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2. 201, M. CLARO présente quelques observations sur la même espèce. Le recueil de Dalloz joint un jugement du tribunal civil d'Auch, du 4 juin 1901, décidant, en sens inverse de la cour de Paris, que depuis la loi de 1898, qui dans son article 3 déclare que le lit des cours d'eau non navigables ni flottables appartient aux propriétaires des deux rives, les autres riverains n'ont plus le droit de libre circulation en bateau. Le tribunal estime que si, dans la loi de 1898, l'eau des rivières elles-mêmes, en tant qu'élément mobile, n'est pas susceptible d'une appropriation particulière, la jouissance et l'usage de cette eau doivent être attribués dans toute leur étendue et sous toutes leurs formes aux riverains d'une façon exclusive.

Le législateur a cependant réservé les droits acquis par les riverains ou autres intéressés sur les parties du cours d'eau qui servent d'exploitation pour la desserte de leurs fonds. Ce terme de droit acquis a toujours été pris par la doctrine et la jurisprudence comme désignant des droits résultant de titres ou de la loi, et un simple usage en matière de servitudes discontinues, comme celle de passage, n'a jamais constitué un droit. En conséquence, le riverain dont la propriété est traversée par une rivière peut s'opposer à ce qu'un autre riverain circule en bateau sur la partie du cours d'eau qui traverse ses terres et il a le droit d'obtenir de la justice que défense soit faite sous astreinte d'y circuler à l'avenir.

M. Claro, en note sous ce jugement, conteste le bien fondé de sa solution. Le propriétaire n'a pas plus le droit de mettre obstacle à ce qu'on use librement pour la circulation en bateau de la couche d'eau qui recouvre le lit de la rivière qui est sa propriété, couche d'eau qui appartient à tous, qu'il ne pourrait le faire pour la circulation aérienne de la couche d'air qui la recouvre; et qui, elle aussi, échappe à toute appropriation. Il n'en serait autrement qu'en présence d'une disposition formelle de la loi de 1898, et l'article 3, § 4 qu'on a invoqué, n'a nullement le sens qu'on prétend lui prêter.

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b) Écoulement des eaux.

9. La servitude d'écoulement des eaux sur les fonds inférieurs ne doit pas être aggravée par le propriétaire du fonds supérieur, à peine de responsabilité.

Ce principe, énoncé par l'article 640, a été appliqué par la cour de Lyon (30 nov. 1899, S. 1902. 2. 145) au propriétaire d'un grand tènement de vignes, en amont de la propriété du

demandeur dont il est séparé par un chemin public, et qui avait, par des travaux de canalisation, et notamment par la suppression de diverses rigoles et par l'établissement d'autres rigoles, modifié l'état du lieu et le cours naturel des eaux.

Ces travaux avaient eu pour résultat de réunir les eaux en un seul volume, d'augmenter leur rapidité et les diriger sur le fonds inférieur. Le propriétaire supérieur a été déclaré responsable des dégâts occasionnés au fonds inférieur, mais responsable en partie seulement, car ils étaient dus à une pluie extraordinaire qui, sans être une trombe d'eau, dépassait les orages ordinaires.

10.

c) Passage.

Défense d'aggraver une servitude de passage.

Il n'est pas permis d'aggraver une servitude. Ainsi, lorsqu'une servitude de passage existe dans l'intérêt exclusif de l'exploitation d'une ferme, dont l'exploitation rationnelle ne comporte que la présence de deux ou trois vaches, et que les parties ont prévu, dès l'origine, la construction d'une étable et, par suite, le transport par le passage litigieux des matériaux nécessaires à cette construction, celle-ci n'est destinée qu'au logement des deux ou trois vaches nécessaires à l'exploitation. Le propriétaire du fonds dominant aggrave donc la servitude lorsque l'étable édifiée par lui est assez importante pour loger six ou sept bêtes à cornes, et que, pour amener sur sa propriété les matériaux nécessaires à la construction, il a détérioré dans une certaine mesure le chemin de servitude établi à son profit sur le fonds servant (Cass. req., 21 avr. 1902, D. 1902. 1. 310).

11.

d) Vues.

La servitude de vue peut être établie par destination du père de famille.

Lorsqu'il résulte des documents de la cause qu'un jardin constitue bien une terrasse, au sens de l'article 678, et que cette terrasse existe, non pas seulement en vertu de la situation naturelle des lieux, mais par suite de travaux apparents faits de main d'homme, lorsque, d'autre part, le caractère de terrain a été imprimé à ce jardin, par la destination du père de famille, antérieurement à la séparation des deux héritages, le propriétaire du jardin-terrasse a alors un droit de vue droite sur le jardin situé audessous, et il peut obtenir la suppression d'une clôture en planches

relevée par le propriétaire du jardin inférieur, sans observer la distance légale (Cass. req., 8 janv. 1901, S. 1902. 1. 285). 12. - Distances à observer pour les parcs sur la propriété

des voisins.

Les articles 678 et 679 prescrivent d'observer certaines distances pour l'établissement des vues s'exerçant sur la propriété du voisin. S'il s'agit d'une porte à panneaux pleins, uniquement établie pour servir au passage d'une parcelle sur une autre ap ́partenant au même propriétaire, la vue ne pouvant alors s'exercer d'un fonds sur l'autre, indépendamment du fait de l'homme, nécessité par l'obligation d'ouvrir au préalable ladite porte, celle-ci n'est pas susceptible de faire acquérir une servitude de vue, à l'encontre du demandeur. Dès lors il n'y a pas à observer la distance réglementaire prescrite par le Code civil (Cass. req., 25 mars 1902, D. 1902. 1. 266, S. 1902. 1. 232).

13. sage.

III.

PRESCRIPTION.

Acquisition par prescription d'une servitude d'arro

Une servitude d'arrosage est acquise par prescription, au profit des propriétaires des fonds inférieurs, quand il est établi que, depuis un temps immémorial et dans tous les cas depuis plus de trente ans, il ont fait usage pour l'irrigation des eaux dérivées du canal litigieux. Les faits de possession et de jouissance dont se réclament les défendeurs sont affirmés par des ouvrages apparents, quand il existe sur chacune de leurs parcelles une coupure à la berge du canal, coupure formant prise d'eau, permanente de sa nature, et obstruée artificiellement après chaque irrigation. Dès lors, le propriétaire du canal ne peut les priver de l'usage de l'eau par la construction d'un barrage ou par le creusement exagéré du canal. Cass. req., 9 janv, 1899, Pand. fr., 1902. 1. 273 et note de M. COULAZOU.

14.

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Prescription des droits d'usage sur les cours d'eau. Les droits d'usage sur les cours d'eau, bien que constituant de simples facultés imprescriptibles en principe, peuvent néanmoins se perdre par le non-usage et être atteints par la prescription, qui commence à courir contre un riverain du jour où un tiers a opposé à l'exercice de son droit une contradiction assez manifeste et caractéristique pour annoncer de sa part la volonté d'y faire obstacle. Cette contradiction peut résulter notamment de la cons

truction par l'un des riverains de travaux apparents et permanents tendant à l'appropriation exclusive ou presque totale du cours d'eau et constituant pour le propriétaire inférieur un empêchement matériel à l'exercice de ses droits (Grenoble, 7 août 1901, D. 1902. 2. 225 (1).

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15. Étendue du privilège du bailleur d'une propriété non bâtie.

Le bailleur a privilège sur tout ce qui garnit la ferme et sur tout ce qui sert à son exploitation, et ce privilège profite même au bailleur d'une propriété non bâtie, lorsqu'elle sert à l'exploitation de la ferme. Il en serait autrement des animaux introduits accidentellement sur le fonds, puisque leur présence temporaire n'a pas augmenté le crédit du fermier. Douai, 8 janv, 1900, Pand. fr., 1902. 2. 142 (2).

16. Le privilège sur la récolte de l'année, qui appartient aux ouvriers ayant travaillé sur cette récolte, est perdu dès que la récolte a cessé d'être en la possession du débiteur pour passer entre les mains d'un tiers de bonne foi.

Le vigneron qui a donné des soins à la culture des vignes d'un propriétaire, ne peut, pour le paiement de ce qui lui est dû, exercer le privilège de l'article 2102-1o, § 4, sur la récolte de l'année courante, qu'autant qu'elle est encore en la possession du propriétaire et n'a pas passé entre les mains d'un tiers de bonne foi (Cass. req., 6 mai 1901, S. 1902. 1. 275. Cpr. Cass., 27 juill. 1897, S. 1902. 1. 23).

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17. L'hypothèque conventionnelle sur les biens à venir frappe ces biens dès leur entrée dans le patrimoine du débileur, mais elle ne prend rang qu'à dater de l'inscrip

tion.

L'hypothèque conventionnelle sur les biens à venir, consentie

(1) V. Revue, p. 427, no 8.
(2) Cpr. Revue, p. 429, no 12.

dans le cas prévu par l'article 2130, frappe ces biens dès qu'ils sont entrés dans le patrimoine du débiteur, mais elle ne prend rang vis-à-vis des autres créanciers que du jour de son inscription. L'inscription n'est pas une mesure conservatoire, puisqu'elle place l'immeuble qu'elle grève sous la main du créancier, qui peut le suivre en quelque main qu'il passe, de telle sorte qu'il ne peut être vendu sans que celui-ci soit appelé à exercer son action sur le prix. Il s'ensuit que le créancier qui n'a pas un droit actuel sur l'immeuble ne peut le grever d'une inscription hypothécaire. Le créancier qui a une hypothèque sur les biens à venir de son débiteur ne saurait prendre une inscription valable sur les immeubles donnés à celui-ci, si l'inscription n'est antérieure à l'acceptation par le donataire. Une inscription nouvelle, postérieure à cette acceptation, serait primée par le créancier auquel le donataire aurait conféré une hypothèque le jour même de son acceptation de la donation, hypothèque inscrite avant celle qui porte sur les biens à venir (Cass. req., 4 mars 1902, D. 1902. 1. 215, S. 1902. 1, 161 et la note de M. LYON-Caen).

b) Hypothèque légale.

18. L'hypothèque légale prise par les pupilles dans l'année qui suit la majorité du dernier enfant conserve son effet à l'égard de tous. Cette inscription conserve aussi l'hypothèque légale appartenant aux enfants du chef de leur mère.

L'inscription de l'hypothèque légale prise par les pupilles dans l'année qui suit la majorité du dernier des enfants conserve son effet à l'égard de tous et les pupilles n'encourent aucune forclusion du fait de n'avoir pas demandé leur compte de tutelle dans le délai fixé par l'article 475. Cette inscription a pour résultat de conserver l'effet de l'hypothèque légale qui appartenait aux enfants du chef de leur mère sur les biens du mari survivant, et l'effet de cette inscription remonte au jour du décès de leur mère (Riom, 29 déc. 1898, S. 1902. 2. 169).

M. WAHL, en note sous cet arrêt, estime que cette solution est contraire aux principes, au texte et aux motifs de ce texte. Il ne peut suffire, pour que l'hypothèque soit conservée au profit de tous les mineurs, rétroactivement, que l'inscription soit prise par eux dans l'année qui suit le jour où la tutelle du dernier d'entre eux a cessé. Chacun des mineurs a une hypothèque distincte, car chacun a une créance distincte sur le tuteur pour le reliquat du compte; voilà le principe. La doctrine de la cour

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