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6 novembre. Le tribunal compétent serait celui qui a nommé le liquidateur (Journ. off., Doc. parl., Chambre, S. E., ann. n° 422, p. 210).

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29.

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a) Contrainte par corps.

La contrainte par corps, abolie en matière civile et commerciale, subsiste en matière pénale, de sorte qu'elle garantit toujours le paiement de réparations civiles prononcées par des tribunaux répressifs. Elle nous intéresse à ce titre. Dans la séance du 18 nov. 1902, la Chambre a admis l'urgence d'une proposition de loi abolissant absolument la contrainte par corps, proposition déjà accueillie sous l'ancienne législature, devenue caduque et reprise par M. Albert Poulain (Journ. off., Débats parl., Chambre, S. E., p. 2655).

b) De la saisie-arrêt sur les salaires et petits traitements
des ouvriers et employés.

30. La loi du 12 janv. 1895, qui a institué l'insaisissabilité des salaires et traitements ne dépassant pas 2.000 francs par an, jusqu'à concurrence de neuf dixièmes, et leur incessibilité jusqu'à concurrence de huit dixièmes, n'a guère tardé à se révéler comme insuffisante, comme une loi de transition dont les termes violent chacun des intérêts en présence sans en satisfaire pleinement aucun. Tandis qu'elle soustrait souvent au créancier la meilleure partie de son gage, elle a pour les ouvriers, employés et petits fonctionnaires un inconvénient notable. C'est d'aboutir en quelque sorte à l'absorption du dernier dixième de leur salaire ou traitement par les huissiers. Toute saisie-arrêt comporte un minimum de frais assez élevés : en limitant l'objet de la saisiearrêt sur les salaires et traitements inférieurs à 2.000 francs à une fraction minime, le législateur ne s'est pas aperçu que cette fraction passerait en frais de procédure. De sorte que la saisiearrêt du dixième qui dépouille le débiteur d'une partie de son salaire, l'en dépouille au profit des huissiers plutôt que du créancier et ne l'allège pas par conséquent d'une façon sensible du fardeau de sa dette.

31. La Chambre des députés saisie presqu'aussitôt d'une nouvelle proposition de loi a voté, le fer avr. 1898, un projet de réforme qui se trouve maintenant soumis aux délibérations du

R. DR. CIV. — 1

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Sénat. L'idée qui inspire ce projet, c'est la préoccupation de restituer son utilité, son efficacité, à la saisie-arrêt du dixième ; c'est en d'autres termes de simplifier les formalités et de réduire les frais de procédure qui rendent cette saisie-arrêt plus fructueuse pour les officiers ministériels que pour le créancier au grand détriment du débiteur, qui supporte en définitive la peine de ces frais.

Voici, d'ailleurs, en quels termes le rapporteur au Sénat résumait dans la séance du 18 nov. 1902 l'économie du projet de la Chambre des députés (Journ. off., déb. parl., p. 1136, col. 2) : 1° Les saisies-arrêts ne pourraient avoir lieu dorénavant (en aucun cas) qu'après une tentative d'arrangement amiable pardevant le juge de paix du domicile, du débiteur saisi ; -2° L'exploit de saisie-arrêt, qui avait été confié jusque-là à l'huissier, devrait être remplacé par une lettre recommandée du greffier de la justice de paix du domicile du débiteur saisi; - 3° quand les parties ne comparaîtraient pas, lorsqu'elles ne seraient pas d'accord sur l'importance de la somme due, et alors même qu'il y aurait accord sur cette somme, le juge de paix serait obligé d'autoriser la saisie-arrêt, qui deviendrait ainsi la saisie-arrêt obligatoire; - 4° Les tiers saisis pourraient se libérer par versements trimestriels entre les mains du greffier de la justice de paix, qui serait ainsi considéré comme le negotiorum gestor, comme une sorte de syndic d'une affaire toute particulière; -5° enfin, comme la Chambre des députés avait remarqué les abus résultant de la faculté de cessibilité accordée aux débiteurs, elle édictait certaines mesures propres à atténuer ces inconvénients.

32. La commission du Sénat, au lieu de se rallier à ce projet, a mieux aimé proposer au Sénat un système plus radical, que la commission de la Chambre avait écarté après examen, le système de l'insaisissabilité absolue des salaires et petits traitements (1).

M. Chovet, rapporteur de la commission du Sénat, a principalement fait valoir devant la haute assemblée, pour défendre ce nouveau système, que le dixième des salaires et traitements ne

(1) Trois systèmes avaient en réalité été soumis à la Chambre : l'un tendait à réduire les frais de procédure (Proposition Basly), le second tendait à écarter la saisie-arrêt lorsque le salaire saisissable ne représenterait pas un dividende de 25 0/0 (Proposition de M. Odilon-Barrot), enfin le troisième système proclamait l'insaisissabilité et l'incessibilité absolues du salaire (Proposition Plichon).

constituerait jamais, quoi qu'on fit, qu'une garantie absolument illusoire. Il est important sans doute de ne pas compromettre le crédit de l'ouvrier; il y a un intérêt évident, intérêt social et moral, à ne point déshabituer l'ouvrier de payer ses dettes et à lui rappeler qu'il est soumis comme les autres à l'obligation de s'acquitter envers le créancier. Mais, sans méconnaître tout cela, M. Chovet a prétendu que la question était ailleurs : elle est de savoir s'il serait possible de réduire assez les frais de procédure pour que le dixième du salaire devînt un élément sérieux de crédit au lieu d'être, comme il est aujourd'hui, un élément illusoire dont l'ouvrier ne se joue qu'aux yeux du créancier naïf. Et M. Chovet a fait passer alors devant le Sénat les résultats d'une enquête importante, ouverte par la commission, d'où ressort en fait la preuve de l'inutilité et des inconvénients de la saisiearrêt du dixième (Journ. off., loc. cit. suprà, p. 1133 à 1148).

C'est également sur cette enquête que s'est appuyé le ministre du Commerce, M. Trouillot, pour demander au Sénat, au nom du Gouvernement, de voter les conclusions de la commission. M. Trouillot estime, et nul n'avait davantage autorité pour le dire, que les données de cette enquête sont de nature à justifier si bien l'insaisissabilité absolue des salaires, qu'il n'est pas téméraire d'escompter l'adhésion, à ce nouveau système, de la Chambre mieux informée. C'est qu'en effet, l'enquête ne démontre pas seulement l'énormité des frais de procédure, qu'on pourrait espérer réduire; elle témoigne qu'en fait les fournisseurs ne prennent guère en considération le dixième saisissable pour faire crédit aux ouvriers, et que, en particulier, les épiciers, boulangers et bouchers utilisent rarement la saisie-arrêt. Les fournisseurs savent qu'ils seront payés par les ouvriers honnêtes et de bonne foi; ils feront toujours crédit à ceux qui ont des habitudes de travail et de régularité. En fait la saisie-arrêt du dixième est prise en considération presqu'exclusivement par les maisons de crédit, établissements très coûteux et très dangereux pour les ouvriers. Enfin l'enquête révèle que si la saisissabilité d'une partie du salaire n'est pas un élément de crédit utile pour l'ouvrier, elle a pour lui les plus graves inconvénients l'ouvrier, pour échapper à la retenue du salaire saisi, est tenté de changer de patron, de même que le patron, pour se soustraire aux ennuis et à la comptabilité entraînés par la saisie-arrêt, est tenté de renvoyer l'ouvrier. C'est ainsi que tant d'ouvriers deviennent,

contrairement à leur intérêt et à l'intérêt social, de véritables nomades.

33. Le Conseil supérieur du travail, à la suite de l'enquête de la commission du Sénat, s'est du reste prononcé en faveur de l'insaisissabilité absolue des salaires et petits traitements.

34. C'est là aussi la solution qui tend à prévaloir en droit comparé. Comme le constatait M. Joseph Hémard dans une fort intéressante Étude critique sur l'insaisissabilité du salaire (1) (Paris, 1901, V. suprà, notre C. R., p. 387) : « Ce sont en général les pays les plus arriérés qui sont restés fidèles à la saisissabilité, tandis que les grandes nations industrielles ont proclamé nécessaire au développement de l'industrie l'insaisissabilité absolue ». 35. Quoi qu'il en soit, l'idée rencontre encore de vives résistances et il paraît très douteux qu'elle soit finalement admise. Les orateurs qui l'ont combattue, MM. Savary (Journ. off., loc. cit., p. 1151 etp. 1169), Théodore Girard (eod.loc., p. 1158 et 1170), Louis Legrand (eod. loc., p. 1168), Maxime Lecomte (eod. loc., p. 1169), se sont efforcés de démontrer que les patrons avaient fait entendre surtout leurs voix dans l'enquête, désireux qu'ils sont d'éviter les ennuis des saisies-arrêts et des retenues à opérer. M. Savary a produit des lettres de divers fournisseurs contredisant les conclusions de l'enquête. M. Louis Legrand a comparé les résultats avoués de la saisie-arrêt des salaires avec les résultats courants de la procédure de faillite et il a pu affirmer que la saisie-arrêt aboutissait souvent à un dividende plus élevé pour le créancier que beaucoup de faillites. Mais au surplus, il ne semble pas que les honorables sénateurs aient attaché une importance exclusive à ce côté de la question, au point de savoir dans quelle mesure il serait possible de réduire assez les frais de procédure pour assurer à la saisie-arrêt une pleine efficacité, et il ne semble pas non plus par conséquent qu'ils aient attribué à l'enquête toute la signification qu'elle comportait aux yeux de la commission. Peut-être sont-ils restés un peu trop imbus du préjugé des mots et des principes abstraits, voulant coûte que coûte, sous prétexte de dignité de l'ouvrier et de respect des droits du créancier, maintenir un droit théorique de saisie. C'est pourtant par les résultats pratiques que doivent finalement être jugées toutes les institutions. Il est vrai que nous trahirions l'argumentation des adversaires de la commission, si nous n'ajou

(1 V. p. 118,

tions qu'à leurs yeux, un droit théorique de saisie, procurant rarement aux créanciers un dividende sérieux par l'exagération des frais de procédure, n'en aurait pas moins une autorité pratique à cause de son effet moral. La saisie-arrêt resterait dans tous les cas une menace pour le débiteur, menace de frais dont il porterait la peine, elle serait donc encore de nature à pousser beaucoup de débiteurs à payer amiablement. Et-M. Legrand a précisément soutenu que si l'enquête révélait l'inefficacité de la saisie-arrêt exercée, elle ne prouvait pas que la plupart des dettes des ouvriers et employés n'eussent point été payées volontairement pour échapper à une saisie-arrêt onéreuse.

De sorte que, malgré tout, il est visible que nous revenons toujours à la préoccupation de l'efficacité de la saisie-arrêt et il nous paraît résulter de la discussion du Sénat que c'est en somme sur ce point que les voix se sont déjà comptées et se compteront.

:

Les adversaires de l'insaisissabilité absolue peuvent mettre en avant la dignité de l'ouvrier, de même que le rapporteur de la commission, invoquant les tendances humanitaires et démocratiques de notre époque, peut soutenir que le salaire intégral est indispensable aux mains de l'ouvrier pour assurer son existence et celle de sa famille ces idées sont-elles bien solides et n'apparaissent-elles pas là beaucoup ad pompam et ostentationem? En quoi la saisie, si elle était inefficace, maintiendrait-elle la dignité de l'ouvrier? C'est le fait de payer ses dettes et non pas le fait d'être saisi qui peut sauvegarder la dignité de l'ouvrier. A l'inverse, je veux bien ne pas contester qu'un salaire de 2.000 francs soit indispensable à l'ouvrier pour faire vivre sa famille en quoi l'existence d'une saisie-arrêt efficace méconnaftrait-elle cette constatation? Les pensions alimentaires les plus manifestement calquées sur les besoins stricts d'un individu sont au moins saisissables pour cause d'aliments. Qu'il soit défendu à l'ouvrier d'engager tout son salaire à l'avance, je le veux bien, mais la saisie-arrêt d'une partie modérée du salaire ne contredit pas nécessairement la considération invoquée : si l'ouvrier se voit enlever aujourd'hui un dixième de son salaire par saisie-arrêt, il fera des dettes dans la même proportion qu'il paiera avec le salaire de demain. Si le salaire intégral est indispensable à l'ouvrier, il faut bien en cas de maladie qu'il puisse acheter à crédit, escompter une portion du salaire de l'avenir. L'ouvrier ne touche pas toujours son salaire au jour le jour; la saisie-arrêt

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