Page images
PDF
EPUB

acte que pour le paiement, le mandat cesse; et ils ne sont plus considérés que comme propriétaires chacun de leur part. Ce principe, qui est évidemment la base des articles 1198 et 1365, doit servir à décider toutes les questions qui peuvent s'élever relativement au droit de chaque créancier, sur la dette même. Ainsi, il est certain que le créancier solidaire ne peut innover ou compenser que pour sa part, etc.]

[ocr errors]

De ce que chaque créancier est capable de recevoir le total de la dette, il résulte que le débiteur a le droit de payer à celui qu'il veut choisir, pourvu qu'il n'ait pas encore été dirigé de poursuites contre lui par l'un d'entr'eux; car alors il ne pourrait payer qu'au poursuivant, 1198. sauf, dans tous les cas, le recours des autres créanciers contre celui qui a reçu le paiement, chacun en raison de l'intérêt qu'il a dans l'obligation.

§ II.

De la Solidarité entre Débiteurs.

Une obligation est solidaire entre débiteurs, ainsi que nous l'avons dit, quand ils sont, d'après le titre, obligés à une même chose, de manière que chacun d'eux puisse être contraint pour le tout, et que l'extinction de l'obligation, à l'égard de l'un, libère tous les autres.

1197.

1200.

Les effets de cette solidarité sont : premièrement, que le créancier peut s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de 1203. division. [Comme aussi il peut les assigner tous ensemble; et alors il les assigne devant le tribunal de l'un d'eux, à son choix. (Procéd. 59.)]

[Le bénéfice de division est une exception, par laquelle une personne poursuivie en paiement du total d'une dette à laquelle elle est obligée conjointement avec d'autres personnes , peut, dans certains cas, demander que le créancier dirige son action en même temps contre les autres co-obligés, et la réduise à la part et portion de chacun d'eux.

(Art. 2026.) Dans la solidarité entre débiteurs, le Code a conservé les principes du droit Romain. En conséquence, chaque débiteur est censé, à l'égard du créancier, débiteur unique du total de la dette. Il ne peut donc exiger que le créancier divise son action.]

Comme la solidarité n'existe qu'en faveur du créancier 9

il s'ensuit qu'après le paiement, celui qui a payé, né peut 1213. agir en recours contre les autres co-débiteurs, que propor1216. tionnément à l'intérêt que chacun d'eux a dans la cause de la dette. [Si donc la dette solidaire a été contractée pour une affaire qui ne concernait qu'un seul des co-débiteurs, le créancier pourra bien agir contre chacun d'eux pour le total, mais, le paiement une fois fait, le débiteur que la dette concerne sera tenu pour la totalité vis-à-vis de ses co-débiteurs, qui, par rapport à lui, ne seront considérés que comme ses cautions (art. 1216), et qui, en cas d'insolvabilité de sa part, auront entre eux le recours, tel qu'il est fixé l'art. 2033.

[ocr errors]

par

Lorsque la dette solidaire provient d'un délit, celui qui a payé le tout a-t-il recours contre les autres délinquans? POTHIER pensait que stricto jure, il n'aurait pas dû l'avoir, quia nemo ex delicto suo debet consequi actionem. Et cela est décidé ainsi par le Code Prussien, 1re partie, Tit. 3, articles 35, 36 et 37. Mais il ajoute qu'en France, dans la pratique, l'on accordait le recours; et il en serait certainement de même aujourd'hui. Quant à la règle de droit citée par POTHIER, elle ne me paraît pas applicable ici. Ce n'est pas le délit qui produit l'action en recours; il n'en est que la cause occasionelle. La cause efficiente de l'action, c'est le paiement fait du total par un seul des débiteurs or, ce paiement n'est pas une chose illicite.

Le débiteur qui a payé le total, peut-il réclamer les intérêts de la part que chacun d'eux doit supporter dans la dette?

Oui: d'abord si la créance portait intérêt au profit du créancier, ils continuent de courir au profit de celui qui a payé, par l'effet de la subrogation; si elle n'en portait pas, je pense qu'ils doivent courir du jour du paiement; et ce, par argument des articles 2001 et 2028. Chaque co-débiteur

[ocr errors]

peut être considéré, soit comme caution, soit comme mandataire de ses co-débiteurs pour la part que chacun d'eux doit supporter dans la dette. Je pense même qu'il peut exiger les intérêts, non-seulement du capital, mais encore des intérêts qu'il a payés pour la part de chacun : quant à lui, c'est un capital (article 1155) : et d'ailleurs, l'on peut dire qu'en payant il a empêché les poursuites que le créancier aurait pu faire, et qui eussent été à la charge de tous les débiteurs.

L'on a jugé en Cassation, le 27 février 1816 (SIREY, 1816, 1re partie, p. 436.), que la disposition de cet article 1214 n'était applicable qu'à celui qui avait payé le tout par suite d'une obligation personnelle, et non à celui qui avait été poursuivi seulement comme détenteur, lequel peut demander le tout à celui des débiteurs solidaires qu'il veut choisir. Et en effet, des co-débiteurs qui ont contracté en semble une obligation solidaire, peuvent être regardés entre eux, comme des associés. Il est donc juste qu'ils divisent leurs actions. D'ailleurs il résulterait du système contraire un circuit d'actions, etc. Aucune de ces raisons ne s'appli que au tiers-détenteur.

1

Quid, si l'un des débiteurs, sans avoir payé le total, avait cependant payé au delà de sa part; putà, s'il a payé deux parts au lieu d'une, aura-t-il action pour la totalité de cet excédant contre celui de ses co-débiteurs qu'il voudra choisir, ou contre chacun seulement, pour sa part dans l'excédant? Je pense qu'il aura l'action contre chacun des autres co-débiteurs pour sa part. En effet, en payant une part de plus, il n'a pas libéré un des débiteurs, puisque le créancier peut encore s'adresser à celui qu'il voudra pour le surplus de sa créance. A quel titre viendrait-il donc demander à l'un des débiteurs la totalité de la somme pour laquelle celui-ci doit contribuer dans la dette ?]Et cela, nonobstant la subrogation légale qui a eu lieu, à la vérité, au profit du débiteur qui a payé, mais pour les priviléges et hypothèques seulement. [(Voyez ci-après, chap. V, 1257 sect. 1 § 7, ce qu'on doit entendre par subrogation légale.)

Quid, s'il y a subrogation conventionnelle? Je ne pense pas que cela doive rien changer à la disposition de l'art. 1214. La subrogation, soit légale, soit conventionnelle, a toujours le même effet, celui de faire passer au subrogé, tous les droits, actions et priviléges du créancier; et si néanmoins la loi, dans le cas de l'art. 1214, a restreint l'effet de la subrogation légale, il y a même raison d'appliquer cette disposition à la subrogation conventionnelle. Cette décision peut d'ailleurs être appuyée, par analogie, sur la disposition de l'art. 875.]

[Quant aux priviléges et hypothèques de la créance, le débiteur qui a payé, ne pourra les exercer que pour la part de chacun des co-débiteurs.

Mais si le créancier a rendu par son fait la subrogation impossible, putà, s'il a laissé éteindre des hypothèques, s'il s'est laissé primer dans l'ordre des inscriptions; ne pourrait-on pas lui opposer l'exception cedendarum actionum, conformément à l'art. 2037? Je pense qu'oui; mais seulement dans le sens qu'il ne pourra plus exiger des autres débiteurs la part de celui contre lequel il a laissé perdre ses droits. Sic jugé en Cassation, le 13 janvier 1816. (SIREY, 1816, 1e partie, pag. 527.) Cependant jugé le contraire à Rouen, le 7 mars 1818. (SIREY, 1819 2o partie, pag. 72.) Mais je crois l'arrêt de Cassation plus conforme à l'équité; il ne contrarie pas d'ailleurs les principes de la solidarité ; et l'on peut très-bien l'appuyer par analogie sur l'art. 2037.]

و

Si, cependant, l'un des co-débiteurs se trouvait insolvable, la perte qu'occasionerait son insolvabilité, serait répartie par contribution, entre tous les autres co-débiteurs solvables et celui qui a fait le paiement, chacun en propor1214. tion de son intérêt.

Mais il faut bien observer que les poursuites faites par le créancier, contre un des co-débiteurs, ne libèrent pas les autres ; et qu'il peut, s'il n'est pas entièrement satisfait par celui auquel il s'est adressé, en attaquer un second, et 1204. successivement. [ Quid, si tous les débiteurs solidaires sont en faillite, quel sera le droit du créancier dans chacune des

directions? Exemple: Denis, Paul et Jacques sont débiteurs solidaires de Pierre pour une somme de 2000 francs. Ils font faillite tous trois. Trois directions s'établissent. Paul donne cinquante pour cent; Denis, quarante ; et Jacques, trente. Il semblerait, au premier coup d'œil, que Pierre ne dût rien perdre. Cependant il y avait à cet égard trois opinions:

La première qui était celle de SAVARY (Parères 13 et 48), était, que le créancier ne pouvait se présenter que dans l'une des trois directions, sauf à opter pour celle qui lui paraissait la plus avantageuse. Il se fondait sur ce que le créancier ayant figuré dans une direction pour la totalité de son dû, était censé avoir reçu cette même totalité; d'où il résultait qu'il ne pouvait plus agir contre les autres débiteurs. Cette opinion a eu peu de sectateurs.

La deuxième opinion, qui était celle de LA SERRA, BouTARIC, JOUSSE et POTHIER, élait, que le créancier pouvait se présenter dans les trois directions; mais qu'après avoir reçu dans la première une portion de sa créance, il ne pouvait entrer dans les autres, que successivement, et pour ce qui lui restait dû. D'après cette opinion, et en continuant l'espèce ci-dessus, Pierre se présente dans la direction de Paul, et y touche mille francs. Il n'est donc plus créancier que de mille francs. Il est colloqué pour cette somme dans la direction de Denis, et touche quatre cents francs; reste une somme de six cents, francs pour laquelle il est colloqué dans la direction de Jacques, et reçoit cent quatre-vingts francs il est donc en perte de quatre cent vingt francs. Mais il paraît que cette opinion, qui était la plus générale, avait été également proscrite en dernier lieu, ainsi qu'il résulte d'un arrêt du Conseil, du 24 février 1778, rapporté par ÉMÉRIGON (des Contrats à la Grosse, chap. 10, sect. 3), lequel a cassé un arrêt du Parlement d'Aix, qui avait jugé dans le sens de cette seconde opinion.

Le Code de Commerce a consacré la doctrine de l'arrêt du Conseil, par son article 554 ainsi conçu:

<«< Le créancier porteur d'engagemens solidaires entre le » failli et d'autres co-obligés qui sont en faillite, partici

« PreviousContinue »