Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

stipulé d'un voisin le droit de passer, pendant sa vie, sur le fonds dudit voisin; s'il venoit ensuite à vendre ces deux maisons, le bénéfice de cette convention passerait-il à l'acquéreur, au moins pendant la vie du vendeur? Je ne le pense pas. Il est bien évident que le droit n'a pas été stipulé en faveur du fonds, puisque la durée en est bornée à la vie du stipulant; c'est plutôt, comme il a été dit au 2o volume, page 417, une sorte de droit d'usage, qui ne peut conséquemment être cédé à personne. Nec obstat le précité 5, de la loi 17, ff. de Pactis, que quelques personnes allèguent à l'appui de l'opinion contraire. L'on voit en effet par la comparaison de ce paragraphe avec le précédent, et comme l'établit fort bien CUJAS, qu'il s'agit, dans l'espèce, du possesseur d'un fonds, qui, se trouvant inquiété relativement à la propriété de ce fonds, fait avec son adversaire un traité par lequel celui-ci s'oblige à lui en laisser la possession pendant toute sa vie; et le Jurisconsulte décide que le bénéfice de cette convention passe à tous les acquéreurs du fonds, à titre gratuit ou onéreux, mais, bien entendu, pendant la vie du stipulant. Cette décision est juste, pour deux raisons la première, c'est que le droit du stipulant peut, dans ce cas, être comparé, sous presque tous les rapports, à celui d'un usufruitier. Or, l'usufruitier peut donner ou vendre le droit qu'il a de percevoir les fruits de la chose soumise à son usufruit. La seconde, c'est que l'autre contractant n'a pas d'intérêt à contester la vente ou la donation. Le choix de la personne qui doit posséder, lui est à peu près indifférent; le seul intérêt qu'il ait d'après la convention, est de recouvrer la possession après la mort du stipulant: or, ces deux raisons ne sont point applicables au cas où il s'agit d'un droit de passage accordé personnellement au stipulant.

Quid, à l'égard des promesses concernant un fonds? Il faut distinguer : Si ces promesses constituent, en faveur du stipulant, un droit de la nature de ceux qui sont dits réels, comme le caractère essentiel de ces droits est de suivre le fonds, en quelque main qu'il passe, tous les possesseurs successifs du fonds seront tenus d'en souffrir

l'exercice; tel serait un droit d'usage, d'usufruit, de servitude, ou d'hypothèque. Il en serait de même de toutes les conventions qui pourraient être regardées comme des conditions de l'acquisition faite par l'obligé, et qui seraient portées dans l'acte même translatif de propriété. Telle serait l'obligation imposée au donataire de remplir certaines conditions, le pacte commissoire, celui de réméré en cas de vente, et en général toutes les conditions résolutoires, apposées à une aliénation. Dans tous les autres cas, l'exécution de la convention ne pourrait être poursuivie que contre le débiteur lui-même ou ses représentans à titre universel.]

Enfin, ce n'est pas non plus stipuler pour un autre, lorsque je stipule que la chose qui fait l'objet de la convention, sera délivrée à un tiers désigné, parce qu'alors l'obligation est acquise à moi seul; que j'ai, seul, droit d'en poursuivre l'exécution, et que le tiers n'est, dans la convention, que comme mon fondé de pouvoir, à l'effet de recevoir la chose pour moi et en mon nom [C'est ce que les lois Romaines appelaient: adjectus solutionis gratia. Cette clause particulière peut donner lieu à quelques questions.

D'abord, peut-on toujours payer valablement à la personne indiquée? Oui, tant qu'elle n'a pas éprouvé un changement d'état qui ait influé sur sa capacité. Si donc c'était un majeur qui ait été interdit depuis, une femme qui se soit mariée, le débiteur ne pourrait plus lui payer valablement. (L. 38, ff. de Solut.) Il ne pourrait payer davantage au tuteur ou au mari, parce que ce ne sont pas eux qui ont été indiqués.

Peut-on payer à la personne indiquée, malgré le créancier? Oui, quand l'indication fait partie de la convention. L'on suppose que le débiteur n'a consenti à contracter l'obligation, que sous la condition de pouvoir payer à la personne indiquée: certam conditionem habuit stipulatio, quam immutare non potest stipulator. (L. 12, §3, eod.) Secùs, si, postérieurement à l'obligation contractée, le créancier a mandé au débiteur de payer à telle personne.

C'est alors un simple mandat, que le créancier peut révoquer ad libitum. (L. 106, ff. eod.) Et même quand l'indication fait partie de la convention, si le débiteur n'avait aucun intérêt de payer à l'indiqué plutôt qu'à tout autre, je pense qu'il ne pourrait lui payer valablement, si le créancier lui avait signifié qu'il eût à payer à lui-même, ou à une autre personne.

Peut-on payer aux héritiers de l'indiqué? Non, l'indiqué est un véritable mandataire. Ce mandat est, à la vérité, irrévocable, quand il fait partie de la convention ; mais ce n'en est pas moins toujours un mandat, qui finit par la mort du mandataire. (L. 81, ff. eod., et art. 2003.) Cependant, si l'indiqué était lui-même créancier du créancier, alors ce serait une espèce de délégation imparfaite ; et l'on pourrait payer valablement à ses héritiers.

Si le créancier a reçu une partie de la dette, peut-on payer le restant à l'indiqué? Oui. (L. 71, eod.)

Cette convention par laquelle une personne est indiquée pour recevoir un paiement, s'exprime ordinairement de cette manière, ou autre équivalente : Vous paierez à moi ou à un tel. Quid, s'il est dit : Vous paierez à moi, et à un tel? Comme, dans ce cas, le profit de l'obligation doit se partager également entre tous ceux au profit desquels elle est contractée, il en résulte qu'elle est contractée pour moitié au profit d'un tiers, et que, par conséquent, elle est nulle pour cette moitié, à moins qu'il ne s'agisse d'un des cas dans lesquels il est permis de stipuler au profit d'un tiers. (§ 4. Instit. de inutil. Stipul.) Mais si l'objet de l'obligation était indivisible, comme, dans ce cas, chacun des créanciers peut exiger le total (art. 1224), l'obligation est toujours nulle pour ce qui concerne le tiers. Mais, comme elle est valable pour la totalité, il en résulte que je puis agir contre le débiteur, pour la totalité de ce qui est compris dans l'obligation.]

Nous avons dit qu'on ne pouvait stipuler ni promettre en son propre nom pour un autre, parce que l'on peut stipuler ou promettre pour un autre, pourvu que la convention soit faite au nom de celui pour lequel on stipule

[ocr errors]

ou l'on promet. C'est ainsi qu'un fondé de pouvoir peut contracter au nom de son commettant, parce qu'alors ce n'est pas lui qui est censé contracter, mais bien le commettant lui-même par son ministère. Il en est de même des tuteurs, qui sont les procureurs légaux des mineurs, etc. Si même je contracte au nom d'une personne dont je n'ai de pouvoir, ni légal, ni conventionnel, et que je me porte fort pour elle, je suis censé par là garantir à l'autre partie la ratification de celui au nom duquel j'ai contracté, et m'obliger au paiement des dommages et intérêts, en cas de non ratification. [Mais d'après le principe, que personne ne doit être présumé avoir voulu faire un acte nul, et que, interpretandus est actus potiùs ut valeat, quàm ut pereat, je pense que, pour peu que les expressions dont les contractans se sont servis, se prêtent à la présomption, la convention de se porter fort doit être très-facilement supposée.]

Cette stipulation est donc valable, mais avec cette distinction, que, si le tiers ratifie, il est obligé, comme si j'avais eu de lui, dans le principe, un pouvoir formel, et je reste déchargé de toute obligation; [et c'est en quoi cette obligation diffère du cautionnement, par lequel on s'oblige à exécuter l'obligation, si le débiteur principal n'y satisfait pas lui-même.] Si, au contraire, il refuse de ratifier, il n'est tenu en aucune manière; et alors, par l'effet de la garantie à laquelle je me suis engagé, je dois indemniser l'autre partie de tout le préjudice qu'elle éprou1120. ve par suite de ce refus. [Dans quel délai le tiers pour qui on s'est porté fort, est-il tenu de ratifier? La loi n'a prescrit et ne pouvait prescrire aucun délai; mais si la convention était muette, et que cela se prolongeât au delà du terme, raisonnablement nécessaire pour rapporter la ratification, celui qui s'est porté fort, pourrait être assigné pour voir dire qu'il sera tenu de rapporter la ratification. dans tel délai; sinon que la convention sera annulée, avec dommages-intérêts.

Peut-on se porter fort pour un mineur, et en général pour un incapable? Oui, sans doute. Mais, dans ce cas,

[ocr errors]

la ratification de l'incapable suffira-t-elle pour décharger celui qui s'est porté fort, soit que cette ra'ification soit rescindable ou non. La loi 3, ff. ratam rem haberi, décide que la simple ratification suffit, et qu'il importe peu que le mineur se fasse restituer postérieurement. Et, en effet, c'est le cas d'appliquer la maxime que, ratihabitio mandato æquiparatur. C'est donc comme si la partie avait traité avec un mandataire du mineur. (Voir un arrêt de Cassation, du 16 février 1814, rapporté au Bulletin, n° 29.)]

SECTION IV.

De la Cause.

On entend, dans notre droit, par cause du contrat, ce qui détermine les parties à contracter; et comme on n'est jamais présumé s'engager sans un motif quelconque, il en résulte que toute obligation, sans cause, ou, ce qui est la même chose, sur une fausse cause, est nulle. [Mais la faus- 1131. seté de la cause exprimée, n'empêche pas que l'obligation ne soit valable, s'il existe d'ailleurs une autre cause licite. Sic jugé et avec raison, en Cassation, le 2 décembre 1812. (SIREY, 1815, 1re partie, pag. 33.)] Il n'est pas, au surplus, nécessaire que la cause émane d'un intérêt pécuniaire. Ainsi, dans le contrat de bienfaisance, la libéralité est une cause suffisante de l'obligation. [Mais alors la libéralité ne doit-elle pas être présumée dans toute obligation dont la cause n'est pas exprimée? Non, car la loi veut que les dispositions à titre gratuit soient assujéties à certaines formalités dont l'inobservation entraîne la nullité de l'acte. Par conséquent, tant que ces formalités ne sont pas observées, l'on ne peut présumer que les parties ont voulu faire une donation; et même quand on le supposerait, l'acte n'en serait pas moins nul, par le défaut d'observation des formalités.]

De même, l'obligation n'est pas nulle par cela seul que la cause n'est pas exprimée [comme s'il est dit: Je promets 1132. payer telle somme à Pierre, sans autre explication,] pour

« PreviousContinue »