légal des pauvres ne peut intervenir, car, bien que le legs ait été fait à l'établissement parce qu'il soignait les pauvres, c'est à l'établissement et non aux pauvres que le legs a été fait (Paris, 1ro chambre, 7 déc. 1899, Pand. franç., 1902. 2. 16).

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11. Quels soins le médecin doit-il donner à un malade pour être frappé à son égard de l'incapacité de recevoir par legs ou donation (art. 909, C. civ.)?

Le traitement d'un malade étant un fait complexe, l'appréciation des circonstances diverses dont il se compose appartient aux juges du fond. Ceux-ci peuvent donc refuser d'annuler la disposition testamentaire faite au profit d'un médecin lorsqu'il est établi que, pendant la maladie dont le testateur est mort, ce médecin a été seulement appelé à donner quelques conseils destinés à procurer un soulagement immédiat; ces soins de pratique courante, ayant été rares et accidentels, ne peuvent faire considérer le médecin comme ayant « traité » le malade au sens de l'article 909, C. civ. (Cass. req., 8 août 1900, Pand. franç., 1902. 1. 8). 12.

Faits constitutifs de la captation.

Une libéralité entachée de captation peut être annulée sur la demande des héritiers naturels, mais il faut que les héritiers rapportent la preuve qu'ils ont été victimes d'un dol sans lequel le testateur eût disposé autrement qu'il ne l'a fait. Les relations illicites, les infirmités, l'âge avancé sont des faits insuffisants pour établir la captation, car il se peut que le de cujus ait malgré cela conservé le plein exercice de ses facultés mentales et qu'il ait eu une volonté assez forte pour résister à la pression de volontés étrangères. Entre l'intérêt des héritiers et la liberté du testateur, c'est en faveur de cette dernière qu'il faut, en cas de doute, décider, l'intérêt des héritiers devant fléchir devant le principe de la liberté de tester consacré par nos lois (Toulouse, 25 juin 1900, Pand. franç., 1902. 2. 129, note de M. A. MÉRIGNHAC).

13.

b) Charges des libéralités.

Clause d'inaliénabilité insérée dans un legs.

La prohibition d'aliéner insérée dans une donation entre-vifs ou testamentaire est nulle comme contraire au principe d'ordre

public de la libre circulation des biens : 1o lorsqu'elle est absolue; 2o lorsqu'elle n'est justifiée par aucun intérêt légitime du donateur ou d'un tiers (Trib. civ. Seine, 4 août 1898, S. 1902. 2. 90. Cf. Rev. tr. de dr. civ., 1902, p. 238).

Doit donc être considérée comme contraire à l'ordre public et réputée non écrite la clause par laquelle un testateur interdit à une femme mariée, légataire universelle, d'aliéner avant la mort de son mari les objets compris dans le legs, alors que le mari n'a que dix-huit mois de plus que la légataire. La cour de Paris a considéré qu'une telle prohibition, en apparence temporaire, équivalait en fait à une prohibition absolue, étant donnée la faible différence d'âge existant entre les deux conjoints (Paris, 28 juin 1900, Pand. franç., 1902. 2. 62).

Mais, au contraire, la prohibition d'aliéner est, par exemple, parfaitement licite lorsqu'en insérant cette clause, le donateur a marqué sa volonté que le domaine familial ainsi transmis à ses parents ne pût sortir aussitôt de leurs mains pour être vendu au profit de créanciers antérieurs du légataire (Douai, 6 févr. 1900, Pand. franç., 1902. 2. 140).

La prohibition est également valable lorsque le testateur ne l'a établie que jusqu'à la majorité du légataire, en déclarant qu'il le fait de manière que celui-ci puisse apprécier personnellement s'il y a ou non avantage à vendre l'immeuble légué. Cette prohibition temporaire, établie dans l'intérêt du légataire par des motifs de longue prévoyance, est licite; mais, comme elle déroge au droit commun, elle doit être interprétée restrictivement; lorsque, par conséquent, il résulte des faits de la cause que le testateur ne l'a établie que dans un sens tout à fait favorable au légataire, les juges du fait peuvent en conclure que la défense d'aliéner n'emporte pas défense d'hypothéquer (Cass. req., 18 avr. 1901, D. 1901. 1. 71).

Le tribunal civil de la Seine a déclaré que la prohibition d'aliéner était licite, sans qu'il y eût lieu de faire les restrictions précédemment indiquées, lorsque cette prohibition s'appliquait à un usufruit constitué à titre alimentaire. Le testateur peut, en effet, rendre insaisissables les biens qu'il lègue, et ceux-ci le sont même de plein droit lorsqu'ils sont légués à titre alimentaire (art. 581, C. pr.). Pour que cette mesure soit efficace, ne faut-il pas alors que le testateur puisse déclarer incessibles les biens qu'il déclare insaisissables? (Voir au Dalloz une note critiquant l'argumentation de ce jugement).

Mais la clause d'inaliénabilité frappant l'usufruit doit disparaître lorsque l'usufruitier devient plein propriétaire par le fait de la consolidation (Voir sur la critique doctrinale et pratique de cette conception la note insérée au recueil de Dalloz) (Trib. civ. Seine, 9 août 1898, Paris, 1re chambre, 5 nov. 1901, D. 1902. 2. 91).

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La condition de ne pas se remarier, imposée par un testateur à son conjoint survivant comme condition de sa libéralité, est parfaitement licite, ou elle l'est du moins lorsqu'elle n'emprunte point un caractère malicieux, contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public, aux circonstances dans lesquelles elle est formulée. Il en est ainsi quand la disposition a été écrite dans le but louable de maintenir le train de vie du survivant à condition qu'il restât fidèle au souvenir du défunt. Au cas de second mariage, le legs devrait être révoqué immédiatement, alors même qu'une action serait engagée pour annuler le second mariage; car le testateur, en agissant ainsi qu'il l'avait fait, se préoccupait moins des effets légaux du mariage sur l'état civil des personnes que de son côté intime et de ses conséquences sociales (Poitiers, 21 janv. 1901, D. 1902. 2. 52; Rennes, 5 déc. 1899, sous Cass., 24 févr. 1902, S. 1902. 1. 165).

15. Des restitutions à opérer lorsqu'une donation est révoquée pour inexécution des charges.

Au cas de donation faite avec charges, le 'donataire doit restituer la chose donnée si les charges ne sont pas exécutées. Un immeuble ayant été donné à une commune sous la condition qu'elle entretiendrait à perpétuité une école congréganiste, un autre immeuble avait été substitué à l'immeuble donné avec le consentement de la commune et des héritiers du donateur. Au cas d'inexécution de la condition, était-ce l'immeuble ainsi substitué qui devait être rendu aux héritiers? La Cour de cassation l'a décidé, pensant que, par la convention survenue entre la commune et les héritiers, le nouvel immeuble avait été subrogé réellement à l'ancien.

Une note de M. PLANIOL, insérée au recueil de Dalloz, retrace à ce sujet les transformations subies dans ces derniers temps par la notion de la subrogation réelle, et, après avoir rappelé lés travaux de MM. Saleilles et Demogue sur la question, il étudie le principe de la subrogation réelle en distinguant deux séries d'applications possibles, suivant que l'on considère l'affectation de la va

leur à un but déterminé, ou l'origine de cette valeur (Cass. civ., 29 avr. 1901, D. 1902. 1. 33).

16.

c) Clause d'exhérédation.

Quels sont les effets de la clause par laquelle un testateur écarte de sa succession les héritiers du sang, sans instituer d'autres héritiers?

Un testateur s'était borné à exclure sa famille de sa succession sans constituer d'héritier; les parents soutenaient qu'un tel testament, étant purement négatif, devait être inopérant et que, par suite, malgré l'exhérédation qui y était contenue, les héritiers du sang devaient recueillir la succession dans l'ordre déterminé par la loi.

La Cour d'appel de Paris a déclaré que cette exclusion était valable bien qu'elle ne fût accompagnée d'aucune institution nominale et directe; c'est qu'en effet celui qui exclut quelques-uns de ses successibles institue implicitement ceux que la loi appelle à défaut des successibles écartés, et lorsque le défunt écarte toute sa famille de sa succession, il institue implicitement les successeurs irréguliers: conjoint survivant ou État (Nous avons vu plus haut que la Cour de Paris admet que l'État recueille les biens à titre héréditaire).

Dans une note insérée au Dalloz (1902. 2. 177), M. AMBROISE COLIN étudie le caractère et la portée que l'on doit reconnaître dans notre droit aux clauses d'exclusion et il se place successivement pour le faire aux deux points de vue que l'on peut présenter comme constituant le fondement de notre, dévolution successorale droit familial ou volonté présumée du défunt (Paris, 13 déc. 1901, S. 1902. 2. 37, D. 1902. 2. 177).

17.

d) Rôle de l'exécuteur testamentaire.

L'exécuteur testamentaire doit veiller à ce que le testament soit exécuté; il a à ce point de vue une sorte de mandat général. On ne doit pas conclure de là que lorsque le testateur met une obligation à la charge de ses héritiers, l'exécuteur testamentaire a forcément le droit de veiller à l'exécution de cette obligation.

Le testateur a, en effet, le droit de restreindre la mission de l'exécuteur testamentaire. Il peut, par conséquent, tout en imposant une charge à ses héritiers, non à titre de peine ou de simple

vœu, mais à titre d'obligation expresse, s'en remettre cependant pour l'exécution à la conscience de ses héritiers, sans vouloir attacher aucune sanction ni permettre aucun contrôle pour l'accomplissement des charges imposées à titre tout personnel. Si la volonté du testateur sur ce point n'est pas formelle, les juges du fait ont évidemment le droit de rechercher l'intention du testateur (Cass. req., 14 mai 1901, Pand. franç., 1902. 1. 179).

18.

e) Partages d'ascendants.

Dans quel cas les héritiers peuvent-ils attaquer un partage d'ascendants pour inégalité dans la composition des lots? La jurisprudence applique d'une façon constante l'article 832 aux partages d'ascendants : les lots doivent donc être autant que possible composés d'une égale quantité de meubles et d'immeubles de même nature. Mais l'ordre public n'est ici nullement intéressé; il en résulte que si l'article 832 n'est pas appliqué et si des cohéritiers sont irrégulièrement lotis, le partage ne peut être attaqué que par les héritiers lésés et non par les héritiers dont les lots ont été régulièrement composés, car ceux-ci n'ont pas d'intérêt à agir.

Les héritiers ne peuvent pas non plus invoquer une prétendue violation de l'article 832, lorsque, par un accord spécial indépendant du partage, en dehors de toute pression de la part des ascendants donateurs, un cohéritier a acquis d'autres cohéritiers les parts leur revenant dans ce partage (Cass. req., 29 oct. 1900, Pand. franç., 1902. 1. 193).

19.

De la réserve d'usufruit avec réversibilité sur la tête du conjoint survivant insérée dans un partage d'ascendants.

Des époux ayant par contrat de mariage établi un droit d'usufruit au profit de celui d'entre eux qui survivrait, le partage d'ascendants qui mentionne cette réserve ne crée pas ce droit d'usufruit; il ne fait qu'appliquer la stipulation insérée au contrat de mariage: on ne peut donc l'attaquer comme contrevenant à l'article 1097, qui prohibe les donations mutuelles et réciproques entre époux, faites pendant le mariage par un seul et même acte. En conséquence, la Cour de cassation a déclaré qu'il n'y avait pas lieu pour elle de se demander si cette réserve d'usufruit devait être simplement réputée non écrite ou si elle devait entraîner la nullité de l'acte tout entier.

Dans une note insérée au recueil des Pandectes françaises,

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