Page images
PDF
EPUB

L'article ainsi interprété ne présente plus aucun doute, puisqu'il ne s'applique alors aux articles 1084 et 1086, que pour la partie relative aux donations de biens à venir.

En vain opposerait-on à cette décision l'avis de RICARD, des Donations, partie 3o, no 827. Car cet auteur, qui écrivait avant l'Ordonnance, raisonne évidemment dans le sens d'une donation de biens présens et à venir pure et simple, c'est-à-dire à laquelle l'état des dettes n'a pas été annexé. (On n'avait pas encore imaginé ce moyen, qui a été établi pour la première fois par le Code.) En effet cet auteur donne pour motif de son avis, que, si la donation n'était pas caduque entièrement par le prédécès du donataire, ce serait le faire acquérir après sa mort. RICARD suppose donc que le donataire n'a rien acquis par la donation; et il est certain que, dans notre droit, lorsque l'état des dettes a été annexé, les biens présens sont irrévocablement acquis au donataire. L'opinion de RICARD n'est donc nullement opposée à la nôtre; elle paraît au contraire la confirmer.

Quid, si le donataire a aliéné; ce qui est possible, par exemple, dans le cas d'une donation de biens présens et à venir, si l'on a négligé d'annexer l'état exigé par l'article 1084, et que le donataire ait été néanmoins mis en possession des biens présens? Comme la donation est caduque, les biens reviennent francs et quittes dans la main du donateur. C'était aux acquéreurs à s'assurer si toutes les conditions exigées pour rendre la propriété du donataire irrévocable, ont été remplies..

L'institution contractuelle serait-elle annulée par la mort civile de l'instituant? Voyez tom. 1er pag. 125.]

Quelque favorables que soient les donations faites par contrat de mariage, elles ne peuvent préjudicier à la rẻserve légale. [Et elles sont, en outre, comme nous l'avons vu, révocables par survenance d'enfans, à moins qu'elles n'aient été faites par un ascendant à son descendant. (Article 960.)] Elles sont, en conséquence, réductibles, lors de l'ouverture de la succession, à la portion dont il était permis au donateur de disposer.

[ocr errors]

REMARQUES SUR LE CHAPITRE PRÉCÉDENT.

La législation intermédiaire ne nous présente aucune disposition relative à la matière que nous traitons; mais celle qui l'avait précédée étant encore fréquemment invoquée dans les cours et tribunaux, pour ceux de ses articles qui n'ont pas été rapportés par des lois postérieures et par le Code civil, nous allons faire connaître ce qui, dans la loi du 17 nivose de l'an 2, avait rapport aux donations faites aux époux par contrat de mariage.

Les institutions contractuelles et toutes dispositions à cause de mort dont l'auteur était encore vivant, ou n'était décédé que le 14 juillet 1789 ou depuis, furent déclarées nulles, quand même elles auraient été faites antérieurement ( art. 1er ).

Les dispositions contractuelles antérieures au 14 juillet 1789, qui renfermaient en même temps des libéralités entre vifs et irrévocables, 'sous quelque dénomination qu'elles eussent été conférées, et une institution dans les biens à venir, ne devaient avoir leur effet que pour les dons entre vifs, et non pour les biens résultant de l'institution, si l'instituant vivait encore ou n'était mort que le 14 juillet 1789 ou depuis ( art. 2 ).

Les enfans, descendans et collatéraux ne pouvaient prendre part aux successions de leurs pères, mères, ascendans ou autres parens, sans rapporter les donations qui leur avaient été faites par ceux-ci antérieurement au 14 juillet 1789, sans préjudice toutefois de l'exécution des coutumes qui assujétissaient les donations à rapport, même dans le cas où les donataires renonçaient à la succession du donateur (art.8). Et cet article devait être observé nonobstant toutes dispenses de rapport dans les lieux où elles étaient autorisées.

Les successions des pères, mères, ou autres ascendans et des parens collatéraux, ouvertes depuis et compris le 14 juillet 1789, et qui s'ouvriraient à l'avenir, devaient être parlagées également entre les enfans, descendans, ou héritiers en ligne collatérale, nonobstant toutes lois, coutumes, donations, testamens, et partages déjà faits; en conséquence les enfans, descendans et héritiers en ligne collatérale ne pouvaient, même en renonçant à ces successions, se dispenser de rapporter ce qu'ils avaient reçu à titre gratuit par l'effet des donations que leur avaient faites leurs ascendans ou leurs parens collatéraux le 14 juillet 1789 ou depuis (art. 9).

soit

[ocr errors]

Le mariage d'un des cohéritiers présomptifs, soit en ligne directe, en ligne collatérale, ni les dispositions contractuelles faites en le mariant ne pouvaient lui être opposés pour l'exclure du partage égal, à la charge par lui de rapporter tout ce qui lui avait été donné ou payé lors de son mariage (art. 1).

Les donations et dispositions faites par contrat de mariage au profit des conjoints, depuis le 14 juillet 1789 et avant la promulgation de la loi du 5 frimaire an 2, par tous citoyens, parens ou non parens des époux, pourvu que les donateurs fussent sans enfans, étaient aussi exceptées de la nullité prononcée par l'art. 1er: néanmoins, et dans le cas où le donataire

serait successible et prendrait part à la succession du donateur, il ne le pouvait qu'en rapportant lesdites donations à la masse (art. 15 ).

La loi fut déclarée dans tous ses points commune à toutes les parties de la république, même à toutes celles dont l'union avait été prononcée depuis le 14 juillet 1789 (art. 58 ). (La Belgique n'ayant été réunie que le 9 vendémiaire de l'an 4, cette loi n'y fut publiée que le 29 brumaire suivant.)

Au moyen des dispositions ci-dessus, la loi du 5 frimaire de l'an 2 fut déclarée comme non avenue. Toutes lois relatifs à la transmission des biens par succession ou donation furent égale9 coutumes, usages et statuts ment déclarés abolis, sauf à procéder au partage des successions échues depuis et y compris le 14 juillet 1789, et de celles à venir, selon les règles établies par les articles 72 et suivans (art. 71 ).

Telle était alors cette fameuse loi du 17 nivose, dont les dispositions, odieuses surtout à cause de leur rétroactivité, renversaient le système des donations et l'ordre des successions. A peine la France eut-elle reconquis une partie de sa liberté politique, que des réclamations se firent entendre de toutes parts, et l'effet rétroactif fut rapporté par les lois des 5 floréal, 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4. La loi du 17 nivose ne dut plûs avoir son effet que du jour de sa publication.

du

en

La loi du 18 pluviose an 5 y dérogea d'une manière plus expresse, statuant que les avantages, prélèvemens, préciputs, donations entre vifs, institutions contractuelles et autres dispositions irrévocables de leur nature, légalement stipulés en ligne directe avant la publication de la loi 7 mars 1793, et en ligne collatérale ou autres individus non parens, antérieurement à la publication de la loi du 5 frimaire an 2, plein et entier effet, conformément aux anciennes lois, tant sur les sucauraient leur cessions ouvertes jusqu'à ce jour que sur celles qui s'ouvriraient à l'avenir. La loi du 17 nivose donna lieu à une foule de questions en interprétation. Elles furent toutes résolues par les lois des 22 ventose et

l'an 2; 19 seulement furent adressées officiellement aux départemens de la fructidor de Belgique : dans ce nombre il n'en est qu'une qui soit relative aux donations faites aux époux par contrat de mariage; en voici la solution :

On avait demandé qu'il fût interdit d'une manière précise à celui qui avait fait depuis le 14 juillet 1789, ou qui ferait à l'avenir une donation entre vifs, soit en faveur de mariage, soit en avancement d'hoirie ou autrement, de réclamer personnellement contre l'effet de sa propre libéra-、 lité, et sauf aux héritiers, à son décès, à faire valoir leurs droits. La loi du 22 ventose a répondu que cette question était véritablement résolue par l'art. 57 de la loi du 17 nivose; qu'en effet l'attribution faite par cet article aux seuls héritiers, et à dater seulement du jour où leur droit était ouvert, décidait bien nettement que nul droit à cet égard ne résidait dans la personne du donateur même.

Malgré les dispositions dérogatoires, la loi du 17 nivose conservait toujours le caractère odieux que lui avait imprimé son effet rétroactif; ce caractère ne fut presqu'entièrement effacé que par la loi du 4 germinal an 8, et définitivement par l'art. 7 de la loi du 30 ventose an 12.

Cette loi désastreuse ne peut donc plus être invoquée que pour les donations dont l'effet s'est ouvert depuis la loi qui a rapporté sa rétroactivité jusqu'au 20 germinal an 12, époque de la promulgation du Code civil, et pour celles qui ont été faites sous son empire.

Par avis du conseil d'état du 22 décembre 1809, il a été décidé que pour les donations de biens présens et à venir, faites par contrat de mariage soit qu'elles soient faites cumulativement ou par des dispositions séparées, le droit proportionnel est dû pour les biens présens, toutes les fois qu'il est stipulé que le donateur entrera de suite en jouissance.

Les dispositions du nouveau Code civil sur cet objet font partie de la loi du 2 août 1822 formant le 8e titre du premier livre. En voici le texte :

QUATRIÈME SECTION.

Des Donations faites aux futurs époux et aux enfans à naître du mariage.

35. Tous ceux qui ont la libre disposition de leurs biens, pourront, soit par le contrat de mariage, soit par un acte séparé, passé devant le notaire avant la célébration et à cause du mariage, faire aux futurs époux, ou à l'un d'eux telles donations qu'ils jugent à propos, sauf leur réduction, si elles excèdent la quotité disponible.

[ocr errors]

36. Si ces donations sont faites par le contrat de mariage, elles seront valables sans l'acceptation expresse du donataire. Si elles sont faites par un acte séparé, elles n'auront d'effet qu'après l'acceptation expresse.

37. La donation de tout ou partie de la succession du donateur, quoique faite au profit seulement des époux ou de l'un d'eux, sera toujours dans le cas de survie du donateur au donataire, présumée faite au profit des. enfans et descendans à naître du mariage.

Elle deviendra caduque si le donateur survit au donataire, et aux enfans et descendans issus du mariage.

faite aux

38. Lorsque la donation de tout ou partie de succession, futurs époux, un ou plusieurs des enfans à naître du mariage, sont appelés en cas de prédécès des donataires; cette donation profitera, nonobstant toute clause contraire, à tous les enfans du mariage, sans exception ni préférence d'âge ou de sexe.

39. Les dispositions des articles 27, 29, 30, 31 et 32 de ce titre, sont applicables aux donations mentionnées dans la présente section.

[blocks in formation]

"

JURISPRUDENCE.

I. L'art. 4, chap. 2 de la coutume de Liége autorisait la donation de tous esbiens présens et futurs, lorsqu'elle était faite en faveur de mariage. Quoique l'arrêt qui, dans un de ses considérans, rappelle cette disposition, ne dût pas en faire l'application, nous avons cru devoir le mentionner ici, à cause du principe qu'il pose que, par argument à contrario sensu, la coutume de Liége défendait ces donations toutes les fois qu'elles n'étaient pas faites en faveur du mariage, et que, bien qu'il fût vrai que l'argument à contrario sensu n'est pas toujours concluant, il páraissait d'autant moins douteux qu'il ne le fût dans l'espèce, que les auteurs les plus recommandables, et notamment de Méan et Sohet avaient établi comme point de doctrine, que l'on ne pouvait donner entre vifs tous biens présens et futurs, sinon à cause de mariage. (Arrêt de la cour de Bruxelles du 11 juillet 1818.)

II. L'institution contractuelle n'existait pas chez les Romains; elle a été Bétablie par les coutumes, et quoique, par sa nature, elle paraisse irrévocable, on a jugé néanmoins que le donateur pouvait disposer. D'après la jurisprudence généralement reçue tant en France qu'en Belgique, et adoptée depuis par les auteurs du Code civil, la clause par laquelle un ascendant dispose de l'universalité de ses biens présens et à venir par contrat de mariage en faveur des enfans à naître de cette union, sous réserve d'usufruit à son profit, à charge par lui de faire remploi en cas d'aliénation par vente, n'est pas une donation entre vifs qui exproprie le disposant de son vivant. Cette clause ne transmet aux héritiers que le titre et la qualité irrévocable d'héritier, et uullement la propriété effective des biens. L'instituant conserve pendant sa vie cette propriété et peut en disposer à titre onéreux , pourvu que ce ne soit pas en fraude de l'institution, n'ayant contracté envers les institués que l'obligation irrévocable de leur laisser tous les biens qui lui resteraient au jour de son décès. ( Arrêt de la cour de Bruxelles du 18 février 1822. ) Cette jurisprudence est conforme à celle de la cour de cassation de France qui, par arrêt des 19 pluviose an 11 et 24 nivose an 13, avait jugé, sur la demande de la Régie de l'enregistrement, que le droit de mutation était dû à la mort de celui qui a disposé par institution contractuelle, nonobstant la clause de rétention d'usufruit, parce qu'une telle institution est une disposition mixte qui participe de la donation entre vifs en ce que, comme elle, elle est irrévocable, et de la disposition testamentaire en ce que, comme celle-ci, elle ne donne que des espérances qui ne doivent avoir d'effet qu'à la mort de l'instituant, et qu'une telle disposition n'assure irrévocablement à l'institué que le titre d'héritier, sans être un obstacle à ce que l'instituant aliène sans fraude les biens qu'il possède au jour du contrat.

[ocr errors]

III. D'après l'ancienne législation du Brabant, les contrats de mariage réalisaient et cette réalisation ayant, dans ladite législation, les mêmes effets que la réalisation par œuvres de loi, y faisait cesser la fiction légale, d'après laquelle les immeubles ron réalisés étaient meubles, et tombaient comme tels dans la communauté entre mari et femme. En conséquence il

« PreviousContinue »