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13. Quels accidents du travail sont régis encore par l'article 1382?

La détermination des cas dans lesquels le Code civil est encore applicable à des accidents du travail est parfois très délicate. Un ouvrier armé d'un croc jetait du haut d'une barge sur le plancher d'une batteuse à vapeur des gerbes dont un autre s'emparatt pour les soumettre à l'action de la machine. Le croc s'échappa de ses mains. Ayant fait un faux mouvement pour le rattraper, il tomba sur le plancher de la batteuse et se tua. Cette chute étant le résultat non de l'emploi ou du fonctionnement de la batteuse à vapeur, mais exclusivement d'un faux mouvement pour ressaisir un croc, la cour de cassation a jugé que la cour d'appel avait avec raison refusé d'appliquer la loi de 1898 (Ch. civ., 5 févr. 1902, S. 1902. 1. 184).

14. Les parents de l'ouvrier victime d'un accident peuvent-ils, s'ils résident à l'étranger, invoquer l'article 1382 contre le patron?

La loi de 1898 refuse le bénéfice d'une indemnité aux parents d'un ouvrier tué par accident lorsque ceux-ci ne résident pas en France (art. 3). Cette disposition empêche-t-elle ces étrangers de réclamer le bénéfice du droit commun; par conséquent de poursuivre le patron en vertu de l'article 1382 comme ils le pouvaient avant la loi? Sur cette question nouvelle, la Cour de Paris (16 mars 1901, S. 1902. 2. 143) vient d'admettre l'affirmative, en se fondant sur le caractère transactionnel de la loi. Peutêtre pourrait-on dire qu'elle a eu surtout un but humanitaire; en tout cas cet arrêt améliore la condition des patrons qui ont des ouvriers étrangers.

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15. Refus d'indemnité à une victime d'accident qui ne veut pas se laisser soigner.

La loi de 1898, qui accorde à l'ouvrier une indemnité même lorsqu'il a commis une faute, constitue certainement une disposition dérogatoire au droit commun. Le texte qui vise la faute, cause de l'accident, ne s'étend donc pas à la faute consécutive à l'accident et consistant à ne pas se laisser soigner. C'est le point qu'ont dû établir plusieurs arrêts et que vient de préciser un arrêt de la cour de Rennes du 10 décembre 1901, suivi d'un autre de la cour de Besançon du 31 décembre 1901, S. 1902. 2. 136. 16. Caractère du délai d'un an pour réclamer l'indemnité.

La jurisprudence des cours d'appel, d'accord en cela avec la

doctrine (V. la note de M. WAHL, S. 1902. 2. 57), semble aujourd'hui bien fixée en ce sens que le délai d'un an accordé par la loi de 1898 pour réclamer l'indemnité due constitue non pas un délai préfixe, mais une prescription, susceptible par conséquent d'interruption ou de suspension. C'est ce qui résulte d'un arrêt d'Orléans du 14 novembre 1901, S. 1902. 2. 162, d'un autre de Poitiers du 24 juin 1901, S. 1902. 2. 163, d'autres arrêts de Paris, 27 juillet 1901, S. 1902. 2. 165; Grenoble, 24 avril 1901, S. 1902. 2. 166.

17.- Quelles sont les causes d'interruption de cette prescription annale?

Il n'est pas douteux que ce sont les causes d'interruption de droit commun, notamment la reconnaissance de dette. Mais quels actes impliquent reconnaissance de dette? Les cours d'appel sont fixées en ce sens que ce n'est pas la déclaration d'accident faite par le patron (Orléans, 14 nov. 1901, S. 1902. 2. 162; Bordeaux, 14 mai et 28 juin 1901, S. 1902. 2. 167). Mais elles ne sont pas d'accord pour la déclaration faite par l'ouvrier. La Cour de Paris (27 juill. 1901, S. 1902. 2. 163) ne lui fait produire aucun effet, mais la cour de Bordeaux y voit le premier acte de la procédure et lui fait produire le même effet qu'à la citation en justice (4 avr., 14 mai et 28 juin 1901, S. 1902. 2. 167).

Ces deux derniers arrêts voient également une cause d'interruption dans la comparution de l'ouvrier à l'enquête du juge de paix; mais la Cour de Paris (27 juill. 1901, précité) refuse à cette enquête tout effet interruptif (V. la note de M. WAHL, S. 1902. 2.57).

Quant à la comparution devant le président du tribunal, deux nouveaux arrêts viennent encore de l'assimiler à la citation en conciliation, qui interrompt la prescription lorsqu'elle est suivie d'assignation dans le mois (Grenoble, 24 avr. 1901, S. 1902. 2. 166; Bordeaux, 18 juin 1901, S. 1902. 2. 168).

Tout au moins il est indiscutable que l'assignation produit un effet interruptif. Mais la jurisprudence tend à étendre cet effet. Et lorsque l'assignation ne vise que l'allocation du salaire. jusqu'à la guérison, elle étend son effet interruptif à la demande de rente viagère. C'est ce que vient d'affirmer à nouveau la Cour de Grenoble le 24 avril 1901, S. 1902. 2. 166.

En tout cas, le paiement par le patron à son ouvrier du salaire qu'il recevait antérieurement ne suffit pas à interrompre la

prescription, comme constituant une reconnaissance de la dette. C'est un simple acte de générosité du patron. C'est ce qu'a admis la cour d'Orléans, le 14 novembre 1901 (S. 1902. 2. 162).

Toutefois cette hypothèse ne saurait être confondue avec le cas où le patron a payé à l'ouvrier une indemnité journalière; une partie de la jurisprudence y voit une reconnaissance de dette. V. Poitiers, 24 juin 1901, S. 1902. 2. 163 et Caen, 18 juillet 1901, S. 1902. 2. 57. Contrà, Douai, 21 mai, 24 juin et 10 juillet 1901, S. 1902. 2. 57. V. sur tous ces points, la note précitée de M. WAHL.

18.

Quel est le point de départ du délai d'un an?

La jurisprudence paraît, en immense majorité, avoir adopté la solution la plus simple et la plus pratique, d'après laquelle le délai court du jour même de l'accident et non du moment, toujours facile à reculer, où un certificat médical fixe la nature de l'incapacité. Aux solutions déjà nombreuses en ce sens vient de s'ajouter un arrêt de Grenoble du 14 novembre 1901, S. 1902. 2. 162.

19. Quelle est la base de l'indemnité due à l'ouvrier victime d'un accident en cas d'incapacité partielle perma

nente?

La Cour de cassation vient, par deux arrêts (Civ., 26 nov. 1901 et Req., 13 janv. 1902, S. 1902. 1. 180), de consacrer une solution déjà admise par les cours d'appel (V. Orléans, 30 mai 1900, S. 1901. 2. 277), dont la portée pratique est considérable. Quand un patron, après un accident, reprend l'ouvrier atteint d'une incapacité partielle au même salaire qu'auparavant, la demande en indemnité ne doit pas être déclarée non recevable, car la capacité professionnelle de l'ouvrier a été diminuée et cette diminution servira à fixer le taux de la rente.

20. --- Un ouvrier peut-il cumuler l'indemnité de la loi de 1898 avec d'autres indemnités ou pensions?

Un ouvrier, bénéficiaire d'une pension à la suite d'un accident, peut être en même temps affilié à une caisse de retraites. On pourrait se demander s'il n'y a pas des distinctions à faire quant au cumul de ces deux pensions et s'il ne faut pas l'interdire en tout ou en partie lorsque le patron alimente complètement ou partiellement la caisse de retraites. La cour de Montpellier, puis la cour d'Agen, suivant la doctrine discutable d'un arrêt de Toulouse du 28 décembre 1900 (S. 1901. 2. 241 et la note de M. Sachet), admettent (14 févr. 1901, S. 1902. 2. 108 et 28 janv. 1901,

S. 1902. 2. 172) que dans tous les cas le cumul doit avoir lieu, parce que, selon elles, le but des pensions est différent : celle de la loi de 1898 devant indemniser d'un préjudice d'une nature spéciale, la pension de retraite devant assurer à l'ouvrier des ressources à un âge déterminé, quelle que soit la cause qui l'empêche de travailler.

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21. La cour de Montpellier a admis également, le 2 mars 1901 (S. 1902. 2. 109), que la pension allouée par une caisse de prévoyance du patron devait être servie en même temps que celle prévue par la loi de 1898. Elle juge suffisant, pour le décider, de constater qu'une des créances a sa source dans un contrat et l'autre dans la loi, sans se préoccuper de savoir si elles ne poursuivent pas un résultat identique.

Toutefois cette jurisprudence serait à tort considérée comme bien établie. Elle vient d'être confirmée par un arrêt de Paris du 18 juill. 1901 (S. 1902. 2: 110). Mais un arrêt de la cour de Toulouse du 5 août 1901 (S. 1902. 2. 112) a admis que si un patron assure ses ouvriers à la Caisse des retraites sur la vieillesse en vue de leur venir en aide en cas d'accident, cette mesure peut être considérée comme une exécution anticipée de la loi de 1898, et alors le cumul ne serait plus possible entre les deux rentes allouées.

II. VENTE.

22. La diminution de valeur de la chose vendue autorise-t-elle à faire résilier la vente?

La diminution très grande de valeur de la chose vendue ne saurait entraîner résiliation d'une vente; en l'espèce, une vente de pierres à extraire d'une carrière; car on ne peut en rien l'assimiler à la perte partielle de la chose (Cass. req., 12 juin 1901, S. 1902. 1. 232).

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23. Quels sont les caractères distinctifs du louage? Quand des machines ont été remises pour une certaine durée, avec faculté d'en devenir propriétaire en payant au bout de ce temps une soulte complémentaire, ce contrat est justement qualifié louage et non pas vente, lorsque cette qualification résulte de l'intention des parties, qu'il a été stipulé que les choses seraient assurées au nom du bailleur et lorsque le locataire avait la faculté de résilier (Cass. req., 29 janv. 1902, S. 1902. 1. 168).

24.

La notification au bailleur d'un cheptel donné à son fermier peut-elle être suppléée par la connaissance de l'existence du cheptel?

Quand un fermier reçoit un cheptel d'un autre que le bailleur, celui-ci peut exercer son privilège sur les animaux amenés sur le fonds, à moins qu'on ne lui notifie l'existence du cheptel. Mais cette notification n'est pas imposée sous une forme déterminée; il suffit donc que le cheptel soit connu du bailleur d'une façon quelconque. C'est ce qu'a admis la cour de Nancy le 31 janvier 1901, S. 1902. 2. 107.

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On pourrait se demander si, un bail étant renouvelable à la volonté du preneur par exemple, le bailleur conserve, à l'expiration du bail, le droit de donner congé. Cela n'est pas possible d'après un arrêt de la Cour de cassation (Ch. civ., 19 mars 1901, S. 1902. 1. 190), car ce serait donner au preneur un droit révocable à la volonté de l'autre.

26.- La continuation d'un bail peut-elle étre prouvée autrement que par écrit?

L'article 1715 du Code civil, qui interdit la preuve testimoniale de l'existence d'un bail, constitue certainement une règle exceptionnelle. Comme telle, il semble qu'il convient de la limiter à ses termes. Cependant, si on considère la raison d'être de cette disposition, on peut penser que, visant à diminuer les procès, elle doit aussi bien s'étendre à un renouvellement d'un bail primitif qui contient cette faculté de recommencer le bail pour une nouvelle période. Mais la cour de Rouen vient sur cette question nouvelle de se prononcer pour l'application restrictive de notre article (29 mars 1899, S. 1902. 2. 139).

27.

Obligations des concierges vis-à-vis des locataires. Le tribunal de paix du 14e arrondissement de Paris a admis (S. 1902. 2. 116) que le concierge est tenu de monter régulièrement les lettres, prospectus, paquets adressés aux locataires, au moins de les prévenir immédiatement si les paquets sont lourds et encombrants.

28.

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Causes légitimes de renvoi d'un ouvrier.

La Chambre des requêtes (20 janv. 1902, S. 1902. 1. 189) vient de dire que le renvoi d'un ouvrier ne pouvait être considéré

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