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dans notre législation. Mais nous reconnaissons aussi volontiers qu'elle donne lieu à un problème très délicat et qu'une solution absolue serait ici difficile à admettre. Nous savons gré à M. le député Cunée d'Ornano d'avoir une fois de plus attiré sur ce point l'attention de la Chambre par une proposition déposée dans la séance du 20 oct. 1902.

M. Cunéo d'Ornano voudrait voir confirmer l'abrogation de l'article 75 de la Constitution de l'an VIII et supprimer la procédure de la prise à partie qui met obstacle à toute action en responsabilité contre un magistrat. Il propose d'appliquer l'article 1382 du Code civil à tout fonctionnaire qui commet un abus de pouvoir ou une faute (Journ. off., Doc. parlem., Chambre, S. E., ann. no 359, p. 121). Peut-être, pour aboutir, serait-il préférable de consentir certaines distinctions, telles que la distinction entre l'arbitraire, la simple faute du fonctionnaire et l'illégalité? (V. sur ce point les discussions très approfondies de la Société des prisons et notre rapport, Revue pénitentiaire, 1901). D'autre part, M. Cunéo d'Ornano prévoit au second plan la responsabilité de l'État. Peut-être conviendrait-il de la placer au contraire en première ligne ?

c) Responsabilité des Compagnies de chemins de fer en cas de pénétration d'un animal sur la voie ferrée.

19. Une proposition de loi, signée de plusieurs sénateurs, prétend imposer la responsabilité de tous les accidents survenus en pareil cas aux Compagnies, au moins vis-à-vis de tous autres que le propriétaire de l'animal; encore les Compagnies n'auraient-elles pas de recours contre le propriétaire pour leurs propres dommages. Sans doute, nul n'est tenu de se clore et la Compagnie n'est pas en faute parce qu'un animal a fait irruption chez elle. Mais, dirons-nous, dégageant de l'exposé des motifs, une idée que nous y trouvons latente en dehors de la responsabilité fondée sur la faute, ne devons-nous pas reconnaître aujourd'hui certains cas de responsabilité fondés sur le risque professionnel? Ainsi envisagée la proposition nous paraît d'autant plus intéressante (Journ. off., Doc. parlem., Sénat, S. O., ann. no 276, p. 438).

d) Clauses de non-responsabilité.

20. Bien que la question soit discutable, on admet généralement et les Compagnies de chemins de fer ne manquent

jamais de prétendre que l'expédition des colis postaux ne soumet point les Compagnies à une responsabilité en cas de retard. En fait, jamais les intéressés n'obtiennent d'indemnité à raison d'un simple retard; avant de mettre en cause la responsabilité des Compagnies, ils doivent prouver que « le retard a eu manifestement pour effet d'occasionner l'avarie du contenu ». Cette solution admise est évidemment de nature à être invoquée dans la discussion du problème de la validité des clauses de nonresponsabilité. Voilà pourquoi nous signalons une proposition de loi de M. Bourrat, député, établissant et sanctionnant la responsabilité des Compagnies en cas de retard dans l'expédition des colis postaux et à raison d'un seul retard (Séance du 17 oct. 1902, Journ. off., Doc. parlem., Chambre, S. E., ann. no 339, p. 87). L'exposé des motifs recherche l'origine de la solution aujourd'hui admise, il contient à cet égard un historique intéressant. (A rapprocher un projet de résolution de M. Antide Boyer, député, déposé à la séance du 11 juill. 1902, Journ. off., Doc. parl., Chambre, S. O., ann. no 297, p. 778).

e) Vente d'engrais chimiques. Action en réduction du prix
en cas de lésion.

21. Le Code civil n'admet point l'action en rescision (le partage excepté) et l'action en réduction du prix pour lésion en dehors des ventes d'immeubles. Les fraudes particulières auxquelles donnent lieu les ventes d'engrais chimiques ont amené M. le député Louis Martin à proposer une sanction de la lésion en cette matière.

On aurait pu croire que la loi du 4 févr. 1888, qui a érigé en délit le fait de tromper l'acheteur sur la nature, la composition, le dosage... d'un engrais chimique et qui oblige sous peine d'amende le vendeur d'engrais chimiques à en faire connaître au moment de la livraison la provenance et la teneur, aurait suffi à tous les besoins. M. Martin assure qu'il n'en est rien et que les vendeurs, n'osant plus tromper sur la nature de la marchandise, se rattrapent en vendant beaucoup trop cher aux paysans naïfs.

La proposition (Journ. off., Doc. parlem., Chambre, session ord., ann. no 239, p. 750) est évidemment inspirée des meilleurs sentiments. Mais n'y a-t-il donc qu'en matière de vente d'engrais chimiques que l'acheteur ignorant le juste prix se laisse berner? Le Parlement ne doit-il pas se mettre en garde contre

des lois d'espèces? Puis, si le législateur doit intervenir lorsqu'il présume comme c'est le cas en matière immobilière — que la lésion a pu être la conséquence d'une pression morale ou lorsqu'il y a fraude sur la composition d'une marchandise que l'acheteur ne peut facilement contrôler lui-même, est-il dans son rôle de subvenir à la naïveté de l'acheteur simplement ignorant du juste prix? L'acheteur ne peut-il pas se défendre très bien lui-même en s'informant près d'une société d'agriculture ou d'un syndicat agricole ?

Quoi qu'il en soit, la proposition mériterait d'être discutée. M. Martin demande pour l'acheteur l'action en réduction du prix dès que la lésion atteint le quart. L'action devrait être intentée dans les six semaines de la livraison devant le juge de paix et serait recevable nonobstant l'emploi total ou partiel des matières livrées.

f) Contrat de rente viagère. Projet d'une taxe de 4 0/0 sur les arrérages des rentes viagères payés par des sociétés ou compagnies d'assurances.

22.

L'impôt général sur le revenu établi par les lois du 29 juin 1872 et du 26 déc. 1890 n'atteint pas jusqu'ici les arrérages des rentes viagères payées par des sociétés ou compagnies d'assurances. Sans doute, le législateur a eu l'intention de soumettre à la taxe tous les revenus des placements gérés par des sociétés et le contrat de rente viagère constitue une forme de placement. Mais la rente viagère n'est pas à proprement parler un revenu - ou du moins la meilleure partie des arrérages représente le capital lui-même remboursé sous formes d'annuités.

Le projet de budget pour l'exercice 1903 présenté par le Gouvernement (Journ. off., Doc. parl., Chambre, session extraord. de 1902, ann. no 308, p. 1) prévoit au contraire la soumission des arrérages des rentes viagères à la taxe de 4 0/0. Réserve faite de diverses exceptions (art. 10 de la loi de finances, loc. cit., p. 29).

Ce n'est pas que le Gouvernement méconnaisse l'analyse du contrat de rente viagère à laquelle nous venons de faire allusion. Il l'admet et passe outre par ce motif que, le capital de la rente viagère échappant à l'impôt de mutation au décès du crédirentier, il est équitable d'établir en compensation une taxe sur les arrérages. Nous devions signaler cette disposition de la loi

de finances projetée, qui paraît au premier abord en contradiction avec la nature du contrat de rente viagère.

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g) De la simulation dans les actes écrits.

23. La simulation dans un acte écrit peut-elle constituer un faux punissable? Le droit pénal ne vient-il pas joindre la sanction énergique des peines du faux aux sanctions purement défensives et par là même insuffisantes et inefficaces du droit civil? La question, qui intéresse au plus haut point beaucoup de théories du droit civil, reste controversée en doctrine (Garçon, Code pénal annoté, art. 145 à 147, no 36 et s., p. 300; Garraud, Traité de droit pénal, 2e édit., no 1031). La jurisprudence reste quelque peu indécise, mais la pratique des parquets a nettement adopté le système de l'abstention.

Nous croyons que le Code pénal permettrait de poursuivre, nous ne disons pas avec M. Garçon une infinité de simulations, mais au moins certaines simulations et nous pensons qu'il y a, en effet, des simulations qui devraient être réprimées.

24. C'est donc une initiative intéressante que celle prise par M. Henri Brisson, député, d'une proposition de loi « relative aux associations et congrégations et tendant à réprimer les fraudes et simulations résultant d'actes authentiques ou sous seing privé et ayant pour but de porter atteinte à diverses lois d'ordre public, notamment en matière de dispositions entre-vifs et testamentaires » (1). M. Brisson considère précisément sa proposition comme une application de la théorie du faux. Il voudrait insérer dans la section consacrée au faux, et spécialement dans le § 5, sect. 1, ch. 3, liv. 3, tit. 1 du Code pénal) relatif aux faux certificats, une disposition punissant de peines correctionnelles tous ceux qui ont participé sciemment à la confection ou à l'exécution d'actes écrits simulés ayant pour but de faire fraude, nous disons dans une formule résumée aux lois contre les congrégations.

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25. Mais nous exprimerons d'abord le regret de voir ici toujours la question abordée par un petit côté trop étroit au lieu d'être envisagée dans son ensemble.

Il ne nous paraîtrait pas exact non plus de rapprocher des faux certificats des actes simulés, tels qu'une donation ou un

(1) Journal officiel, Doc. parlem., Chambre, S. E., annexes, no 357, p. 273.

testament adressés à une association illicite sous le couvert d'une personne interposée. Et même, tout en admettant que la simulation puisse devenir constitutive de faux en écriture privée ou publique, nous ne croyons pas précisément dans cette hypothèse que les conditions de ce faux soient remplies. Pour qu'un acte constitue un faux en écritures, il est indispensable qu'un dommage illicite puisse en découler directement. La loi défend aux associations illicites de recevoir; or nulle interposition de personne ne peut les rendre propriétaires puisqu'elles n'ont pas l'aptitude nécessaire au droit de propriété. Sans doute, l'acte simulé pourra servir aux associations illicites à masquer un état de fait contraire à la loi. Mais alors, l'acte écrit n'est que le point de départ d'une manœuvre frauduleuse, il n'a pas les caractères du faux.

Quant au point de savoir dans quelle mesure il y aurait lieu d'ériger en une infraction les fraudes en question, ceci est toute autre chose, que nous ne pouvons discuter ici.

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a) Interposition de personnes.

26. V. suprà, la proposition de M. Brisson, no 25.

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a) Contestations entre les patrons et les employés du
commerce et de l'industrie.

27. Une proposition de loi signée de plusieurs sénateurs tend à soustraire la connaissance de ces contestations aux tribunaux de commerce, compétents en vertu de l'article 634-1° du Code de commerce, pour l'attribuer aux conseils de prud'hommes (Journ. off., Doc. parl., Sénat, S. O., ann. no 272, p. 435).

28.

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b) Tribunal compétent en matière de liquidation

des congrégations.

De même que les actions relatives à la faillite sont centralisées, de même il conviendrait évidemment de soumettre à un tribunal unique toutes les difficultés que peut soulever la liquidation d'une congrégration. Telle est la solution proposée par le Gouvernement dans un projet déposé à la Chambre, le

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