Page images
PDF
EPUB

eût pas de terme fixé, faute par vous de faire abattre l'arbre, je pouvais vous traduire devant le juge pour voir dire que, dans tel délai qui serait fixé, vous seriez tenu de faire abattre l'arbre; sinon, que je serais autorisé à le faire abattre à vos frais. Cette décision serait certainement admise dans notre droit. (Argument tiré de l'art. 1144.) Dans le fait, c'est comme s'il était dit que, moyennant la somme de cent qui sera payée par moi, vous vous engagez à faire abattre tel arbre. C'est donc réellement une obligation de faire, qui rentre dans le cas prévu par ledit article.

On a critiqué cette décision, et l'on a prétendu que, dans cette espèce, l'obligation est vraiment conditionnelle, et que, comme les parties n'ont stipulé aucun terme pour l'ac. complissement de la condition, les tribunaux n'auraient pas le droit d'intervenir; et qu'en conséquence, le pro priétaire de l'arbre avait la faculté de l'abattre quand il le jugerait convenable. Mais il me semble que l'on peut argumenter contre cette opinion, 1o de l'art. 1175, portant que toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu'elle le fût: Or, certainement, on ne peut croire que les parties aient entendu ajourner indéfiniment le résultat de leur convention; 2o de l'art. 1157, portant que la convention doit être entendue dans le sens qui lui donne un effet, plutôt que dans le sens qui ne lui en donne aucun: Or, dans l'opinion ci-dessus, la convention pourrait être regardée comme n'ayant pas d'effet, puisque l'effet pourrait en être suspendu à perpétuité, le fait dont il s'agit étant de nature à pouvoir être exécuté indéfiniment par les héritiers du créancier; 3o enfin de l'art. 1900, qui porte que si, dans un prêt de consommation, il n'a été fixé aucun terme pour la restitution, c'est au juge à fixer, d'après les circonstances, le délai qui doit être accordé à l'emprunteur. Il est donc permis aux tribunaux d'intervenir dans les conventions à l'effet d'y suppléer pour les cas non prévus par les parties.]

pour

l'ac

Par la même raison, s'il y a un temps fixé complissement de la condition négative, elle est censée

accomplie, lorsque le temps est expiré sans que l'événement
soit arrivé. [Exemple : Je promets cent, si le navire nʼar-
rive pas d'ici à six mois : les cent sont dus et peuvent être
exigés à l'expiration des six mois, si le navire n'est pas en-
core arrivé, arrivât-il le lendemain. Mais il suffit qu'il ar-
rive le jour même de l'expiration des six mois, pour que
l'obligation soit anéantie, à cause de la règle, dies termini
non computatur in termino. (L. 42, ff. de verborum
Oblig.)] La condition est même censée accomplie avant le
terme fixé, lorsqu'il est devenu certain que l'événement
n'arrivera pas. [ Exemple: Je paierai cent, si le navire
n'arrive pas d'ici à six mois. Si, au bout de trois mois
l'on a des nouvelles certaines du naufrage, l'exécution de la
promesse peut être exigée. C'était aussi la décision des lois
Romaines. (L. 10, ff. de verbor. Obligat.) Mais s'il était
dit: Je vous paierai cent dans six mois, si le navire n'est
pas arrivé, alors, quand même l'on aurait au bout de deux
mois des nouvelles certaines du naufrage, le paiement ne
pourrait toujours être demandé qu'au bout de six mois. (L.
8, eod.) La raison de différence est que, dans le premier
le terme est apposé à la condition
; au lieu que, dans
le second, il est apposé au paiement. ]

cas,

S'il n'y a pas de temps fixé, la condition n'est accomplie, 1177.que lorsqu'il est certain que l'événement n'arrivera pas. [ Exemple: Je promets cent, si le vaisseau n'arrive pas. Stricto jure, les cent ne pourraient être exigés que lorsqu'on aurait des nouvelles certaines du naufrage. Cependant je pense qu'avec une condition pareille, l'on pourrait admettre la modification que les lois maritimes admettent dans le cas de l'assurance, qui est cependant un contrat de droit trèsstrict; elle consiste à supposer le naufrage, lorsqu'il s'est écoulé un certain temps depuis les dernières nouvelles du vaisseau. Ce temps est fixé par l'art. 375 du Code de Commerce, à un an pour les voyages ordinaires, et à deux ans pour ceux de long cours. Après ce délai, la condition serait censée accomplie, et le paiement pourrait être exigé, sauf restitution en cas de retour imprévu du navire.

Appliquez ici ce qui a été dit, pour le cas où il s'agirait

d'une condition de ne pas faire, qui dépendrait de la volonté du débiteur, et à l'exécution de laquelle le créancier aurait intérêt; putà: vous me donnerez cent, si vous n'abattez pas tel arbre.]

§ II.

Des différentes Manières dont une Obligation peut être contractée sous condition.

Une obligation peut être contractée sous condition, de deux manières. En effet, ou elle est suspendue jusqu'à l'événement de la condition, de manière que, jusque-là, elle est censée ne pas exister, et elle ne peut, en conséquence, recevoir aucune exécution; ou, existante et parfaite dès le moment du contrat, elle doit cesser d'avoir effet du moment de l'accomplissement de la condition; et les choses doivent dès lors être remises dans l'état où elles étaient avant que l'obligation fût contractée.

Dans le premier cas, la condition est dite suspensive ; dans le second, résolutoire.

De la Condition Suspensive.

La condition suspensive est celle qui suspend l'obligation jusqu'à ce qu'elle soit accomplie. De là il résulte : 1o que, 1181. jusqu'à l'événement de la condition, l'existence même de l'obligation est suspendue. [L'art. 1181 dit que, dans ce cas, l'obligation ne peut être exécutée qu'après l'événement. Cette rédaction est insuffisante; car elle n'établit aucune différence entre l'obligation à terme, qui existe ab initio, mais dont l'exécution seulement ne peut être réclamée qu'après l'échéance du terme, et l'obligation conditionnelle, qui, non-seulement ne peut être exécutée, mais dont l'existence même est suspendue jusqu'à l'événement de la condition.]

Il y a seulement espérance que cette obligation existera, 1179. espérance que le créancier transmet à ses héritiers, et qui

suffit pour qu'il ait le droit de faire tous les actes conserva1180.toires nécessaires. [ A la différence des dispositions testamen

taires, qui deviennent caduques, si le légataire décède avant
l'accomplissement de la condition. La raison de différence
provient de ce que le legs est toujours censé fait en vue du
légataire seul, et non de ses héritiers. Or, comme dans le
legs conditionnel, l'obligation de délivrer le legs ne com-
mence à naître que du moment que la condition est accom-
plie, il en résulte que,
si le légataire est décédé auparavant,
il ne se trouve plus personne capable de recueillir le béné-
fice de l'obligation au moment où elle commence d'exister.
La même raison ne peut s'appliquer aux conventions, dans
lesquelles on est censé stipuler pour soi et pour ses héri-
tiers.

n'a

C'est par suite de ce principe que la caution Mucienne pas lieu dans les conventions faites sous une condition négative. On ne peut leur appliquer la même raison qu'aux dispositions testamentaires. Par la même raison, ce que l'on appelle en droit Romain, dies incertus, c'est-à-dire un événement qui doit certainement arriver, mais à une époque incertaine, fait, comme nous l'avons vu, condition dans les testamens, mais n'est regardé que comme un terme dans les conventions. D'un autre côté, le terme peut quelquefois emporter condition, si par exemple, une donation a été faite à une personne, lorsqu'elle se mariera ; c'est alors une donation faite en faveur du mariage; et ces sortes de donations sont nulles, quand le mariage ne s'ensuit pas.

Mais si la condition est potestative, peut-elle être accomplie par les héritiers du créancier ? Il faut distinguer: Si la condition consiste à donner, elle peut être accomplie par les héritiers. Le débiteur n'a pas, et ne peut avoir d'intérêt contraire. Mais si elle consiste à faire, il faut encore distinguer: Si le débiteur a intérêt à ce que la condition soit accomplie par le créancier, comme s'il s'agit d'un fait personnel à ce dernier, alors il peut se refuser à ce qu'elle soit accomplie par les héritiers. Secùs, dans le cas contraire. ]

[Le créancier peut donc prendre des inscriptions hypothécaires, lesquelles, si la condition s'accomplit, donnent rang à l'hypothèque, du jour qu'elles ont été prises, comme nous allons voir tout à l'heure et ce, quand même la condition n'existerait que long-temps après.

Quid, si le débiteur fait faillite, et qu'il y ait lieu à ordre ou à contribution? Le créancier doit toujours être colloqué, suivant son droit. Mais sa part sera recueillie par ceux qui auraient droit, si la créance n'existait pas du tout, à la charge par eux de donner caution de restituer, si la condition s'accomplit.

Quid, si la chose qui est l'objet de l'obligation, produit des fruits, à qui appartiennent ceux qui ont été perçus interim, lorsque la condition vient à s'accomplir? Comme les risques de la chose sont pour celui qui s'est obligé de la livrer, il me semble que l'on doit en conclure qu'il doit gagner les fruits: Eumdem sequuntur commoda, quem sequuntur onera.]

2o. Que ce qui serait payé avant l'événement de la condition, pourrait être répété. [ Car puisque l'obligation n'existe pas encore, on a réellement payé ce qui n'était pas dû.]

3o. Que, jusqu'à cet événement, il n'y a pas de transport de propriété. La chose qui est l'objet de l'obligation, reste donc aux risques du débiteur. En conséquence, si elle vient à périr entièrement, sans la faute du débiteur, la convention est censée n'avoir jamais existé. [ L'effet de l'accomplissement de la condition est de faire naître l'obligation. Or, pour qu'il y ait obligation, il faut qu'il y ait un objet auquel elle puisse s'appliquer. Donc l'obligation ne peut naître, du moment que ce qui devait en être l'objet, n'existe plus.

L'art. 1182 dit que, dans ce cas, l'obligation est éteinte. Cette rédaction n'est pas exacte, surtout comparée avec celle de l'art. 1502. Il est dit pareillement, dans ce dernier article, que si le corps certain qui faisait l'objet de l'obligation, vient à périr sans la faute du débiteur, l'obligation est éteinte; ce qu'il faut entendre dans ce sens, que c'est

« PreviousContinue »